LES C.R.S. EN ALGERIE



( de 1955  à  1962 )
 
Au début de l'année 1955 la situation en ALGERIE a pour conséquence une très sérieuse détérioration du climat politique en métropole.
                L'inévitable finira par arriver au mois de février. En effet, à la suite d'un long débat sur l'ALGERIE, le Gouvernement est renversé. Mr E. FAURE  succède à MENDES-France et en ALGERIE Mr. SOUSTELLE prend la place de Mr. LEONARD.
               Les reproches faits au précédent gouvernent ont portés sur les mesures d'ordre prises et qui se sont avérées insuffisantes. M. MITTERAND alors Ministre de l'Intérieur a eu beau tenter de justifier le gouvernement en faisant état des renforts mis an place depuis le 1er novembre. En vain.
               C'est donc avec des préoccupations de cet ordre que le nouveau Ministre de l'Intérieur sera aux prises dès son entrée en fonction. Des renforts! Les militaires en réclament les civils font chorus. Hélas les possibilités d'en fournir paraissaient bien limitées, de sorte qu'on en était à envisager toutes sortes de solutions.
               Entre autre solution, la création ou la mise sur pied de brigades de gendarmerie, d'unités de police rurale, encore plus communément appelées « goumes », enfin des Compagnies républicaines de Sécurité est préconisée.
               Tout cela n'allait pas sans soulever d’importants problèmes et comme de juste la réticence du Ministre des finances. La création de CRS en particulier allait rencontrer l'opposition des services financiers sous le prétexte de ne pas multiplier les genres de police.
               Le  Ministre de l'Intérieur n’est pas de cet avis et fait savoir qu'il estime indispensable que trois Compagnies soient créées en 1955 et trois en l956. L'argument avancé est qu’à la diversité des missions doit répondre celle des moyens. En ce qui concerne les CRS le Ministre fait valoir que dans les missions qui leur sont propres elles ne peuvent être  remplacées ni par les brigades de gendarmerie, ni par les escadrons de gendarmerie mobile, ni par les goumes.
...... Pour s'en persuader, il n'est que de considérer les caractéristiques des uns et des autres (écrit le  Ministre à son homologue des finances, et il poursuit :
…..Les CRS sont des unités exclusivement européennes solidement encadrées, fortement armées et dotées de moyens de transmission radio développés. Elles sont spécialement entraînées   à l'intervention massive dans les agglomérations importantes où elles constituent la réserve mobile des Corps Urbains ; à la Police et au contrôle routier où elles excellent grâce à leur dotation en véhicules légers (prairies) et en équipement radio qui leur permettent de tendre un réseau de surveillance et d’action à grande distance.
…..sans doute pourrait-on objecter que la gendarmerie mobile répond aux mêmes caractéristiques et peut donc remplir les mêmes missions.
                Ce n’est qu’approximativement exact. Il n’est   pour s'en convaincre que de consulter les autorités responsables du maintien de l’ordre en métropole, IGAME et Préfets.
                En effet,  alors que les CRS  relevant du Ministre de 1'Intérieur sont prêtes à interven1r et interviennent effectivement sans aucun délai, IGAME et Préfets doivent, pour obtenir la disposition de la gendarmerie mobile, recourir à la procédure lente et formaliste de la réquisition.
                Au surplus, les autorités militaires très hiérarchisées n’exécutent pas de réquisition avant d’en avoir référé à Paris. Ce qui fait du Général Commandant la Région et de l’Etat major de l’armée, le juge des besoins de l’autorité administrative, cependant seule responsable. Il en résulte souvent des frictions ou plus simplement des échanges de communications té1éphoniques qui font perdre un temps précieux.
                Son utilisation d'autre part, en raison du caractère strict des règlements  militaires, n'offre pas toute la souplesse désirable.
                Enfin, la répartition de la Gendarmerie Mobile est arrêté par le Ministre de la défense nationale en dehors de toute considération d'ordre public. De ce fait jamais une autorité administrative ne peut être assurée de disposer en cas de nécessité, d’un effectif déterminé, celui-ci variant incessamment sans que l’autorité en cause soit consultée ni informée.
…..Au demeurant il ne vous échappera pas qu’il est du plus grand intérêt pour la France de disposer, à côté des forces de sécurité métropolitaines de moyens complémentaires, stationnés en Afrique du Nord, n’entrant pas en compte dans les forces militaires de l’OTAN, et, susceptibles néanmoins d’être utilisées, le cas échéant comme renforts dans la métropole elle même.
….. Je tiens à observer de toute manière, que si la présence de CRS en Algérie, n’était pas considérée comme indispensable tant par le Gouverneur Général que par moi même, il ne serait pas explicable que 20 Compagnies y soient stationnées depuis les premiers jours de novembre et que la réduction de ces effectifs ne puisse être envisagée sans une grande appréhension.
…..Il n’est cependant pas douteux qu’une telle situation ne saurait se prolonger, sans risque de compromettre gravement le maintien de l’ordre en métropole. L’insuffisance des effectifs métropolitains n’a eu sans doute jusqu’à présent aucune incidence grave, mais il suffirait qu’interviennent les troubles sociaux pour qu’il risque d’en être différemment.
               C'est dire que non seulement la création de CRS en Algérie est indispensable pour des raisons de commandement et d’efficacité tactique dont je suis juge, mais encore que cette mesure doit être réalisée de la manière la plus rapide si l’on veut éviter que se prolonge une situation critique pour el maintien de l’ordre public dans la métropole…. »
                Ce plaidoyer très ferme, et hautement flatteur pour les CRS révèle la détermination du nouveau Ministre de l’Intérieur d’engager le problème du renforcement des moyens en Algérie sur la voie d’une solution rapide. Mais il n’est pas inutile de chercher à savoir si cette création d’unités si rigoureusement prônée, est acceptée d’enthousiasme à l’Etat Major des CRS. A cet égard, M. MIR, a pris position dès novembre 1954 à la suite d’une tournée d’inspection en Algérie. Dans le rapport adressé à la Direction Générale de la Sûreté Nationale on peut lire notamment :
…..  « En 1945, j’avais fait une étude tendant à démontrer la nécessité d’implanter des CRS en Algérie. Plus récemment, en juillet 1954, au cours d’une inspection des Compagnies déplacées, j’avais évoqué cette question avec M. LEONARD, Gouverneur Général.
                Aujourd’hui il semble que l’on puisse envisager dans l’hypothèse d’un vote favorable du parlement une création rapide de quelques unités. Cette création est logique, car il est pour le moins surprenant que le Ministre ait des détachements de CRS à la Réunion, à la Guadeloupe et à la Martinique, et qu’il ne dispose pas de formations identiques dans les départements algériens. Cette création est utile puisque chaque année, depuis trois ans, on fait appel aux CRS de la métropole pour des séjours plus ou moins long en Algérie, ce qui revient fort cher.
….. Cette création est nécessaire, car il est souhaitable, dans la période très particulière où nous venons d’entrer, que le Ministre de l’Intérieur, responsable de l’ordre public en Algérie, puisse disposer de forces de police sûres formées de personnel métropolitain, dans le creuset d’un corps qui a fait ses preuves. »
                 Ainsi donc, l'imp1antation d'un groupement des CRS en ALGERIE est souhaitée par le commandement pour des motifs, dont le plus évident est de permettre rapidement d'alléger la contribution actuelle de la métropole.
                 Mais, alors qu'on pourrait s'attendre  à voir réaliser l'implantation rapide des quelques unités, il faudra patienter de nombreux mois avant que la décision ne soit finalement prise de passer aux actes.
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                  Or, en Algérie, la Direction de la Sécurité Générale, qui disposait par ailleurs d'un budget propre, avait depuis longtemps pris une décision pour assurer le renforcement des moyens de la police.
                  On se souvient, que dès l'apparition en 1952 des premiers symptômes sérieux du nationalisme algérien, les autorités avaient pu faire la constatation de l'insuffisance des moyens dont elles disposaient pour faire face aux troubles qui pouvaient en résulter. Cette insuffisance coïncidait au surplus avec une pénurie d'effectifs militaires qui confinait à l'indigence, l'essentiel des troupes habituellement stationnées en ALGERIE ayant été envoyé en TUNISIE et au MAROC ou la situation s'était depuis longtemps détériorée.
                 A  cette époque l'envoi de quelques CRS à la demande du gouverneur avait donc d’avantage pour but de marquer cette absence de moyens que d'y porter remède. On sait combien l'organisation de nos unités et leur mobi­lité avaient impressionné  les autorités d'emploi qui estimèrent dès lors souhaitable la création de formations de police aux possibilités semblables.
                Il faudra cependant du temps pour que ce projet ce concrétise, de sorte qu'en 1954 lorsque les C.R.S. sont appelées pour la troisième fois en Algérie, aucune création d'unité de ce genre n'est entrée dans la voie des réalisations.
                Mais la situation avait à ce moment pris un tour si sérieux qu’il n'était plus possible de différer plus longtemps la décision. Celle-ci est prise à la fin de l'été et le Journal Officiel de l’Algérie nous apprend le 1er octobre la mise sur pied d'une formation de police de réserve compre­nant un certain nombre de Compagnies Autonomes de Réserve (C.A.R).
                Il s’agit de détachements de police Mobile, pourvus de moyens automobiles et de matériels légers leur assurant une autonomie suffisante pour leur permettre d'effectuer de courts détachements ; leurs effectifs théoriques sont cepen­dant de moitié inférieurs à ceux de nos Compagnies.
               L'évolution de la situation va d'ailleurs imposer rapidement des considérations nouvelles, et conditionner dans une large mesure l'existence de cette formation de réserve dont quatre Compagnies seulement auront été créées vers la fin 1955. 
               Vers le mois de novembre de cette même année, la situation sociale et politique en métropole oblige le gouvernement a retirer la moitié des Compagnies déplacées en Algérie sur les 20 qui s’y trouvent depuis le 1er novembre 1954.
               Dès le mois d’octobre en prévision d’une telle éventualité le Gouverneur général de l’Algérie, avait rigoureusement insisté pour la création de six CRS en Algérie, en même temps que serait poursuivie sur place la mise sur pied d’une dizaine de C.A.R..
              Satisfaction était donnée pour l’implantation de deux compagnies dans l’immédiat, une à Alger et une à Constantine. Le 7 novembre l’Etat Major avisait les Groupements de cette décision et demandait que soient recherchés les volontaires.
              Le manque d’empressement du personnel à répondre à cette demande de volontariat allait poser les premiers graves problèmes qui laissaient mal augurer pour la suite de ces créations.
              Alors que l’ordre était donné ferme d’acheminer le personnel des deux compagnies le 10 décembre, la constitution de cette unité n’était pas chose faite à la fin novembre. L’administration demandait alors aux commandants de Groupements de procéder à une désignation d’office des gradés d’encadrement.
               Nous auront une idée plus précise des difficultés soulevée par ces créations en nous repérant à une note adressée à ce sujet au Directeur Général de la Sûreté Nationale par le chef d’Etat Major des CRS.
 
….. Au moment où nous procédons à la mise sur pied des deux CRS organiques prévues pour l’Algérie, il est de mon devoir d’attirer votre attention sur les points suivants :
-1°/ Malgré des demandes pressantes auprès de M. PONTAL le Gouvernement Général de l’Algérie n’a donné aucune assurance en ce qui concerne les possibilités de logement des 420 fonctionnaires qui composeront ces unités.
-2°/ L’absence de logement s’ajoutant à la modicité des traitements et aux longues séparations familiales depuis plus d’un an, fait que très peu de fonctionnaires titularisés sont volontaires pour constituer l’ossature des ces deux formations.
                La direction du Personnel va donc se trouver dans l’obligation de désigner d’office une centaine de gradés  et gardiens titulaires. Cette méthode soulève d’ores et déjà des protestations.
-3°/ La décision d’affecter deux cent vingt jeunes gardiens à l’issue du stage de Sens s’impose, pour essayer de se rapprocher au maximum des effectifs théoriques des deux compagnies mais elle est susceptible de nous réserver des surprises dans l’hypothèse d’un emploi rapide de ces unités. En effet, l’expérience a mainte fois prouvé que le gardien stagiaire, à sa sortie de l’école, n’a que des connaissances très sommaires de son métier de policier. Ce n’est qu’après un an d’instruction en compagnie qu’il est vraiment apte a être utilisé en toutes missions
4°/ C’est le 10 décembre que le personnel constituant les deux compagnies doit être acheminé sur Alger et Constantine.
 
…..Cette date arbitraire, impérativement fixée par la direction du personnel ne tient aucun compte des difficultés suivantes du commandement :
a)  Les locaux, en particulier ceux de Constantine nécessitent quelques aménagements ;
b)  Le matériel nécessaire à la vie normale des unités risque de ne pas être en place, malgrè la célérité des services du matériel ;
c)   Les détachements précurseurs que je vais acheminé à compter des premiers jours de décembre sur l’Algérie, n’auront pas le temps matériel pour faire tout le travail que nécessite l’organisation de base des nouvelles compagnies ;
d)  Enfin, sur le plan psychologique, le fait de créer à 1000Km de la métropole, des unités de police, huit jours avant les fêtes de noël apporte la preuve du peu de cas que l’on fait du moral de notre personnel.
 
                   Celui ci qui trop souvent au cours des années passées, s’est trouvé loin de chez lui pour les fêtes familiales traditionnelles, ne comprendra pas qu’on exige de lui cette nouvelle épreuve morale, venant après les efforts incessants qu’on lui a demandé de fournir depuis plus d’un an.
                   Si la date du 1er janvier 1956 était retenue, et j’estime qu’il serait souhaitable à tous égards qu’il en soit ainsi, les compagnies seraient créées dans de bien meilleurs conditions. Je dois faire, par contre, toute réserve sur le comportement du personnel titulaire si la date du 10 décembre est maintenue.
                   J’ajoute que le retrait de deux nouvelles compagnies du dispositif algérien, ne devant intervenir qu’à la fin du mois de janvier, rien ne s’oppose sur un plan de l’emploi tactique, à ce que les deux unités organiques devant se substituer aux deux compagnies déplacées, mettent en place le gros de leurs effectifs à compter du 1er janvier seulement. (25 novembre 1955).
 
                 L’existence des CRS 191 à Alger et 192 à Constantine est finalement consacrée le 1er janvier 1956. Sur les conditions dans lesquelles se réalisera leur installation il y aurait beaucoup à dire. Nous nous bornerons à retenir qu’elles furent assez déplorables. Incontestablement ces unités étaient mal nées et il y avait fort à parier qu’elles traîneraient longtemps les séquelles de cette naissance difficile.
                Sur le plan humain le problème était angoissant. Les promesses faites par les services du Gouvernement Général d’assurer rapidement le logement du personnel s’avère rapidement comme une tromperie. Un mois plus tard il devient inévitable que des démissions se produisent. Pour l’avenir le problème du logement va donc lourdement hypothéquer les futures créations de compagnies.
                Et cependant celle ci sont envisagées comme une nécessité impérieuse surtout depuis que les violents incidents qui se sont déroulés le 6 février ont administré la preuve de la carence grave de la police locale. On cite  volontiers à ce sujet les termes d'un rapport du Préfet d'Alger à la suite de ces événement, dont le moins qu'on peut dire est qu'il n'est pas tendre mais lisons plutôt :
….. « Comme je l’avais également craint, la police d’Etat a fait preuve d’insuffisance notoire et le plus grand poids du rétablissement de l’ordre est retombé sur les CRS.
….. Les commissaires de police n’ont en général aucune aptitude au service de la voie publique car la plupart ont accompli leur carrière dans des services étrangers à la police d’Etat. Leur choix a souvent été fait non en raison de leurs qualités, mais des appuis dont ils disposent. Ils sont dépourvus d’esprit d’initiative et de décision et ne savent pas réagir rapidement lorsque les instructions qu’ils ont reçues sont dépassées.
….. Un sur deux des Commandants fait preuve d’incapacité totale au commandement et ne possède aucun ascendant sur ses subordonnés.
….. Le corps des officiers de Paix est très amoindri par quatre vacances sur huit. Celui des officiers adjoints comporte des éléments médiocres.
Les gradés sont pour la plus grande part inexpérimentés et devraient suivre des cours de perfectionnement.
                Enfin et c’est le point le plus grave, les gardiens de la paix sont insuffisants en nombre et en qualité, comme je l’ai souvent précisé une refonte complète de la police algéroise. On a laissé ce péril s’aggraver malgré mon assistance à le dénoncer.
                Les événements pénibles des premiers jours du mois de février, l’état des esprits de la population européenne et musulmane m’inspirent les plus légitimes appréhensions. Une émeute peut maintenant devenir maîtresse de la rue si je n’ai pas à ma disposition les forces indispensables. Or, le maintien de l’ordre à Alger conditionne la sécurité de tout le territoire. »
(N° 546 SGP/SP du 13 février 1956 – signé COLLAVERI)
 
                   On mesure à la vigueur du jugement contenu dans ce document le retentissement et les conséquences qu’il a pu avoir pour la suite de la politique des moyens pratiquée en Algérie. Après avoir relevé en passant qu'en dépit des appréciations portées par le Préfet d'Alger,  les fonctionnaires de police d’Algérie avaient récemment obtenu leur intégration dans les cadre de la Sûreté Nationale, il nous faut noter que ces conséquences n’allaient pas tarder d’apparaître, et qu'elles seront lourdes pour notre corps tout entier.
                    A cet égard, le Ministre Résidant ( nouveau titre du successeur de SOUSTELLE) allait s’emparer aussitôt du problème pour décider des mesures à prendre pour faire face à une situation sensiblement aggravée et des moyens à mettre en œuvre pour y faire face.
                   L’ensemble de ces décisions est consigné dans un rapport adressé le 29 mars au Ministre de l’intérieur.
 
                    Après avoir expliqué que pour répondre aux demandes pressantes des Préfets, motivées par l’étendue que prend la rébellion, il avait décidé de répartir sur tout le territoire des réserves mobiles de police, le Ministre Résidant en vient à parler moyens nécessaires pour mettre ce dispositif en œuvre :
….. Toutefois cette répartition territoriale ne sera possible qu’après un accroissement des effectifs fournis actuellement par deux corps sensiblement identiques : les Compagnies Autonomes de Réserve et les  Compagnies Républicaines de Sécurité.
….. Mon prédécesseur, qui envisageait également de renforcer les forces de police avait décidé de développer parallèlement ces deux corps…Pour de nombreuses raisons j’ai été amené à prendre une position différente.
                     Quatre Compagnies Autonomes de Réserve ont été constituées depuis 1954. Sur les instances du Directeur de la Sûreté Nationale et des Préfets, et après avoir moi-même constaté les faiblesses de ces unités, j’ai du renoncer à leur maintien.
….. Les événements du 6 février, ainsi que le souligne notamment le Préfet d’Alger, dans son rapport du 13 février 1956, ont prouvé qu’elles ne peuvent jouer le rôle d’une police impartiale. Recrutés en Algérie, leur personnels partagent trop intimement les sentiments des populations et sont de ce fait, extrêmement sensibles aux pressions politiques. Celles ci d’ailleurs sont d’autant plus insidieuses que la police accomplit dans les circonstances actuelles des missions vitales.
….. Après ces considérations, il importe de relever que la formation de réserve a perdu sa raison d’être ».
 
                 Le Ministre explique ensuite que depuis l’intégration des fonctionnaires de police d’Algérie dans la Sûreté Nationale, et la création de CRS organiques en Algérie il apparaît, que du point de vue du maintien de l’ordre il n’y a pas d’intérêt à maintenir deux formations identiques pour poursuivre en ces termes :
….. L’expérience a prouvé que dans une conjoncture semblable à celle que nous connaissons, l’unité de commandement et la cohésion des moyens doivent toujours être recherchés. Déjà les Compagnies Autonomes de Réserve sont passées par nécessité sous l'autorité du commandement opérationnel des CRS. Il reste à compléter la réforme par une fusion de ces compagnies dans les CRS organiques.
….. J’attribue d’autant plus de prix à cette unification, que les compagnies républicaines de Sécurité se présentent comme une force de première valeur, très appréciée dans les circonstances actuelles où il est essentiel de disposer de moyens éprouvés, capables de s’adapter aux situations les plus variées. Loyales, disciplinées, encadrées par des chefs confirmés, fortes d’une expérience acquise au contact des foules, les CRS offrent toutes les garanties d’une police aguerrie. Depuis le début des troubles, l’ordre public dépend essentiellement de ces formations, dont les autorités d’emploi se plaisent à souligner la remarquable organisation.
….. Je vous serais donc très obligé de bien vouloir multiplier le nombre des compagnies organiques algérienne selon le plan ci-joint, qui tient compte des demandes formulées par les Préfets. J’affecterai bien entendu à la réalisation de ce plan, dès le 1er avril, tous les crédits de personnel et d’équipement initialement prévu au budget algérien pour le développement de l’ex-formation de réserve.
….. Enfin, pour appuyer ces premières mesures, je pense vous saisir prochainement dans un projet de décret portant dispositions d’ordre budgétaire, d’ouvertures de crédits relatives au logement des personnels.
 
                  En résumé, le Ministre Résidant propose, pour remplacer la formation de réserve qui sera dissoute le 1er avril :
-      La transformation des quatre Compagnies Autonomes de Réserve (CAR) en deux Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS) ;
-      La création progressive de dix CRS organiques et de quatre commandements de groupement avec les crédits prévus au budget de l’Algérie pour vingt Compagnies Autonomes de Réserve.
                  Cette prise de position assortie de l’importante décision de renoncer à la constitution des CAR marque un tournant, et fera évoluer rapidement le projet d’implantation en Algérie de CRS organiques.
                  Celle ci recueille l’approbation du Ministre de l’Intérieur, en dépit des problèmes financier et de personnel que ne manquera pas de poser la réalisation. A cet égard, il est évident que la mise sur pied d’un nombre aussi élevé de compagnie supposera en dehors des évaluations budgétaires, une participation importante des CRS de métropole en personnel d’encadrement, de même qu’un apport conséquent de personnels d’exécution pour permettre aux nouvelles unités d’avoir un équilibre et une cohésion suffisante pour éliminer dès le départ, les malformations qui avaient fait des CAR des unités inutilisables.
                   Le 29 mars 1956 un arrêté du Ministre Résidant confirme la dissolution de la formation de réserve.
                   Dès le premier avril la transformation des quatre CAR permet d’installer la CRS 193 à Alger et la CRS 194 à Bougie. Il faudra attendre le mois d’août pour voir de nouvelles implantations d’unités.
                   Les compagnies suivantes sont successivement créée : la CRS 195 à Oran le 15 août, la CRS 196 à Bône et la CRS 197 à Mostaganem le 1er août.
                  Ce sera tout au cours de l’année 1956, des difficultés d’ordre budgétaire ayant surgi, qui n’ont pas permis de faire entrer dans les réalités les désirs du Ministre Résidant. C’était sans doute bien suffisant, aussi car les conditions qui ont présidé à ces créations se sont une fois de plus avérées mauvaises. Si mauvaise pour l’une d’elles en tout cas (195) qu’elles ont motivé une réaction sévère du Ministre Résidant le 4 septembre 1956.
 
                   Il est dit notamment dans cette correspondance :
….. Mon attention est appelée sur les conditions dans lesquelles vient d’être mise en place la CRS 195 nouvellement créée à Oran.
….. La même situation m’avait d’ailleurs été signalée lors de la création des CRS 191 et 192 et fait naître au sein du personnel de ces unités, et plus particulièrement parmi les personnels d’encadrement, un mécontentement certain.
….. Ce qui m’est plus particulièrement signalé concerne l’installation matérielle insuffisante – toujours inexistante en ce qui concerne le logement des familles – et les difficultés qui ont résulté du non approvisionnement en temps opportun de la régie d’avance du commandant d’unité.
….. Grâce aux efforts des personnels d’encadrement et à la bonne volonté générale, la situation s’est assez rapidement améliorée.
….. IL n’en demeure pas moins l’impression d’une improvisation trop rapide et tant en pratique, que psychologiquement, il paraîtrait préférable, à l’avenir, de retarder quelque peu la mise sur pied des unités plutôt que de connaître les mêmes difficultés.
….. En tout état de cause, la question du logement des familles de ces personnels n’a pratiquement pas avancé. Je n’ignore pas que les crédits nécessaires n’ont pu être réservés, ni sur le budget de l’Algérie, ni sur celui de la métropole.
….. Je vous rappelle néanmoins que la Direction du budget avait admis par avance, les virements ce crédits entre chapitres de notre budget et qui auraient permis une première tranche de réalisation.
….. Je vous demande donc instamment d’examiner si dès maintenant, certains projets financés sur votre budget ne peuvent pas être différés pour permettre le lancement d’un programme de logement pour les familles de gardien de CRS.
….. Cette mesure serait vivement appréciée par les intéressés, et me permettrait de poursuivre mes efforts en vue de recruter le maximum de gardiens pour l’Algérie….. (N° 453)
 
                  Il est certain que ce coup de semonce visait moins le Ministre de l’Algérie qui n’en pouvait mais, que les services administratifs de la Sûreté Nationale en Algérie, dont la carence et le mauvais vouloir étaient devenus si évidents, qu’ils cachaient mal l’hostilité qu’on vouait aux CRS surtout après la liquidation sans fleurs des formations de réserve.
                 En dépit de l’allusion directe faite par le Ministre de l’Intérieur au rythme excessif des créations entreprises et sur l’opportunité qu’il y aurait à marquer un ralentissement pour éviter l’improvisation qui avait conduit à des résultats jugés fâcheux, l’implantation de nouvelles unités allait prendre un tour plus accéléré dès 1957.
                Cela tient au fait que la situation se dégradant sans cesse le besoin en moyens supplémentaires se faisait plus impérieuse, et par contre coup, à la volonté du Ministre Résidant d’imposer la réalisation de son plan de création d’unités dans les délais les plus rapides.
                 Déjà l’obstacle budgétaire est surmonté puisque des crédits suffisants ont été obtenus qui doivent permettre non seulement de réaliser dans les meilleures conditions l’installation matérielle des compagnies, mais également de construire les logements des familles dans la plupart des résidences d’implantation. Ce dernier point est d’ailleurs des plus importants pour inciter au volontariat des fonctionnaires jusqu’alors réticents à venir en Algérie. Il est vrai qu’il y avait loin des crédits à la réalisation mais psychologiquement un tel avantage a venir pouvait vaincre bien des hésitations.
                  La décision ayant de plus été arrêtée, en vertu du décret du 27 octobre 1956, de procéder au recrutement d’agents contractuels pour occuper des emplois vacants de fonctionnaires titulaires dans les services de l’état en Algérie, un certain nombre d’officiers et de gradés se voyaient offrir des contrats pour servir en Algérie avec le grade supérieur. Cette mesure bientôt complétée par la possibilité de recourir au recrutement sur titres des officiers chef de section, devait permettre d'assurer, du moins partiellement, l'encadrement des nouvelles unités.
                  L’année 1957 va ainsi voir la création de la CRS 198 à Blida le 1er janvier, de la CRS 199 à Sétif le 1er février, de la CRS 203 à Oran le 25 mars, de la CRS 204 à Alger le 1er avril, de la CRS 205 à Constantine le 12 avril, de la CRS 206 à Affreville le 21 juin, de la CRS 207 à Tlemcen le 21 juin, de la CRS 208 à Bône le 5 octobre et de la CRS 209 à Batna le 1er janvier 1958.
                 La mise sur pied de ces unit és est précédée le 21 février par l’organisation du commandement qui comprend trois groupements, un par région, et un Groupement Central émanation de la sous direction des CRS. Ces groupements se substituent aux états major opérationnels dont ils vont exercer les attributions en même temps que celles des Groupements normaux. A ce titre ils vont avoir autorité sur les compagnies métropolitaines déplacées et sur les compagnies organiques.
                 Fin 1957 est donc atteint l’objectif du plan qui avait prévu l’implantation de 16 compagnies et 4 groupements. Toutefois, le Ministre Résidant ayant estimé nécessaire en cours d’année de poursuivre les créations pour atteindre le total de 23 compagnies prévues par le précédent Gouverneur Général faisait réserver les crédits sur le budget de l’Algérie à venir, correspondant à six nouvelles compagnies.
                Mais fin décembre 1957 intervient le transfert du budget de l’Algérie au budget de l’Etat. A la suite de cette opération les prévisions budgétaires pour les six nouvelles compagnies sont escamotées dans le budget voté pour le nouvel exercice. Par la suite un accord verbal intervient avec la direction des finances prévoyant l’inscription de ces crédits au modificatif de juillet, et autorisant la formation anticipée des CRS 210 à AÏN TEMOUCHENT, 211 à TIZI OUZOU et 212 à PHILIPPEVILLE. Les mises en place de ces unités interviennent, respectivement, les 1er Mars, 1er mai et 1er août 1958.
                    Disons sans plus tarder que la régularisation budgétaire promise ne sera jamais obtenue à la suite des changements politiques intervenus après le 13 mai 1958. La conséquence en sera un grave problème des effectifs qui minera les compagnies organiques d’un mal pernicieux auquel aucun remède ne pourra plus être apporté.
                   Il est évident que la hâte, qui a présidé à la création d’un nombre aussi important de compagnie, est en partie la cause des innombrables difficultés qui vont assaillir les compagnies organiques d’une manière permanente.
                  Il est non moins évident qu’on avait surestimé en Algérie la contribution que pourraient fournir les CRS de métropole ; parce que la charge qu’elles représentaient était totalement inconciliable avec les problèmes propres à ces compagnies.
                 On pouvait donc estimer à Paris avec quelque raison, qu’on avait œuvré avec précipitation excessive dans un domaine où la précision et la méthode ne s’accommodent que d’une sage lenteur.
                  Il semble bien que l’administration du Ministère de l’Intérieur ait fait de ce grief le fondement des réticences qu’elle opposera systématiquement aux sollicitations de plus en plus pressantes du Ministre Résidant en matière de personnel.
                 Celles-ci sont abondamment exprimées dans quelques correspondances dont nous citons les extraits suivants qui illustrent bien la somme de problèmes qui se posaient aux unités d’Algérie depuis leur naissance.
« … Dans ma lettre citée en référence, je vous ai fait connaître les conséquences qu’avaient eues sur l’encadrement des CRS 192 et 194, les mouvements de brigadiers qui ont été imposés par la création des CRS 195, 196 et 197, et je vous ai demandé de bien vouloir prononcer la mutation depuis la métropole de 5 brigadiers à la CRS192 et de 5 brigadiers à la CRS 194.
….. Aucune décision n’a été prise jusqu’à ce jour et ces deux unités sont toujours déficitaires. Les CRS 196, 197, 198, 199 ne disposent pas non plus de l’encadrement minimum qui avait été évalué à 15 brigadiers.
                   Or, le minimum considérée comme valable au moment de la création d’une unité, se révèle rapidement insuffisant dès qu’elle commence à vivre et à travailler, et il est urgent à mon sens de porter l’encadrement des compagnies existantes à un niveau aussi voisin que possible de l’effectif prévu, et d’envisager les mesures propres à couvrir les besoins des compagnies qui restent à créer.
                   En effet, les données du problème de l’encadrement ressortent de plusieurs constatations :
1°) Recrutement :
a)  Gardiens : Le personnel des compagnies organiques comprend un nombre élevé de jeunes fonctionnaires qui n’ont pas eu le temps d’acquérir une expérience professionnelle suffisante.
….. Des statistiques récentes montrent que sur le 9 compagnies déjà formées, deux seulement, les CRS 191 et 193 d’Alger, comptent dans leurs rangs une majorité de titulaire à raison de 190 environ pour la première citée, et de 130 pour la seconde.
                Pour l’ensemble des 9 compagnies la proportion de fonctionnaires stagiaires est de 80%, et ce pourcentage augmentera encore au fur et à mesure des créations d’unités, par l’apport de gardiens sortant des écoles de Sens et d’Hussein Dey.
b) Gradés : Les gradés, pour la majorité, sont issus de l’avancement consécutif à leur affectation en Algérie. Ils sont insuffisamment rompus, sans aucun doute, à la pratique du commandement, et si le nombre ne peut compenser la qualité, il permettrait cependant de leur faire suivre par roulement, sans gêne pour le service, l’instruction de perfectionnement indispensable.
2°) Installation :
                La création des unités pose des problèmes multiples d’organisation au commandant de compagnie qui doit entreprendre, à la fois, la mise en route de ses différents services, l’installation matérielle de son personnel, et l’action psychologique qui vise a obtenir la cohésion d’éléments dont les origines sont des plus diverses.
                Ces tâches se trouvent compliquées  
….. du fait que les autorités d’emploi ne manquent pas d’user le plus largement possible des nouveaux moyens à leur disposition, dès la mise en place des premiers effectifs, et que la pénurie de gradés se fait cruellement sentir dans l’un et l’autre domaine de la vie intérieure de la compagnie et de son emploi. »
(Ministre Résidant à Ministre de l’Intérieur N° 6993 SNA/PER/4 du 25 février 1957)
 
« ….. A différentes reprises, j’ai dû attirer votre attention sur les difficultés rencontrées en Algérie pour donner aux Compagnies Républicaines de Sécurité au fur et à mesure de leur création, un encadrement suffisant.
….. Si les emplois de commandants et de brigadier chef ont pu être rapidement occupés, grâce à une application large du décret du 27 octobre 1956, il en a été tout autrement des postes de brigadier et d’officier, pour lesquels le nombre des vacances est démesuré aussi dangereusement élevé.
….. L’effort de propagande qui a été poursuivi en Algérie, et le recours aux procédés exceptionnels du recrutement sur contrat et du recrutement sur titre des officiers de paix ont permis d’enregistrer quelques résultats, une augmentation sensible du nombre des officiers en fonction dans les CRS organiques peut être escomptés à partir du mois de juillet prochain.
….. Le déficit des unités en brigadiers est beaucoup plus grave encore, car il a été à peu près constant depuis la création des unités, et il ne semble pas devoir être comblé avant longtemps, si une solution d’exception n’est pas immédiatement recherchée.
…..Je  pense que le recrutement des brigadiers nécessaires aux CRS. organiques a été compromis jusqu'ici pour plusieurs raisons.
…..Les gradés des compagnies de métropole ne sont pas intéressés par une affectation en Algérie et le nombre des volontaires demeure trop faible. On aurait pu penser que les récents travaux d'avancement seraient l'occasion d'un mouvement important de nouveaux promus à destination des unités organiques. 143 postes de brigadiers ont été offerts aux fonctionnaires jugés aptes en l957 à l'avancement; 31 seulement ont accepté d'être promus au titre de l'Algérie
…..Les dispositions du décret du 27 octobre l956 ne sont pas de référence utile lorsqu'il s'agit de découvrir parmi le personnel des unités organiques, des gardiens susceptibles d'être immédiatement nommés brigadiers à titre contractuel; les compagnies d'Algérie sont de création trop récente encore et composées pour la plupart de gardiens recrutés depuis un an ou deux.
…..Les conditions statutaires d'accès au grade de brigadier sont telles, qu'une solution ne peut intervenir avant deux ans au moins….
…..Une solution ne peut être trouvée; dans les CRS de métropole, que par une pression énergique exercée sur les fonctionnaires inscrits en 1957 au tableau d’avancement.
…..Dans les CRS  d'Algérie, que par une réduction du temps de service imposé aux fonctionnaires désireux de se présenter aux épreuves du brevet de capacité technique.
…..Par ce moyen des fonctionnaires jeunes dynamiques et compétents, seraient susceptibles d'être nommés à titre contractuel à un emploi, pour lequel ils ont les qualités indispensables et dont ils sont écartés faute d'avoir une ancienneté suffisante.
(Ministre de l'Algérie à Ministre de l’Intérieur N° 39.566 du 21 octobre 1957) 
 
                    Mieux que toute analyse ces écrits reflètent la somme de problèmes qui se posent aux unités d'Algérie. Le mot « encadrement » qui y revient comme un « leitmotiv » prend une consonance lancinante. Mais l'administration de l'Intérieur en sera-t-elle émue? On peut en douter lorsque l'on mesure aux actes la suite réservée aux demandes du Ministre de l'Algérie. La seule concession qui sera finalement consentie concerne la réduction du temps de service pour permettre à de jeunes fonctionnaires de se présenter au B.C.T.. Est-ce mauvaise volonté ou impuissance à faire l'acte d'autorité indispensable? Il y a, à n'en pas douter des deux.
                   Toujours est-il que les compagnies d'Algérie continueront d'être affectées profondément par l'absence de toute solution à leurs problèmes. Certes, elles conti­nuent d'exister voire même de s'organiser pour finalement se présenter comme des unités cohérentes et dynamiques.
                    Le mérite en revient aux unités el1es-mêmes et à ceux qui les composent, au commandement en Algérie et surtout à la Sous Direction des C.R.S. qui dans tous les domaines relevant de son autorité a prescrit les mesures propres à faciliter la tâche du commandement.
                     Des stages de perfectionnement de gradés sont organisés en métropo1e, des gradés des unités métropolitaines sont envoyés en mission d'encadrement dans les compagnies organiques, des spécialistes sont formés dans les divers centres en métropole. Une aide très directe est enfin apportée aux compagnies organiques par les unités déplacées en Algérie.
                   L'efficacité de cette aide finira par donner aux CRS. d'Algérie une consistance réelle, à tel point que les lacunes de l'encadrement n’empêcheront pas qu'au début de l958 les compagnies d'Algérie se présenteront comme des unités parfaitement utilisables.
                    A cette époque survient malheureusement un événement politique dont les conséquences remettront en question les résultats. Le 13 mai et les changements d'orientation qui en résulteront introduiront un climat si défavorable aux jeunes compagnies d'Algérie que les solutions qu'on pouvait espérer pour le règlement des problèmes s’éloigneront à nouveau et cette fois définitivement.
                    La disgrâce dans laquelle vont tomber les compagnies organiques est beaucoup imputable aux services de SNA où les mêmes hommes qu'en l956 n’ont pas oubliés la déception que leur avait causé la disparition des CAR au profit des CRS. Ils tiennent à prendre une revanche et seront grandement aidé en cela par le nouveau Directeur de la Sûreté.
                    La réorganisation introduite par le Colonel GODARD dans les organes de direction plaçait en effet les C.R.S. sous la dépendance de hauts fonctionnaires dont les origines ne pouvaient que les inciter à mettre tout en œuvre pour redonner aux corps urbains d'Algérie une faveur dont ils avaient été privés par l'apparition des CRS., imposée il y a lieu de s'en souvenir par les gouverneurs généraux précédents.
                   Comme au surplus le Colonel GODARD avait sur 1'emploi des CRS quelques conceptions assez curieuses de nature à remettre en cause leur structure interne et leur organisation on comprendra que de nouvelles comp1ications vont venir s'ajouter à celles qui existaient déjà.
                   Il y a plus grave encore. Le 13 mai a eu des conséquences sur les relations entre les services du Ministère de 1'Intérieur et les services de la SNA. Devant l'indépendance et la désinvolture affichées par ces dernières et par le Directeur de la Sûreté surtout  les premières réagissent en se désintéressant des affaires d'Algérie. Même la sous direction des CRS qui ne renoncera cependant pas à défendre  les CRS  organiques devra le plus souvent se contenter d'enregistrer les méfaits de la nouvelle équipe d'Alger, où tenter des manœuvres pour retarder l'avènement de certaines décisions.
                    Il va de soi que la métropole ne se prêtera pratiquement plus à aucune complaisance pour le règlement des problèmes pendants, allant même jusqu'à cesser toute contribution dans le domaine du recrutement et de l'aide financière.
                    Les CRS  d'Algérie sont donc absolument livrées aux fantaisies de l'équipe de la SNA. Le problème, le seul, qui pouvait  se poser encore en l959 était de savoir pendant combien de temps les CRS, d'Algérie  résisteraient au traitement discriminatoire auquel on les soumet.
                    Il faut croire qu'en dépit de leurs imperfections et de leurs problèmes d'organisation celles ci en étaient arrivées à une solidité suffisante pour résister au traitement de choc qu' elles vont subir sans désemparer jusqu'à la disparition du Colonel GODARD après les très graves événements du 24 janvier 1960.
                   Que s'était-il donc passé durant cette période. Résumons rapidement en indiquant qu'après la création de la CRS 212 aucune unité nouvelle ne sera plus formée. D'ai1lieurs les trois créations réalisées dans cette première moitié de 1958, allaient poser un problème budgétaire auquel  aucune solution ne sera donnée de sorte qu'étant hors budget une alternative se posait  rapidement dissoudre ces trois compagnies où les maintenir artificiellement avec  les effectifs budgétaires de 16 compagnies.
                  Assez paradoxalement c'est la deuxième solution qui a été constamment choisie non pas d'ailleurs dans le souci d'être agréable aux CRS mais pour des motifs d'opportunité psychologique liés à des considérations de haute politique.
                  La conséquence première de cette décision a été de faire résorber l'excédent des effectifs de seize compagnies, en mutant aux corps urbains tous les fonctionnaires en surnombre. La deuxième conséquence, en raison du maintien  à son niveau du recrutement gardiens a entraîné périodiquement la mutation aux mêmes corps urbains d'un nombre équivalent de fonctionnaires des CRS  organiques.
                  A ce rythme les compagnies se sont trouvées rapidement dans la situation de n'avoir pratiquement plus que des fonctionnaires stagiaires ce qui n'allait pas sans poser les plus graves problèmes sur le plan de la valeur professionnelle des unités.
                 Dès le début de l959, le Colonel GODARD qui assumait ses fonctions en militaire et à ce titre n'agissait qu'en fonction d'objectifs de cette nature veut imposer une solution qui donnerait aux CRS organiques un caractère plus opérationnel. Il avait en effet jugé que nos compagnies se complaisaient par trop dans les tâches policières de second ordre dans les centre urbains et que le moment était venu de leur imposer de prendre une part plus grande aux opérations antisubversives.
                 Le Colonel GODARD  n'avait ni plus ni moins envisagé en conséquence de modifier la composition des CRS organique, et en particulier de les constituer en groupes bataillonnaires auxquels seraient adjoints des harkis.
                 C'était trop énorme  pour que de telles transformations aient quelques chance d'aboutir rapidement.
                Heureusement d'ailleurs le Colonel GODARD qui était par ailleurs  suivi en cela par le commandant des Forces en Algérie ne pouvait imposer une telle modification de structure sans l'accord de la métropole, ni même pour  des considérations d'emploi sans l'accord des responsables militaires dont dépendaient les harkis.
                 De très longs et laborieux échanges  de points de vue allaient heureusement faire traîner les choses. On sera d'ailleurs surpris d'apprendre que parmi les opposants les plus catégoriques à cette formule on trouve les chefs militaires, assez influencés il est vrai par les avis habituellement exprimés par les commandants de Groupement en Algérie agissant comme intermédiaire de la Sous Direction.
                 L'affaire ayant suffisamment ému les uns et irrité les autres pendant près d'une année, il serait contraire à l'objectivité de ne pas en faire état plus longuement. Les documents sont assez abondants pour nous permettre les citations qu'éclaireraient mieux les curieuses intentions du Directeur de la Sûreté en Algérie.
                  On sait  dans quelles circonstances les CRS sont depuis la fin de l'année 1958 placées sous le contrôle de l'autorité militaire pour emploi. Les difficultés commencent avec les militaires dont certains chefs, comman­dant de secteur et de quartiers notamment, ne comprennent ont pas le plus souvent que nos unités en dépit des apparences ne sont pas des compagnies d'infanterie. Certaines critiques dont les CRS sont l'objet parviennent ainsi jusqu'aux échelons les plus élevés du commandement aux yeux duquel les problèmes de 1'emp1oi des CRS prennent subitement de l'importance.
                     Cela tombait fort mal à une époque où le nouveau commandant en chef désireux de mettre en application un nouveau plan d'action contre la rébellion, avait pour préoccupation essentielle la constitution de réserves générales opérationnelles, comme l'on sait son prédécesseur était avant tout partisan de faire de l'occupation de terrain et avait implanté à cette fin un important quadrillage dans lequel était gelé l'essentiel de l'armée française. Pour libérer plus de troupes pour les réserves générales cela supposait que localement tous les moyens soient mis en œuvre pour assurer le quadrillage.
                    L'opinion prévaut alors rapidement dans les milieux militaires du haut commandement que les CRS ont des unités dont les chefs recherchent essentiellement des tâches urbaines et qu'il convient sans tarder que les CRS prennent des responsabilités de quadrillage.
                    Le Colonel GODARD qui n'est lui même qu'un prolongement de la hiérarchie militaire à la Direction de la Sûreté ne peut qu'approuver ce point de vue comme il est de surcroît influencé par un entourage peu favorable à nos unités, il est d'autant moins enclin à les défendre contre les conséquences d'une telle conception. C'est même lui qui concevra l'idée d'amalgamer aux C.R.S. des supplétifs musulmans et restera sourd aux objections que soulevait la réalisation d'un tel projet. Le Colonel
                    GODARD obnubilé par un seul but gagner la pacification, est partisan farouche d'utiliser au maximum tous les moyens existants quelle que soit leur destination première. Cette conception le mettra à l'aise pour rejeter l'idée que les CRS sous encadrées et insuffisamment équipées ne sont pas préparées pour la mission qu'il veut leur confier de même qu'il constatera leur vocation urbaine.
                   L'argument péremptoire dont le Directeur de la Sûreté se soit le plus volontiers servi est que l'armée s'est bien adaptée à des tâches pour lesquelles elle n'était pas faite, et qu'il ne fallait pas que ce soient toujours les mêmes qui restent dans les villes.
Mr MIR arrive à Alger le 27 janvier où il entend exposer ces conceptions par le Général CHALLE lui même et bien entendu par le Colonel GODARD. Dans un rapport fait au Ministre de l'Intérieur, M. MIR consignera son point de vue sur les mesures projetées.  Il est suivi dans ces conclusions par le Ministre qui fera connaître dès le 23 février au commandant en chef des forces et au Directeur de la Sûreté en Algérie qu'il approuvait 1'idée de confier des responsabilités plus importantes aux commandants des CRS en Algérie mais en limitant l'action des unités aux zones de pacification avancée et en premier lieu aux grands centre urbains; acceptait en principe l'augmentation des effectifs de certaines compagnies sous réserve que l'opération n'entraîne aucune réforme de structure ni aucune modification de l'armement et de l'équipement; demandait qu'une expérience limitée à une seule unité ait lieu sous le contrô1e de la sous direction des CRS.
                     En même temps que le commandant en chef répond à cette 1ettre en confirmant son attention de réaliser les mesures projetées  dans les meilleurs dé1ais, il fait adresser à ses commandants de corps d'armée par le commandant de la 10éme région militaire et des  forces terrestres en Algérie une instruction pour leur application
                    Les termes en sont fort nets et ne laissent pas place à la contestation. Tout au plus demande t-on aux généraux commandant de corps d' armées un compte rendu pour le 1er avril l959, faisant apparaître après  examen avec les commandants de groupements  de CRS des conditions détaillées de l'emploi des nouveaux groupes, les quartiers qu'ils proposent de leur Confier, les difficulté éventuelles, toutes suggestions concernant la composition des groupes de CRS.
 
Mais qu'on en juge plutôt :
"….. Le Général Commandant en Chef vient de mettre à la disposition de la 10ème région militaire, dix compagnies de CRS.  Ces unités seront jumelées pour former cinq groupes de CRS auxquels seront confiées des responsabilités territoria1es (commandement de quartier)."
                  Les 9 compagnies de CRS  restantes demeureront à la disposition des commandants des C.A. pour  certaines missions particulières…
                  La Direction de la Sûreté Nationa1e en Algérie a proposé d'adjoindre aux CRS des supplétifs et de constituer ainsi des groupes à 4 compagnies mixtes. L’effectif du groupe serait de 950 hommes, dont 593 supplétifs.
….. Pour les Corps d'armées d'Alger et de Constantine qui disposent d'un nombre impair de CRS  la formu1e : demi-groupes autonomes à 2 compagnies mixtes pourra être adoptée.
….. Le statut particulier des CRS et l'instruction qu'ils ont reçue imposent de sérieuses restric­tions d'emploi.
….. Les CRS sont normalement destinés à des missions de police et de maintien de l'ordre à l'exclusion de toute mission de combat nécessitant la mise on œuvre de feux puissants.
….. Les quartiers qui leur seront confiés doivent être situés dans des régions à pacification avancée et comprendre des centres urbains importants et les agglomérations environnantes. Leur activité sera aussi consacrée à l'accomplissement de missions de police, de surveillance des voies de communications, de contrôle des populations, de gardes de points sensibles, de circulation à l'exclusion de toute mission offensive de destruction de bandes.
                  La mise sur pied des groupes de CRS doit être progressive, en particulier en ce qui concerne la réalisation des effectifs supplétifs.
L'effectif de "Groupes de CRS"  mis sur pied sera complété par les harkis des unités de l'armée de Terre relevées par ces "Groupes" …
                   La relève des cadres militaires des harkis par des cadres CRS s'effectuera progressivement pour que le moral des harkis n'en soit pas affecté. Le recrutement de nouveaux harkis devra se faire avec précaution, pour éviter tout risque de subversion interne.
                  L'Administration des harkis continuera à être assurée conformément aux instructions en vigueur par l'intermédiaire des Corps supports de l'Armée de Terre.
….. Les Groupes de CRS seront rattachés au point de vue sanitaire, au médecin Chef du Secteur dans lequel ils seront employés.
(Note N° 1688/RM 10/4 ETG N° 362/RM 10/3 OPE du 24 février l959).
 
                   Des trois comptes rendus qui parviennent pour la date fixée, celui du Corps d'Armée d'Oran est à peine favorable au projet, celui de Constantine est assorti de très nombreuses restrictions et propose avec réticence que l'expérience soit limitée à la seule compagnie de Batna, celui d'Alger enfin est franchement contre.
                 Nous retiendrons surtout cette dernière prise de position parce qu'elle est celle d'un général fort en renom et ne peut manquer de ce fait d'avoir plus de poids que les deux autres.
                 En effet, le Général MASSU s'exprime en ces termes : " …..  Après étude de cette question avec les Généraux commandants de zones, je me permets d'attirer votre attention sur les inconvénients qu'une décision de cet ordre présenterait sur les plans technique, psychologique et tactique.
…..Sur le plan technique, elle consacrerait la création d'un nouveau type d'unité au moment même où je fais tous mes efforts pour réduire le nombre de ces types. Cette prolifération d'unités constitue une source indéniable de désordre et conduit à une perte certaine de rendement.
….. Sur le plan psychologique, il m'apparaît peu opportun d'associer dans une même unité des harkis et des CRS dont les caractéristiques sont en grande partie contradictoires. L'aspect fonctionnaire des CRS ne manquerait pas d'avoir des répercussions fâcheuses sur le moral des harkis. La qualité de ces dernières que nous essayons par ailleurs de valoriser ne peut qu'y perdre. J'estime de plus, qu'une telle mesure risquerait de leur donner l'impression d'une rupture du contrat tacite qui les lie à nos unités.
…... Sur le plan tactique le CRS est un fonctionnaire à vocation policière alors que 1e harki est un soldat à vocation opérationnelle.
…..L'amalgame me parait en conséquence peu viable. Toute la politique d'emploi des harkis suivi jusqu' ici va contre une telle solution.
….. J'ajoute qu'elle consisterait en fait à désorganiser des unités cohérentes, pour constituer de nouvelles formations à caractère statique et à mission limitée.
….. En conséquence, et ceci est l'avis formel du Commandants de zones, je ne vois que des inconvénients à la création de nouvelles unités de groupements de CRS.
….. Je demande donc que le projet envisagé par votre note ne soit pas appliqué au territoire du Corps d'armée d'Alger…."
                      Il  va de soi que toutes les réticences exprimées par les militaires de haut rang, vont pour un temps freiner sérieusement l'application du projet d'organisation de ces troupes, établis par le Groupement central sur les instructions du Colonel GODARD sont parvenus entre temps à la Sous Direction des CRS, où ils suscitent un émoi légitime et provoquent une vigoureuse réaction de M.MIR. L'ensemble des griefs faits au projet sont exposés dans une note adressée le 20 août 1959 au Directeur Général de la Sûreté Nationale  :
"…..Quoiqu'il en soit, écrit le Sous Directeur des CRS, les projets de conception militaire du Directeur de la Sûreté Nationale en Algérie modifient de fond en comble la structure de dix CRS qui, regroupées deux à deux sont amalgamées avec des unités de harkis pour former des sortes de bataillon d'infanterie à l'effectif d'un millier d'hommes. L'armement est considérablement renforcé par des armes automatiques que ne justifient pas les missions de police des CRS.
….. Le regroupement des compagnies et leur affectation à des quartiers du quadrillage de l'armée entraîneront obligatoirement des changements de résidence avec toutes les conséquences que cela comporte pour les familles du personnel.
….. Dans ces conditions, je vous propose de faire connaître au Général CHALLE, au nom du Ministre, que nous ne saurions accepter des modifications aussi profondes de nos unités de police et qu'en tout état de cause. Il convient de se limiter initialement, comme vous le lui avez demandé..."
                     Cette prise de position provoquera la réaction du Ministre de l'Intérieur qui écrivant au Général CHALLE dira :
" ….. Je ne saurais pour ma part, approuver de telles transformations qui aboutiraient à une dissociation pure et simple des CRS….. "
                    Le premier Ministre, également saisi, interviendra auprès du Délégué Général en Algérie en termes non moins vigoureux :
"….. Le Ministre de l'Intérieur, à qui je m'associe, ne saurait souscrire à un tel projet, car toute modification, soit dans la structure des CRS soit dans la nature, l'importance et la répartition de leurs moyens tendrait à détourner de leurs buts des formations qui ont été créées pour défendre la paix publique et constituer, comme les unités similaires de métropole, les réserves des Polices urbaines….."
 
                  A partir de cet instant le projet des groupes CRS - Harkis est condamné. En Algérie le Colonel GODARD en concevra du ressentiment tandis qu'à l'Etat Major du général CHALLE  on est assez réaliste pour en tirer une conclusion qui est déjà un nouveau projet et qui  tient dans cette phrase :
"...avec ou sans harkis, l'emploi des CRS en Algérie doit être revu et les responsabilités de leurs  commandants augmentés."
                  Ce sera le mot de la fin. On ne parlera plus de harkis ni de transformation des CRS en bataillons, mais plus raisonnablement d'un emploi plus rationnel des CRS organiques.
 
                  Pendant tout le temps de cette chaude alerte, les problèmes dont il a déjà été parlé ne s'étaient pas trouvés réglés pour autant. Il est vrai que cette diversion d'importance, et la tournure prise par les événements d'Algérie vers la fin de cette année 1959 ont pour un temps relégué ces difficultés au second plan des préoccupations faute d'avoir pu faire aboutir les solutions qui s'imposaient le problème ne pouvait se poser au fil des mois qu'avec une acuité nouvelle.
                  Un espoir naissait après les événements de janvier 1960 avec le changement de titulaire au poste de Directeur de la Sûreté en Algérie. Disons sans plus tarder que si de bonnes intentions ont pu se manifester elles n'ont jamais abouti à des solutions positives.
                 L'emploi des Compagnies organiques ayant par contre changé dans le sens d'une intensification des dépla­cements faisait apparaître plus clairement dans leurs conséquences les lacunes passées, auxquelles finiront par s'ajou­ter de nouvelles difficultés.
                 Il est sans doute bon de rappeler que lors des créations d'unités organiques l'encadrement officiers et gradés  a été fourni par des fonctionnaires volontaires auxquels un contrat était proposé  leur permettant de servir à leur nouveau poste avec le grade supérieur. Ces contrats établis pour trois ans avaient été rapidement rendus caducs, pour la plupart des bénéficiaires, à la suite de la confirmation officielle de leur grade, mais leur imposaient néanmoins l'obligation de rester durant ce laps de temps en Algérie. Or il se trouve que nous somme en 1960 et beaucoup de ces officiers et gradés aspiraient à leur retour en métropole. Les difficultés de l'encadrement auxquelles aucune solution n'avait été apportée jusqu'alors apparaissaient dès ce moment multipliées par deux. Il faut convenir il est vrai que tous les officiers et tous les gradés se trouvant dans cette situation ne manifestaient pas ce désir. Il fallait donc leur trouver des remplaçants ce qui s'avérait fort difficile pour les officiers et  à peu de chose près impossible pour les gradés.  Le temps était malheureusement passé où l'on pouvait fonder quelque espoir d'améliorer une carrière en s'expatriant.
                    La situation on Algérie à partir de 1960 est telle qu'on ne pouvait volontairement être candidat à un poste dans ce pays, même avec un contrat cent fois plus avantageux. Car le nouveau problème posé était là : trouver des volontaires pour remplacer les officiers et gradée ayant accompli leur temps et qui aspiraient légitimement à rentrer en métropole.
                   Le problème paraissait à tout le moins insoluble dès qu'il s'est posé. De fait l'administration, sagement,  selon un réf1exe bien connu, a commencé par l'ignorer le plus longtemps possible. Lorsqu'elle s'en est finalement préoccupée s'est pour en accepter le principe sans imposer la solution, laissant à un volontariat hypothétique le soin de suppléer la carence d'autorité dont elle faisait volontairement preuve.
                   Le résultat comme on s'en doute est particulièrement négatif de sorte que vers le milieu de l'année 1960 tous les problèmes pendants depuis le premier jour et accumulés au fur et à mesure que l'administration ne faisait rien pour les résoudre finissent par déclencher en Algérie au sein des unités une énorme crise morale.
                  Le Colonel DE ROSNAY, conscient du danger que représentait cette crise pour la cohésion de ses unités entreprend alors d'alerter le Directeur de la Sûreté en Algérie. Dans l’espoir d'arracher enfin la solution au rythme d'un rapport tous les trois mois et d'innombrables fiches de renseignements, le Commandant du Groupement Central tente en employant tous 1es langages de secouer une administration insensible et figée. Le Colonel     DE ROSNAY explique tantôt avec patience, rappelle tantôt avec véhémence, va jusqu'à jouer 1es mauvais prophètes et menace même de quitter son poste, rien n'y fait.
 
Quelques extraits de ces écrits adressés à la Sûreté nationale en Algérie situeront mieux que toute explication 1e problème :
"….. Le 24 août 1960 : dans un précédent rapport, j'ai eu l'honneur d'attirer votre attention sur certaine problèmes intéressant les diverses catégories de fonctionnaires des Compagnies Républicaines de Sécurité d'Algérie,
….. Aucun élément n'est intervenu depuis lors, qui constitue une esquisse vers les solutions espérées. Certes, il n'était pas pensable que tout s'arrangeât comme par enchantement, mais on pouvait raisonnablement espérer qu'un pas serait fait qui permit à l'espoir de subsister. Rien ne s'est produit et force m'est donc de dire que le climat moral s'est notablement détérioré….
….. Je ne peux cacher davantage que le personnel s'interroge avec anxiété sur les motifs qui peuvent guider une administration indifférente et 1ointaine à se désintéresser ainsi de ses serviteurs. Les hypothèses les plus osées vont jusqu'à germer dans les esprits. Certaines, plus pessimistes que d'autre veulent y voir un lien avec les solutions qui se dessinent pour l'avenir de l'Algérie. Sans suivre les plus inquiets dans leurs supputations pessimistes, le commandement a le plus impérieux devoir, au risque de se répéter, d'alerter l'administration sur les dangers de son attitude envers des hommes dont la loyauté et le dévouement ne sauraient être indéfiniment sollicité sans contre partie.
….. Il n'y a pas jusqu'au commandement qui aux yeux des uns devient responsable de tant de carence. Il est vrai que celui ci n'a depuis des mois que la ressource de dispenser des encouragements et des paroles d'espoir. On ne peut faire longtemps illusion, et le commandement plus que quiconque, plus que l'administration elle même, a besoin pour affirmer son autorité de tout le crédit qui s'attache aux personnes dont l'influence est déterminante….
..... J'ai pu faire état dans mon précédent rapport de la satisfaction retirée par les officiers de l'annonce que le principe de leur mutation on métropole n'était plus remis en question? ….
….. Hélas! Il est maintenant acquis que ces mutations ne seront pas satisfaite de sitôt, aucun volontariat pour l'Algérie ne s'étant révélé parmi les officiers de métropole.  Il est plus grave qu'on puisse aujourd'hui avoir la certitude que la Direction Générale de la Sûreté Nationale n'interviendra pas pour procéder à des désignations d'office. 
                    Il est profondément navrant que le sort des Commandants et officiers des CRS d'Algérie laisse si délibérément indifférent. Quel que soient les problèmes, qu'une telle relève peut soulever, en l'absence d'officiers volontaires pour remplacer leurs camarades d'Algérie, ils ne sauraient résister à la volonté d'une administration décidée à faire œuvre d'équité….
…..Voici bientôt deux années que trois unités ont une existence de facto sans contre partie budgétaire. Pour assurer leur fonctionnement les effectifs nécessaires sont prélevés sur les seize compagnies officielles. La conséquence qui découle de cette situation revêt deux aspects aussi négatifs qui sont, d'une part la marche à effectifs réduits de toutes les unités, d'autre part les mutations systématiques aux corps urbains des personnels en surnombre.
….. Le nivellement des effectifs à 180 en moyenne pour un chiffre théorique de 210, cause les plus graves ennuis au commandement. Les missions auxquelles les unités font face nécessitent un emploi intensif du personnel, et ne permettent plus de tenir compte des horaires normaux de travail cette situation dure depuis trop longtemps pour que le personnel n'ait pas fini par se lasser. Et c'est bien de lassitude qu'i1 s'agit actuellement.
                   C'est un signe inquiétant au moment où l'on parle bien moins de réduire les servitudes que d'en créer de nouvelles….
…..  A chaque sortie de promotion de l'école de Po1ice (HUSSEIN DEY) les personnels en surnombre doivent être mutés aux corps urbains. Depuis deux années ce procédé, dicté par des considérations budgétaires a vidé les compagnies. A l'heure présente, la situation est telle que de jeunes fonctionnaires à peine titularisés bénéficient de ces mutations. Cela suppose que les intéressés n'ont accompli qu'une année de service dans une compagnie….
                   Les commandants de compagnies sont aussi condamnés à travailler avec un personnel inexpérimenté, ne connaissant de son métier que les notions théoriques inculquées à l'école. C'est insuffisant pour obtenir cette cohésion indispensable aux unités….
                   L'incidence de ces hémorragies est grave pour les spécialistes. Une qualification de mécanicien, de chef de garage, de chef de station radio, d'opérateur, de télémécanicien, requiert de longs stages de formation. Si cette politique de déversement systématique devait continuer, des spécialistes formés à grands frais iront grossir les range de ceux qui assurent le service sur la voie publique, où règlent la circulation aux carrefours….
                    La reconnaissance budgétaire des CRS 210, 211 et 212 devient un impératif qui ne peut sans risque être éludé à nouveau. Dans le cas contraire, il faudra bien que les CRS d'Algérie se résignent à restreindre leur train de vie. Seize compagnies ne pourront indéfiniment en faire vivre dix neuf….
 
….. Le 13 février 1961 :
" Le problème de l'encadrement gradés doit actuellement retenir toute l'attention du commandement et de l'administration.
                En effet, les plus grandes difficultés sont rencontrées pour conserver aux unités un personnel d'encadrement suffisant, faute de solutions immédiates on ne pourra plus répondre de l'efficacité des CRS d'Algérie car elles seront inutilisables dans le maintien de l'ordre….
                 Lors de leur création, les compagnies d'Algérie étaient constituées pour 80% de gardiens métropolitains et pour 20% de gardiens de souche Algérienne. Tous les gradés étaient d'origine métropolitaine….
                  Actuellement, les CRS d'Algérie sont constituées pour 80% de gardiens de souches Algérienne et pour 20% d'origine métropolitaine. L'effectif budgétaire "gradés" de 16 compagnies assure l'encadrement de 19 unités, 80% de ces gradés sont métropolitains, 20% sont de souche Algérienne….
                 En outre par suite du recrutement exclusivement local et des retours en métropole, le nombre des gardiens métropolitains comparé à celui des gardiens de souche algérienne, ne fera que diminuer, pour ne constituer en fin d'année 1961 qu'une infime minorité…
                 Pour ces raisons la réalisation d’un encadrement numérique fort apparaît nécessaire, afin d'éviter de sérieux mécomptes dans les opérations du maintien de l'ordre du genre de celles de décembre  1960.
                 Par ailleurs, l'équilibre actuel déjà instable, risque encore d’être gravement compromis par la station prévue par 1'administration, d'un grand nombre de gradés originaires de métropole.
…..Le problème de l'encadrement des CRS. d'Algérie présente un caractère de gravité et d'urgence tels que l'étude des moyens propres à y remédier ne peut plus être différée. L'efficacité des unités en dépend……
 
.....le 2 mars 1961….
                Des mois ayant passé sans que les solutions espérées ne viennent confirmer les promesses, le moral des intéressés s'est à nouveau détérioré progressivement pour atteindre un degré tel qu'il faut aujourd'hui s'en émouvoir et s'en inquiéter.
….. Les officiers me sont apparus montés contre l'administration et contre le commandement qu'ils rendent solidairement responsables.
 ..... le doute les tenaille quant à l'intérêt qu'on leur porte, car aucun d'eux ne conçoit plus que l’administration puisse périodiquement tresser des lauriers à des hommes dont elle se désintéresse aussitôt qu'il s'agit de se pencher sur leurs difficultés.
….. Leur foi est ébranlée, leur conviction est devenue chancelante; une conscience professionnelle heureusement intacte leur permet encore de faire leur travail.....
….. Sur le plan personnel, le problème du retour en métropole des commandants et officiers ayant accompli plus de trois années de séjour en Algérie, est maintenant posé depuis deux années. Aucune solution n'a encore été trouvée et ce qui est grave, jamais l'administration n'a fait connaître sa ferme volonté de le régler.
….. Sur le plan professionnel, ce sont les difficultés de commandement qui ont gravement altéré le moral des officiers. La cause doit en être recherchée dans les problèmes que posent pour l'existence des compagnies en Algérie l’instabilité des effectifs, le déficit de l'encadrement, l'emploi intensif des compagnies.
….. L'instabilité des effectifs depuis deux années est devenue le problème majeur de nos unités. Les statistique révèlent que sur un total de 2961 gardiens, 1260 ont été versés dans les corps urbains d'Algérie, et 523 ont obtenu leur mutation en métropole, soit 1783 départs, sans compter les mutations intervenues entre unités.
….. De plus l'élément métropolitain muté n'est pas remplacé, le recrutement ne s'effectuant qu'en Algérie, ainsi l'amalgame dont on faisait grand cas n'est plus réalisé loin s'en faut. Ce déséquilibre pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur la cohésion et l'efficacité des unités.
….. La leçon est déprimante pour les officiers qui ont vu partir peu à peu les fonctionnaires qu’ils avaient instruits, formés et sur lesquels ils allaient pouvoir compter.
….. L'encadrement est de plus en plus déficitaire et l'on peut commencer à dire que les compagnies sont sous encadrées….. Quatre vingt dix gradés font actuellement défaut aux unités,  et loin de pouvoir espérer des arrivées, ce sont des départs qui interviennent.
….. Je ne crains pas de qualifier cette situation de dramatique pour nos unités d’Algérie….
 
….. Le 10 juin 1961…..
 
….. Dans les rapports ci-dessus référencés, j'ai eu l'honneur de vous exposer les divers problèmes intéressant les CRS. d'Algérie. Je n'ai pas manqué à chaque fois d'insister sur leur gravité, sur les conséquences possibles et de solliciter les mesures propres à les régler.
….. En juin 1961, hélas, je suis contraint de constater avec infiniment de regret que les problèmes restent entiers, qu'aucune volonté n'a été assez forte pour imposer les solutions souhaitées.
…... Je pourrais me borner à la rigueur à cette constatation désabusée si, par ailleurs, je n'avais à assumer les responsabilités de mon commandement, et, à l'occasion, à supporter les conséquences de la dégradation morale qui ne cesse de s'accentuer parmi le personnel.
….. Aussi bien en dépit du peu d'émoi que semblent susciter mes alarmes, je me dois d'attirer une nouvelle fois l'attention de l'administration sur nos problèmes.
…..  Je voudrais enfin qu 'aucune équivoque ne subsiste quant aux sentiments qui m'animent et que l'on sache que si j'ai le devoir de présenter les problèmes, je n'ai pas le pouvoir de les résoudre. Il me restera heureu­sement celui de ne pas cautionner par ma présence une œuvre de destruction et je le déclare tout net, je n'endosserai pas la responsabilité du désastre qui menace mes unités dans un avenir d'autant plus proche que la confrontation avec les évènements sera plus fréquente... »
 
                   Ce dernier extrait indique bien à quel point la situation des compagnies d'Algérie est devenue critique à la Sous Direction des CRS dont, soit dit en passant, il n'a jamais dépendu que les problèmes que connaissent ces unités se règlent, M. MIR décide sans tarder d'en saisir le Directeur Général de la Sûreté Nationale.
….. Je me  permets d'appeler votre attention sur ce document, écrira M. MIR, qui malgré un ton peut être un peu trop passionné, illustre bien la situation périlleuse de nos unité a1gériennes. On ne saurait sans risque sérieux laisser aller les choses ainsi. Il importe donc de s’attacher dès à présent et avec la volonté d'aboutir au règlement de ce problème.
….. Il ne nous échappera pas qu'elle revêt un certain caractère d'urgence.
                    En Algérie, où probablement pour la première fois on s'est ému à la Direction de la Sûreté Nationale au reçu d'un rapport, le Directeur finira par décider le Délégué Général du Gouvernement d'intervenir lui même auprès du Ministre de l'Intérieur. On laissait entendre que le « papier » serait vigoureux. On a eu droit en réalité à un exposé des problèmes, parfaitement objectif d'ailleurs, mais où la conclusion est assortie de formules du genre, « je vous suggère » ou encore,   « il semble nécessaire ». Comme on profitera de l'occasion pour inclure dans cette corres­pondance une nouvelle demande de renforts de CRS. De métropole, on est assuré d'avance de l’effet qu'elle produira sur le Ministre.
….. Mais déjà de nouvelles difficultés assaillent les Compagnies d'Algérie. Les  mesures de dégagement des cadres et de mise en congé spécial aggravent la situation de l'encadrement officier et gradé, un certain nombre d' entre eux ayant demandé à en bénéficier. Au 18 septembre, 6 commandants, 30 officiers et 117 gradés font maintenant défaut. Cette fois c'est la détresse ! Le Colonel DE ROSNAY écrira encore en rendant compte de cette situation au Directeur de la Sûreté Nationale en Algérie :
….. Au moment où les Compagnies Républicaine de Sécurité d'Algérie sont engagées à plein dans les difficiles et souvent délicates tâches du maintien de l'ordre, la situation nouvellement créée apparaît d'une exceptionnelle gravité. En particulier il n'échappera pas qu’elle est de nature à menacer directement la cohésion des unités…. »
                 La cohésion des unités dont on voit qu'elle a été depuis des mois la préoccupation majeure du commandement en Algérie va d'ailleurs être gravement menacée en cette fin d'année 1961.
                Cela à d’ailleurs commencé au mois d’avril au moment du putsch des généraux. A cette occasion deux compagnies, du moins certains fonctionnaires ont eu une attitude douteuse. L’affaire a un certain retentissement, mais se révèle en fin de compte moins grave qu'on ne le craignait. Elle va néanmoins engendrer une crise de confiance à l'endroit des compagnies organiques.
                 Les autorités d'emploi, en particulier les deux Préfets de Police d’Alger et d'Oran manifesteront à leur égard une méfiance qui parce qu'elle était globale, paraissait bien excessive.
                 Il reste, néanmoins, qu’à partir de cet instant il devenait évident, en fonction des événements, qu'une partie du personnel, sensibilisée sentimentalement, influencé au surplus par le milieu familial et ambiant, serait en proie à une crise de conscience permanente pouvant conduire à l'accomplissement de gestes regrettables.
                Dès lors on comprend mieux les affres du commandement qui avait la charge de « maintenir » dans la tourmente qui s'annonçait.
                Par contre on comprendra moins la promptitude de l’administration à porter des jugements  définitifs sur la fidélité et la loyauté des compagnies. Il est vrai qu'elle a déjà oublié qu'elle porte la responsabilité d'une politique de personnel, qui a conduit en trois années à vider de 80% l’élément métropolitain de ces unités, de sorte qu'à cette époque la proportion est inversée en faveur des fonctionnaires d'origine européenne de souche ce que l'on a voulu, on s'en souvient, éviter dès la création.
                Le mal est fait, et il est douteux que quelqu’un ne revendique jamais la responsabilité d'en être l'auteur.
 
                A la Sous Direction des CRS où on jugera la situation avec plus de sévérité et de compréhension, on sera avant tout soucieux de sauver les compagnies organiques dans l'intérêt même du corps. Dès le mois de juin la conviction était faite qu'une profonde réforme serait nécessaire dont le trait dominant s'inspirait du principe que les compagnies  organiques ne devaient pas être différentes des CRS de métropole, ce qui supposait un recrutement unique, une gestion unifiée et des déplacements indifférent en métropole ou en Algérie.
               Un tel projet comportait naturellement des incidences financières qui rendaient difficile une application rapide.
               La suite des événements va obliger à préciser les choses. Au mois de septembre se produit à  Alger un exemple caractérisé d'abandon de poste qui fait craindre le pire dans l'hypothèse où d'autres fonctionnaires tenteraient d'imiter cet exemple.
               Cette fois le Sous Directeur des CRS se rend sur place en  Algérie pour examiner la situation créée par cet incident et envisager de nouvelles mesures propres à sauvegarder le potentiel des unités organiques. M. MIR analysera la situation dans un rapport adressé à son retour au Directeur Général de la Sûreté Nationale.
….. En premier lieu, on peut affirmer que les conditions d'emploi en Algérie ont tout de suite été faussées par rapport à l'optique traditionnelle métropolitaine.
                En effet, il eu fallu que presque aussitôt après leur démarrage, les Compagnies d'Algérie soient soumises au régime classique des déplacements. Le personnel dès cet instant, aurait compris et assimilé cette vie nomade qui s'inscrit pour une large part dans les servitudes de nos formations.
                Or, ce fut le contraire qui se produisit au lieu de conserver la libre disposition de l'emploi des compagnies sur l’ensemble des départements algériens, la Direction de le Sûreté  Nationale en Algérie estima préférable de se dessaisir de l’emploi de ces formations civiles de police en confiant aux Généraux Commandant les régions le soin de le régler. Ceux ci ne firent pas une distinction suffisante entre les compagnies et des formations militaires et intégrèrent ces unités dans leur dispositif de quadrillage ce qui eut pour résultat de « geler » chaque compagnie sur place sans que le moindre déplacement puisse avoir lieu.
 
                Malgré mes observations, mes demandes auprès des divers responsables de la Sûreté et de la délégation Générale, ce système fonctionna ainsi jusqu’aux événements d’avril 1961. Pendant plusieurs années, les unités prirent donc l’habitude d’être utilisée à leur résidence, ce qui est sans aucun doute la formule la plus sûre pour obtenir un mauvais rendement.
.....En second lieu, la Direction de la Sûreté Nationale en Algérie dont les besoins en personnel étaient considérables, en ce qui concerne les corps de police urbaine, prit la décision de muter, dans ces divers organismes un nombre important de jeunes gardiens des Compagnies nouvelles.
                C'est ainsi qu'environ deux mille gardiens passèrent des Compagnies Républicaines de Sécurité dans les corps urbains au cours des trois dernières années. Cette décision mauvaise en soi, qui s'effectua également contre l'avis du commandement, eut pour conséquence de vider l'ensemble des compagnies d'Algérie de leur personnel issu de métropole. Celui ci fut alors remplacé par de jeunes gardiens de souche européenne, mais originaires d'Afrique du Nord, et à l'heure actuelle grâce à ce procédé, ont est arrivé à inverser les proportions initiales : il y a dans toutes les compagnies  80% de gardiens originaires de métropole.
                Cela ne signifierait pas grand pas grand chose dans une période calme, car on doit reconnaître  que les jeunes gardiens originaires d'Afrique du Nord des qualités certaines : intelligence, jeunesse, dynamisme entre autre! Mais la question se présente d'une façon fort différente lorsque l'on se trouve en face d'un climat passionné, dans lequel la plupart des européens d'A.F.N. fonctionnaires ou non contestent plus ou moins ouvertement l'opportunité des décisions gouvernementa1es, dans cette ambiance méditerranéenne où toute forme de raisonnement logique est presque systématiquement écartée aujourd'hui.
                 Ajoutons à cela qu'en Algérie (comme en métropole d'ailleurs) l'administration ne s'est absolument pas souciée du prob1ème du logement de fonction des   agents des Compagnies Républicaines de Sécurité. Ceux-ci ont donc été dans l'obligation de se loger n'importe où, et n'ont pu, de ce fait, se tenir écartés, comme il eut été souhaitable, de toutes les campagnes d'intoxication, de fausses nouvelles ou de rumeurs de toutes sortes….
                L'énoncé de ce qui précède permet de mieux comprendre les réactions actuelles des responsables de la Délégation Générale en Algérie.
               En effet, les unités d'Algérie étant devenues ce qu'elles sont, passent pour être d'une fidélité que l'on pourrait qualifier de conditionnelle. Loyales dans le travail quotidien,  qui ne nécessite pas une prise de position au sujet du "Problème algérien" il semble que l'on appréhende de les utiliser dans des circonstances délicates face à la communauté européenne en particulier.
                 Il est certain que si au cours des événements de décembre l960, les Compagnies d'Algérie n'ont pas démérité, par contre le comportement de deux d'entre elles en avril 1961, en Oranie, a été pour le moins douteux, et plus récemment quelques éléments isolés ont administré la preuve de sentiments nettement en opposition avec ceux de la politique gouvernementale.
                 La question se pose donc de savoir si, en fonction de ce qui précède, on doit (comme semble le préconiser de plus on plus la Délégation Générale) ne plus leur confier que des tâches mineures, et faire constamment appel aux unités métropolitaine déjà surchargées de besogne.
                 Ce procédé est commode, simple et pratique.
                  Toutefois, il néglige deux aspects particulièrement importants à savoir :
- L'emploi des unités métropolitaines se trouve augmenté dans de dangereuses proportions voisines de la saturation.
- Les compagnies algériennes, formations analogues et identiques à leurs homologues métropolitaines ont un régime d'emploi discriminatoire, et de fait, moins chargé que celui de leurs collègues venant de FRANCE.
                Or, il n'est pas possible de laisser s'instaurer pour quelque raison que ce soit, deux formules d'emploi différente pour des unités appartenant à un même corps, sous peine d'aboutir à une désagrégation rapide, chacun s'estimant 1'ésé, dans ce genre d'affaire.
                Il faut donc laisser de côté toute solution de facilité et rechercher celle qui permette à la fois de sauvegarder et de renforcer l'homogénéité du corps et d'assurer avec efficience l'ensemble des missions qui nous sont dévolues
                En bref, de quoi s'agit il ?
                D'intégrer plus étroitement les unités d'Algérie et des les fondre dans le moule traditionnel des compagnies métropolitaines.
                 C'est possible dans la mesure où l'on inversera rapidement les proportions de personnel qui les composent. Or, cette inversion n'est pas faisable si ces compagnies restent en Algérie dans leurs implantations actuelles. En effet, le recrutement de l'école d'HUSSEIN DEY est presque exclusivement "pied noir". Quant au recrutement de SENS, il est basé sur le principe de l'affectation dans des unités métropolitaines, et toute modification à cette règle entraînerait un fléchissement sensible, fort dangereux. Si l'on ne veut rien changer il reste seulement l'appel au volontariat qui, à raison, d'environ quarante par stage, nécessiterait un délai de plusieurs années avant que ses effets ne soient valablement ressentis.
                 Il reste cependant une façon de se sortir de cette situation apparemment inextricable.
                 Elle consiste à décider le changement de résidence administrative de toutes les unités d'Algérie. En implantant les dix neuf compagnies d'Algérie en métropole on règlerait de nombreux problèmes d'un seul coup.
                 On ferait éclater le personnel de ces compagnies et on le fondrait dans un ensemble de personnel d'origine métropolitaine. Cela s'est déjà fait avec les marocains et les tunisiens il y à quelques années.
                 On renforcerait plus rapidement le potentiel métropolitain du corps. Il ne faut pas se dissimuler, en effet, les difficultés que ne vont pas manquer d'entraîner en matière de recrutement, en particu1ier, la création envisagée, pour 1962, de 14 nouvelles compagnies en France. On redonnait au corps son unité et aux cadres un meilleur moral (plus de séjours de trois ans en Algérie)
                 On pourrait plus aisément fournir un ensemble cohérent d'unités en déplacement permanent à l'Algérie. (Il serait possib1e de fournir à la fois 15 à 20 compagnies qui seraient re1evées tous les deux ou trois mois, empêchant ainsi toutes les surprises désagréables relatives à "l'état" d'esprit et à un comportement douteux.
                 L'exposé qui précède implique une décision d'une réelle importance. Il ne s'agit de rien moins que de regrouper toutes les unités d'Algérie en métropole, et là, de les refondre.
                 Ce n'est qu'après plusieurs mois de réflexion que j'en suis arrivé à l'idée que cette mesure est loin d'être une solution de désespoir.
                 Les événements, les responsables de l'Algérie ayant fait que la situation de ces unités est devenue ce qu'e1le est, il ne semble pas possible d'y apporter un remède efficace par des demi-mesures.
                  Par ailleurs il serait insensé de préconiser la dissolution de ces compagnies qui ont déjà fait leurs preuves, sous le simple prétexte qu'une partie de leur personnel originaire d'Afrique du Nord, vivant dans une ambiance passionne1le se pose des questions que tous les français d'Algérie se posent aujourd'hui.
….. La sagesse consiste probablement à aider tous ces braves garçons à franchir cette période douloureuse pour eux, dans les conditions les moins mauvaises tout en leur permettant d'assurer leurs fonctions policières à la satisfaction générale.
                J'estime qu'une décision gouvernementale dans le sens qui j'ai développé au cours de la présente note, serait bénéfique, aussi bien pour le corps des Compagnies Républicaines de Sécurité, que pour la tranquillité de toutes les autorités d'emploi. Sa mise en œuvre pourrait s'effectuer au cours des mois à venir et être terminée avant la fin 1962.
                 Il est toutefois certain qu'une telle proposition sera contre battue avec vigueur par tous les responsables de l'Algérie qui croiront y voir une manœuvre de repli destinée à les priver de tous moyens de CRS. Cette argumentation ne peut résister à un examen sérieux. Il convient aujourd'hui d'être réaliste et de transformer ce qui doit l'être dès l'instant où cela est souhaitable et parfaitement possible…."
                 Au mois d'octobre lorsque cette note est rédigée à l'intention du Ministre de l'Intérieur, il parait bien probable que la solution de choc préconisée soit acceptée  d'enthousiasme.
                 On mesure, aux précautions de style et aux arguments employés par M. MIR  que lui même n'est pas convaincu que sa proposition emportera d'emblée l'adhésion.
                De plus on remarque qu'il ne s'agit nullement de précipiter les choses puisque un délai très 1arge est préconisé pour réa1iser l'opération de transfert.
                Une fois de plus l'événement se chargera de forcer la décision.
                 Il se produira vers la mi novembre sous la forme d'un abandon de poste par une dizaine de fonctionnaires d'une unité déplacée à Alger, qui, circonstance aggravante emporteront à cette occasion une quantité importante d'armes et détruiront le véhicule de l'administration ayant servi au transport.
                 L'affaire  est grave et va déclencher l'ire du Ministre qui n'envisagera pas le moins que la dissolution des compagnies. La solution n'est évidemment pas dans la sanction collective, mais encore faut il en convaincre le Ministre. C'est la tâche délicate à laquelle va s'employer le sous Directeur des CRS.
….. Il y a plus d'un mois (le 13 octobre 1961) écrira M.MIR au Directeur Généra1 de la Sûreté  Nationale, je vous adressais une étude relative aux Compagnies Républicaines de Sécurité d'Algérie.
….. Depuis cette date le climat dans ces unités s'est encore détérioré. Il ne se passe pas de jour sans que l'on me fasse part de l'altération du moral du personnel qui 1es compose. Les fonctionnaires des CRS d'Algérie, du haut en bas le la hiérarchie s'estime actuellement abandonnés. Impressionnés de plus en plus par la gravité et le renouvellement des attentats, vivant depuis plusieurs années dans un milieu complètement hostile à leur égard, ils sont arrivés à un degré de tension nerveuse qui fait mal augurer de l'avenir.
….. Par crainte d'événements graves, que l'intoxication des grandes villes d'Algérie entretient sans relâche, beaucoup d'entre eux font ou vont faire partir leur famille vers la métropole. Ces séparations, au demeurant fort sage, ont cependant une influence certaine sur le comportement de nos hommes.
                  On en est donc arrivé à l'instant où des mesures s'imposent. Celles ci doivent tenir compte d'une part, de la difficulté de plus en plus grande de procéder aux mutations pour assurer les relèves et d'autre part, du vœu exprimé par les autorités d'emploi en Algérie, qui consiste à vouloir confier les missions de maintien de l'ordre public à des compagnies exclusivement métropolitaines.
                  Vous savez que j'estime pour ma part que la solution logique de ce problème réside dans le remplacement des compagnies organiques d'Algérie par un certain nombre d'unités métropolitaines déplacées pour quelques mois, et constituées en groupements opérationnels. Je ne pense pas que cette "substitution" puisse avoir des répercussions politiques quelconques puisqu'il n'y a pas "abandon" mais seulement changement pour des raisons d'opportunité de commandement.
                  Tout me porte à croire que cette mesure devient urgente et que pour le moins, le principe de la décision devrait être acquis avant la fin de l'année. S'il n'en est pas ainsi je n'hésite pas à déclarer que nous encourons le risque d'une cassure profonde du corps accompagné peut être de gestes regrettables.
                  C'est pourquoi, j'ai l'honneur de vous demander instamment de bien vouloir saisir le Ministre de ce problème et de l'inciter à provoquer, dès que possible, une réunion avec les représenta ts du ministère de l'Algérie, pour jeter les bases d'un accord permettant de régler au mieux ce problème qui est entrain de devenir sérieux…."
                  La sagesse finira heureusement par triompher et avec elle le Ministre de l'Intérieur en viendra à de meilleurs sentiments. Une conférence à lieu au Ministère de l'Intérieur le 19 décembre pour discuter des mesures à prendre sur la base des propositions faites par le Sous Directeur des CRS dès le 13 octobre, dans le rapport déjà cité.
                    Le Directeur de la Sûreté Nationale en Algérie y assiste.
                    Les mesures finalement arrêtées s'inspireront pour l'essentiel de celles  préconisées par M. MIR. Elles seront cependant assorties d'un certain nombre de conditions impo­sées par le Ministre de l'Intérieur, qui, se représentent les nécessaires concessions faites pour venir à bout des réticences ministérielles.
                    Parmi ces conditions il faut citer : le dégagement des cadres soit d'office, soit par volontariat d'un certain nombre d'officiers et de gradés; la mutation dans la limite maximum de 500, des fonctionnaires, qui en formuleront la demande.
                   Par la suite, les éléments conservés dans les compagnies d'Algérie seront regroupées en unités à effectif complets.
                   Les compagnies ainsi constituées seront ensuite déplacées en métropole dans une résidence provisoire.
                   Le sort de ces compagnies sera réglé dans un deuxième temps, lorsque les problèmes financiers de l'opération auront été réglés. L'intention arrêtée est de transformer effectivement les unités organiques en compagnies métropolitaines, avec comme conséquence le brassage et l'amalgame des personnels des unités organiques avec ceux des compagnies métropolitaines.
                   Dans la pratique les dispositions arrêtées permettront de conserver 13 compagnies à effectifs complets, les 6 autres ne subsistant que sous la forme de dépôts symboliques.
                   Lorsque M. MIR viendra annoncer à Alger la décision de transférer les compagnies organiques en métropole la surprise sera grande. La gravité de la situation créée par les incidents récents n'avait certes pas échappée aux fonctionnaires de ces unités. Il n'empêche que cette décision plaçait tous nos fonctionnaires originaires  d'Algérie devant un choix douloureux ; rompre avec l'Algérie et tout ce que cela représentait de liens sentimentaux touchant à la famille, au terroir, en somme à ce qu'ils aimaient depuis toujours.
                   Si, au moins la situation avait déjà été telle que cette issue soit apparue aux yeux de tous comme la seule logique, la seule inévitable! Mais rien en ce moment encor dans son évo1ution n'autorisait cette conviction. Au contraire aux yeux des jeunes gens comme à ceux des européens en général tout espoir était encore permis, dès lors que rien  n'était réglé, ni même en voie de l'être.
                   En effet, les négociations étaient à ce moment encore dans une solide impasse et en tout cas rien ne permettait d'augurer un règlement rapide surtout dans un sens qui aurait convaincu les uns et les autres que le replier en métropole était désormais la seule solution raisonnable.
                   Si une telle éventualité s'était présentée quelques mois plus tard, aucun problème ne se serait posé.
                   Mais au mois de décembre 1961 elle apparaissait aux yeux de la plupart comme une sanction injustifiée, qui prenait des proportions inhumaines.
                   Il fallait, il est vrai, être en dehors de ce drame pour comprendre dès ce moment ce que cette issue représentait de salutaire, de nécessaire pour le maintien de la cohésion du corps.
                     Dès ce moment il n'était, d'ailleurs pas certain, que celle ci serait sauvée car il était pour le moins prématuré de préjuger des réactions d'un personnel à tout le moins désemparé,  parce que placé pour la première fois devant la responsabilité d'avoir à prendre des décisions qui engageraient à jamais l'avenir.
                     Le commandement dont on sait les difficultés incommensurables depuis des années, avait en cette occasion à faire face à la tâche la plus délicate qui se puisse imaginer : aider chacun de ses subordonnés à franchir le cap de la décision. Ce qu'il aura fallu surmonter à chacun, aucun écrit ne le dira jamais, et toute la somme des drames vécus par nos fonctionnaires des compagnies organiques resteront ignorés.
                     La seule chose qui retiendra finalement l'attention est que les défections seront rares lorsque le jour venu sonnera l'heure du départ pour la métropole.
                      Le Plan de mouvement arrêté par le Ministre de l'intérieur sera connu le 29 décembre. Il prévoit le rapatriement de toutes les compagnies et de leur matériel dans un délai d'un mois. Les opérations doivent commencer aux environs du 10 janvier 1962. Les compagnies dont les deux tiers sont encore en déplacement à Alger et à Oran sont relevées au fur et à mesure par des unités venant de métropole. Elles disposent en moyenne d'une dizaine de jours à leur résidence pour plier bagages. et rompre tous liens avec l'Algérie.
                      On imagine les problèmes qu'a pu poser un tel exode. Ce n'est pas le moindre mérite de la Sous-direction des CRS d'avoir su mettre sur pied l'organisation de ce retour. Il        nous souviendra qu'en novembre 1954 un immense effort avait permis l'envoi de 20 compagnies en Algérie dans un délai record. Cette fois les données sont certes différentes, mais en ampleur cette opération s'inscrit comme une performance bien supérieure à celle réalisée alors.
                      Mais n'est ce pas une curieuse destinée que celle de nos unités pour qui le conflit algérien aura en fin de compte fini comme il avait commencé.
                     Dès lors, les choses se déroulent ainsi que prévu. Au mois de mai 1962 les compagnies organiques seront brassées, un vaste mouvement de mutation intéressant toutes les unités sans exception, dispersera aux quatre coins de la FRANCE les fonctionnaires selon leurs désirs.
                     Il ne restera plus des unités organiques que des compagnies semblables à celles de métropole. Seuls subsisteront les numéros qui rappelleront pour quelque temps encore à quelques uns qu'el1es ont vu le jour à Alger, à Oran, à Tlemcen, à Constantine où ailleurs dans un coin d'Algérie.
                     Le mot de la fin appartiendra au Ministre de l'intérieur dont un arrêté portant le N° 1128 et la date du 22 mai 1962, décidera pour l'histoire des CRS d'Algérie de leur nouvelle implantation dans les résidences suivantes :
 

 Nos de Cie

Lieu d’implantation

En Algérie

Lieu de stationnement

En métropole

Groupement métropolitain de rattachement

206

AFFREVILLE

ORLEANS

GRPT n°1

210

AÏN TEMOUCHENT

LAMBERSART

GRPT n°2

194

BOUGIE

RENNES

GRPT n°3

198

BLIDA

NANTES

GRPT n°3

191

ALGER

SAINT NAZAIRE

GRPT n°3

192

CONSTANTINE

SAINT NAZAIRE

GRPT n°3

193

ALGER

SAINT NAZAIRE

GRPT n°3

195

ORAN

SAINT NAZAIRE

GRPT n°3

203

ORAN

SAINT NAZAIRE

GRPT n°3

211

TIZI OUZOU

SAINT NAZAIRE

GRPT n°3

205

CONSTANTINE

BORDEAUX

GRPT n°4

207

TLEMCEN

TOULOUSE

GRPT n°5

197

MOSTAGANEM

METZ

GRPT n°6

204

ALGER

STRASBOURG

GRPT n°6

208

BONE

DIJON

GRPT n°7

196

BONE

GRENOBLE

GRPT n°8

212

PHILIPPEVILLE

LYON

GRPT n°8

199

SETIF

MARSEILLE

GRPT n°9

209

BATNA

ST LAURENT DU VAR

GRPT n°9

 
                     De toute manière rien n'apparaissait comme très définitif dans ce dispositif. Il n'y avait donc pas lieu de dramatiser à propos de ces quelques hérésies, assuré qu'on pouvait être que de nécessaires rectifications s'imposeraient tôt ou tard avec l’évolution de la situation.