ARRESTATION  DE GEORGES  LELONG
 
Document de Michel Germain  
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             Grâce à Michèle Dekyndt, nièce de Jean Seliade, « aide de camp » du colonel Georges Lelong, nous en savons un peu plus sur l’arrestation de l’Intendant de police qui sévit en Haute-Savoie du 31 janvier 1944 au 5 mai de cette même année.
             Dans les jours qui précédèrent son procès devant la Cour Martiale siégeant à Annecy, le bruit a couru, très fortement que le colonel s’était rendu de lui-même, n’ayant rien à se reprocher. Il est probable que c’était son intérêt et la rumeur fut-elle, peut-être distillée par ses défenseurs, afin d’amadouer les juges.
            Aujourd’hui, nous pouvons détailler quelques peu cette arrestation. Le colonel de gendarmerie Georges Lelong était à Périgueux, puis il commanda le G.M.R. à Aincourt, commune de Seine et Oise, où le 5 octobre 1940 avait été créé dans l’ancien sanatorium un camp pour internement de personnalités politiques. Jean Séliade, entré dans la police le 16 janvier 1943 sur « recommandation de chefs résistants » avec comme pseudo Deliase, est chargé par ses chefs de suivre le colonel de Périgueux à Aincourt. Lorsqu’en janvier 1944, Lelong est nommé à Annecy, Jean Séliade le suit toujours. « En janvier 1944… écrit-il, j’étais en permission et à mon retour je rejoints sur ordre la préfecture de Haute-Savoie. Je suis attaché à son service comme secrétaire. La direction quitte la Préfecture et s’installe « Villa des Romains ». Je sais que la lutte va commencer dans 48 heures… » Jean réussit à faire parvenir l’information via la propriétaire de la Villa, madame Verdel. « … Quelques jours plus tard, intrigué par les allées et venues du gendarme Guillaudot de la brigade d’Annecy, je lui pose la question de confiance et après avoir vu des preuves de bonne foi (photos du Plateau des Glières, cigarettes, pistolet Colt) je lui remets des laissez-passer permanents timbrés et signés au nom de Lelong pour les réfractaires de la région. En outre, tous les renseignements émanant de Vichy étaient transmis aux réfractaires par l’intermédiaire de Guillaudot ainsi que tout ce qui concernant les opérations journalières.
              Lorsque j’ai connu les préparatifs de l’attaque des Glières, j’ai averti personnellement le capitaine Marquet, du 27è B.C.A. devant le cimetière d’Annecy. Je lui ai fourni toutes les indications que je possédais sur les effectifs qui allaient être mis en ligne ainsi que l’ordre de bataille et la participation de l’aviation.
             Parti le 1er mai, voir mon enfant malade, je me suis mis en relation avec l’A.S. des Mathevies, chef Balapoux qui m’a chargé de savoir les effectifs allemands de passage à Brive (Corrèze). Rentré à Aincourt le 27 juillet j’ai retrouvé le colonel Lelong… »
             En août, devant la nouvelle situation, le colonel Lelong se rend à la direction des G.M.R. (et pourquoi pas à la Gendarmerie nationale lui qui est colonel de gendarmerie ?) rue des Saussaies, où le commissaire Lecoze veut l’arrêter. Lelong prend la fuite. Jean Séliade, apprenant cela, sait où le trouver et il se rend rue de l’Observatoire où le colonel a un appartement. Il apprend que l’ancien Intendant de police de Haute-Savoie veut rejoindre Sigmaringen ; les bagages sont prêts. Jean décide de partir avec lui en camion. Arrivé dans les environs de Lagny, Jean simule la panne. Il connaissait à Lagny le commandant Suri. Il convainc Lelong que les G.M.R. qui cantonnent là vont pouvoir réparer le véhicule et qu’en attendant il faut passer la nuit sur place, dans un hangar avec le camion, engin très précieux en ces temps de troubles. A 6 heures du matin, les G.M.R. de Lagny viennent arrêter Lelong.
               Ce récit est corroboré par un procès verbal de l’interrogatoire de Séliade par le policier Moronval, bureau 166, de la rue des Saussaies à Paris.
               Cette information montre bien que le colonel se sentait coupable, puisque, cherchant à fuir en Allemagne, il avait compris que sa situation était mal engagée. D’autre part nous apprenons que dans l’entourage même du colonel se trouvait un résistant (action résistante attestée par le général Mollard) et nous comprenons beaucoup mieux le rôle joué par le gendarme Guillaudot dans cette année 1944.