L’intendant de police Pierre Marty à Montpellier et Toulouse
( Source : https://www.etudesheraultaises.fr/publi/2010-lintendant-police-pierre-marty-montpellier-toulouse/ )
 
 

Par Jacques DELARUE

             A l’automne 1940, le gouvernement de Vichy recrutait des hommes « sûrs » pour occuper les places libérées par l’épuration dans les rangs de la police. Outre-mer le problème était le même qu’en France métropolitaine. Si l’ennemi n’occupait pas ces territoires, le gouvernement de Vichy désirait y appliquer la même mise au pas politique. Le 7 octobre 1940, la police de Bizerte, recruta un nouveau commissaire à titre provisoire : Pierre Marty.

             Commissaire de la marine marchande à la Compagnie Transatlantique, puis directeur d’une firme commerciale, il avait perdu sa situation en raison de la guerre. Recommandé par un amiral, jugé politiquement sûr puisqu’il était ancien militant d’Action française, il fut affecté aux renseignements généraux et y constitua rapidement une petite équipe qui donna bientôt la chasse à tous ceux qu’il connaissait ou suspectait d’être des adversaires du régime.

               Il eut un avancement foudroyant et le 3 mai 1943 était déjà commissaire principal, assurant depuis le 25 janvier les fonctions de contrôleur général par intérim. Lui-même écrivit dans une lettre où il réclamait sa titularisation à ce grade : « J’ai fait procéder à l’arrestation de dizaines d’espions et de propagandistes anglo-saxons ou communistes. Je peux affirmer et je suis persuadé que les autorités compétentes allemandes se feraient un plaisir de confirmer qu’aucune grosse affaire d’espionnage réalisée en Tunisie depuis l’arrivée du Corps Expéditionnaire n’a été faite autrement que par mon action direct ou sur mes indications ».

              Dès l’arrivée des troupes allemandes en Tunisie, le préfet de Tunis et l’intendant de police avaient été arrêtés et déportés et Marty avait été nommé à Tunis. Son groupe, qui ne comportait alors que cinq hommes, passa au service exclusif des Allemands.

              Le 2 décembre 1942, une ordonnance de von Arnim donna au S.O.L. de Tunisie une mission de police politique, des membres du S.O.L. furent placés dans tous les services de police et les brigades de gendarmerie pour les surveiller. Les groupes de sécurité et d’action du P.P.F. créés en 1941 participèrent avec eux à la chasse aux juifs. Le 12 décembre, après la création à Tunis du Comité Unifié d’Action Révolutionnaire (C.U.A.R.) groupant tous les mouvements collaborateurs sous la direction des nazis, Marty arrêta lui-même le préfet de police de Tunis, M. Philip, son chef de cabinet, le directeur de la police et le ministre de France, tous accusés de mollesse, voire de trahison. Mais l’avance des Alliés se poursuivait inexorablement.

               Le 10 mars 1943, les Allemands transportèrent par avion la brigade Marty en Italie. Marty et son adjoint Cens, chargés des ultimes opérations de liquidation, quittèrent la ville dans le dernier avion allemand. Il les amena à Berlin où ils demeurèrent quelques jours, puis gagnèrent Paris.

                Le 6 octobre, Marty arriva à Montpellier où il venait d’être chargé d’organiser une brigade spéciale.

Dès son arrivée, Marty reconstitua sa brigade et la renforça considérablement. Il y incorpora des gens qui, à Tunis, avaient été ses indicateurs, et aussi plusieurs résistants retournés. [...]

( Paru sur Etudes Héraultaises 2010  n°40 )

 
Les Juifs à Toulouse au temps de Vichy (extraits)
 
 
             "Lorsqu'il arrive à Toulouse en avril 1944, P. Marty a déjà une image, celle d'un tortionnaire. Marty, né en 1900, a adhéré à l'Action française dans sa jeunesse et s'en est retiré lorsque le mouvement maurrassien a été condamné par le pape. Considéré comme particulièrement intelligent et actif, il est commissaire de police à Bizerte en 1940. Dès lors, se spécialisant dans la police politique, il déploie une activité intense contre les ennemis du maréchal, poussé à la fois par une ambition extrême et de vieilles convictions antirépublicaines. En relations fréquentes avec la police allemande, il devient le principal responsable du maintien de l'ordre en Tunisie, puis il est nommé contrôleur général à Paris en avril 1943, intendant de police à Montpellier en octobre 1943, puis à Toulouse le 15 avril 1944, enfin chef de la police à Sigmaringen où il s'est réfugié avec l'élite collaborationniste. Pendant les quatre années d'une carrière de policier politique exceptionnellement brillante, Marty se signale à la fois par l'ampleur de ses vues et la cruauté de ses méthodes. Plutôt que de poursuivre les résistants un à un, il préfère organiser en grand la pénétration des mouvements et des maquis par ses hommes, puis lancer de grands coups de filet. Aussi à la Libération retrouve-t-on ses lieutenants à des postes élevés dans la résistance : l'un d'entre eux n'est-il pas directeur d'un journal communiste à Sète ? Marty s'entoure d'une équipe personnelle, sa « brigade », composée d'une poignée d'anciens militants d'extrême-droite (PPF ou francistes) généralement de moralité douteuse. Méfiant envers le légalisme de la police officielle, il se sert de préférence de sa bande qui utilise les procédés les plus expéditifs : arrestations arbitraires, tortures à l'électricité, violences diverses. Pour financer leurs activités (ou leurs besoins propres) ses adjoints se livrent couramment au pillage, leur chef conseille le chantage envers les Juifs riches. Marty mène des opérations contre les maquis en commun avec la Milice et détruit plusieurs groupes de partisans. Marty a prétendu que l'existence de sa brigade, outre l'efficacité spéciale qu'elle apportait à la répression permettait à ses subordonnés de ne pas se salir les mains.
              Marty a-t-il réussi à laisser derrière lui un corps de police exempt de toute tache ? C'est à voir. Les services ordinaires de la Police nationale exécutent généralement les missions les plus graves sans scrupule discernable, comme la destruction de la 35e brigade de la MOI en avril 1944. Lors des formalités les plus banales, certains policiers font du zèle contre les Juifs, repérant ceux qui ont de fausses cartes d'identité et les contraignant à avouer leur vrai nom sous les coups. Toutefois, il y a aussi des commissaires de police humains comme celui de Montauban qui avertit régulièrement les Juifs de la date des rafles. Certains policiers participent à la Résistance à qui ils font parvenir des renseignements. Un commissaire de Toulouse, choqué par les tortures exercées par la brigade Marty, proteste auprès de l'intendant ; celui-ci justifie ces procédés par les circonstances exceptionnelles et ajoute d'un ton noble qu'il les interdit à la police ordinaire !"
 
*************************