Anecdote de la Fanfare
 
 
Extrait de la revue "La Flamme" demars 1947.
 

….Le Groupement de VERSAILLES, tout entier, a participé au service d'ordre imposant mis en place le 16 janvier lors de l'élection du Premier Président de la Quatrième République.

La fanfare prenait part également à cette cérémonie historique et elle s'y distingua de façon magistrale comme vous pouvez en juger :

«   On lira certainement dans cette revue ou ailleurs divers échos sur l'élection à VERSAILLES du Président de la République, laquelle a nécessité l'emploi de onze C. R. S. venues pour la circonstance du Nord, du Centre et du Sud-est avec leurs impedimenta  et leurs illusions.

«   Bon Service d'Ordre par ce que MM. les journalistes ont convenu de : une journée printanière. Au P. C., il faisait chaud, même très chaud. Non pas qu'il y ait eu pléthore de radiateurs, poêles et autres braseros, mais à observer le visage congestionné de MM. les hauts responsables, on se rendait compte que le souci d'un tel déploiement de forces entretenait chez eux une tension artérielle en dangereux survoltage.

«   Et puis, il y eut l'action héroïque de la journée — à l'actif de la Jeune Fanfare des C. R. S. du Groupement. Ah ! Messieurs, la noble, la courageuse, la vaillante, l'étourdissante fanfare que voilà ! II avait été décidé que ses 40 exécutants, massés dans la fameuse Cour des. Princes, exécuteraient la sonnerie « Aux Champs » lors de l'apparition du Président, à l'extérieur. Tout était fin prêt. Un système de liaison. à vue partant du fond de la Galerie des Bustes que devait emprunter le cortège donnerait le signal. Les cuivres aux bouches, les baguettes en l'air, le souffle retenu, ils avaient une sacrée allure, nos Musiciens !

«   Quelqu'un crie : « Le voilà ! ». En effet, là-bas, tout au fond de la Galerie des Bustes, on voit luire les éclairs du magnésium. Les cuivres éclatent, les tambours battent joyeusement. Jamais nos Musiciens n'avaient soufflé ni battu avec un tel cœur. Pourtant ça n'est pas tellement varié ni tellement long la sonnerie « Aux Champs ».

«   Mais le chef de fanfare connaît son affaire. Il doit jouer jusqu'à la disparition du Président. Il recommence donc deux, trois et quatre fois.

«   Las ! cette galerie des Bustes est longue, longue. M. le Président tient à passer dignement la revue des plâtres illustres. Enfin, la lente solennité du pas de cortège est encore loin de l'allongement du pas de légionnaire. La fanfare, dès la sixième reprise, sentit qu'elle vivait une minute doublement historique. Les yeux des clairons leur sortaient de la tête, les veines du cou gonflées à se rompre annonçaient d'immenses apoplexies. Les bras tremblants des tambours mettaient un trémolo dans les plan et les rataplan. Le brigadier-chef de fanfare, impassible, regardait intensément ses hommes, un à un, les yeux dans les yeux. Il n'y eut pas un seul canard irrévérencieux, même à la sortie de tel ministre qui aurait pu amener une fâcheuse association d'idées. Monsieur le Président fut salué très exactement par la 10e reprise de la sonnerie « Aux Champs ».

«  Cette 10e reprise marqua l'au delà de l'extrême limite du sublime, car l'auto présidentielle partie, on vit s'écrouler pêle-mêle, clairons et tambours, rendus, vidés, aphones, s'accotant les uns aux autres, sans souffle, les jarrets tremblants. Certains, les yeux hagards, conservaient l'embouchure de cuivre vissée aux lèvres bleuies tels « les clairons à leur poste gelés ». On vit un tambour regarder avec stupeur ses doigts qui, pris d'un tremblement fou, continuaient à battre.

« On pensa un moment faire appel aux infirmières de la Croix-Rouge qui avaient manifestement chômé toute la journée. Mais binious et tapins ont une puissance de récupération égale à leur résistance. Ils le montrèrent en se retirant en bon ordre la tête haute.

«  La valeureuse fanfare venait de conquérir de haut souffle sa première lettre de noblesse »….