Extrait de la revue "La Flamme" de juin 1947 |
LA CRS n° 1 |
C'est dans le cadre romantique d'une propriété
champêtre que la
1ère
C.R.S.
exerce
sa quotidienne activité. Après avoir vécu dans
l'atmosphère parisienne de la Caserne de la Pépinière, elle s'est
évadée dans la proche banlieue pour venir jeter l'ancre dans la petite
ville historique de Marly-le-Roi, au Château du Chenil que ne
hante plus le fantôme de la belle Madame de La Vallière.
Le chenil fameux est vide et les rapides lévriers d'antan ont fait place
à de souples et bruyants engins motorisés ; les serres, avec leurs
nombreuses maquettes, sont devenues des salles d'initiation pour les
jeunes gardiens et les magnifiques parterres de modestes potagers;
toutefois, la grande pelouse et la pièce d'eau ont été épargnées et
demeurent comme par le Passé.
Sous les frondaisons qui ont connu des époques plus somptueuses,
s'ébattent maintenant des garçons en tenue de sport sur les terrains de
basket-ball, de volley-ball, de football ou sur le plateau d'éducation
physique ; les allées ombragées sont devenues des pistes d'entraînement
et les poètes du Grand Siècle n'y trouveraient plus le calme propice à
leurs méditations.
Toutefois, les années ont
marqué de leur empreinte cc domaine classé parmi les plus beaux sites et
les plus remarquables demeures de France; malheureusement, les faibles
moyens dont disposent les services
de réfection et leur
lenteur dans l'action nous donnent la navrante perspective de voir cette
belle propriété se dégrader sans espoir malgré la bonne volonté générale
du personnel qui ne saurait toutefois suppléer aux moyens techniques
indispensables, mais distribués avec une trop grande parcimonie.
Cette digression épuisée, nous allons aborder le travail proprement dit
de la 1ère C.R.S. qui est différent de celui des autres unités du fait
de sa composition et de certaines missions qui lui incombent en propre.
La Compagnie comprend, en effet, trois sections à pied et une section
motocycliste qui, entre autres missions, assure l'escorte des voyages
officiels. L'instruction difficile à réaliser du fait des servitudes qui
incombent à l'unité n'en est pas moins poursuivie méthodiquement. Il est
vrai que le cadre agréable où les évolutions ont lieu ne peut qu'inciter
les plus casaniers eux-mêmes à rechercher les travaux exécutés à
l'extérieur. Aussi, malgré les difficultés déjà signalées, le travail
intensif est-il de règle à la Compagnie.
Chaque jour, après une séance d'éducation physique, le personnel est
astreint à des exercices de présentation. Il est possible d'affirmer
que, de l'école du gardien à celle de la section, il n'est aucune des
figures de la progression auxquelles ne soient rompus les cadres et les
gardiens de la Compagnie. Chaque fois que le permet l'emploi du temps,
les sections sont rassemblées dans la salle de « Orangerie », vaste
local éclairé par de grandes baies vitrées et complètement baigné de
lumière.
La question du tir, exercice primordial, a été très difficile à résoudre
par suite de l'absence de stand à proximité. Aussi, dès l'implantation
de la C.R.S. au cantonnement actuel, la recherche d'un emplacement de
tir offrant toutes garanties de sécurité a été le premier souci du
commandement. Un stand de tir réduit fut créé à l'intérieur du parc et,
provisoirement, mais rapidement, la question fut partiellement résolue.
Le tir au fusil s'effectue dans l'ancien ouvrage militaire de Marly,
emplacement qui offre toutes les conditions de sécurité requises.
Des exercices relatifs au maintien et au rétablissement de l'ordre ont
lieu plusieurs fois par mois; malheureusement, le nombre des terrains
susceptibles de se prêter aux évolutions de ce genre est assez
restreint, ce qui présente une gêne constante.
La section motorisée, forte de quarante motocyclistes, est dotée d'un
matériel puissant et d'un équipement spécial soumis fréquemment à toutes
sortes d'entraînements sur routes et en tous terrains. De nombreuses
photographies prises sur le vif témoignent d'ailleurs du courage et de
la valeur de ces « as » du guidon.
En ce qui concerne leur
entraînement, ils ont à leur disposition des 1.000 cm3 René-Gillet
débarrassées de tous les accessoires fragiles et dangereux, car les
chutes sont nombreuses en tous terrains et souvent inévitables
bien que peu dangereuses dans la plupart des cas pour un personnel
sélectionné et entraîné. Pour la majorité de ces motorisés, le saut au
tremplin est un passe-temps amusant; d'autres préfèrent tirer dans une
cible près de laquelle ils passent de toute la vitesse de leurs
puissantes machines; d'autres, le passage des rivières à gué où la
motocyclette disparaît à moitié dans l'eau ou la boue; d'autres enfin,
des exercices d'acrobatie dignes des meilleurs professionnels.
En dehors du service normal de la Compagnie, cette section a pour
mission d'assurer l'escorte de M. le Président de la République et des
hautes personnalités. A cet effet, des séances d'entraînement ont lieu
sur route : encadrement de voitures, marches en formation, changement de
formations et toutes sortes d'évolutions à vitesses variables. Ce genre
de travail nécessité, de la part de chaque conducteur, une grande
souplesse et une attention constante.
Les services d'escorte sont effectués sur motocyclette Gnome-Rhône 750
cm3 à moteur culbuté; leur conduite est totalement différente de celle
des motocyclettes René-Gillet utilisées pour l'entraînement. Ces
véhicules sont réservés pour les services dits de « grandes missions ».
Ils se sont, en effet, produits dans toute la France et sur toutes les
frontières : Dunkerque, Toulon, Strasbourg, Bordeaux, Cherbourg, Suisse,
Belgique... Quelques incidents de route agrémentent parfois le voyage;
mais, l'enseignement technique faisant partie intégrante de
l'instruction, la victime qui, dans la plupart des cas, se double d'un
excellent mécanicien se dépanne sans difficulté et en est quitte pour
rattraper le peloton à une vitesse qui ferait frémir les profanes.
Et, pour rester dans le domaine sportif, il faut constater que, sous
l'impulsion d'un officier des sports plein d'allant et de moniteurs
compétents, la compagnie s'est jusqu'ici classée avec succès dans les
compétitions sportives de la Région Parisienne. L'ensemble du personnel
est soumis à l'entraînement sportif rationnel prévu par les tableaux de
travail et est le réservoir qui sert à la formation des différentes
équipes qui défendent le fanion de l'unité.
La 1ère C.R.S. n'échappe pas à la loi générale — et curieusement
paradoxale en matière sportive dans nos formations en particulier — qui
veut que ce soient les hommes déjà mûrs qui fournissent les meilleures
performances et se montrent les plus enclins à s'adonner aux exercices
physiques. La 1ère C.R.S. a enlevé le Challenge de Cross Régional et
défend honorablement ses chances dans les différentes compétitions
sportives tant en football qu'en basket-ball. Bientôt, l'athlétisme et
la natation vont reprendre leurs droits et certains éléments ont déjà
commencé à préparer leur condition physique en vue de la saison qui
s'ouvre.
Il ne saurait échapper que
l'activité de la 1ère C.R.S. est limitée, comme dans toutes les autres
unités, aux loisirs que laissent les servitudes extérieures
et les innombrables récupérations de repos qui découlent d'une
conception que certains estiment rationnelle, des horaires de travail.
Un certain optimisme a présidé à l'élaboration de cet article et le
lecteur fera lui-même la part des choses. Il est évident que le problème
d'instruction sur lequel toutes les bonnes volontés se penchent n'est
pas compatible avec le régime de travail et il n'est pas moins évident
qu'il y a, dans l'esprit des pontifes, une confusion au point de ne pas
discerner travail et présence. On touche, dès lors, au problème du
logement qui solutionnerait, par la vie en commun, les difficultés
présentées ci-dessus.. On ne peut, en conséquence, et jusqu'à nouvel
ordre, que faire confiance, dans tous les domaines, à la conscience
professionnelle et au loyalisme à l'égard de la République des cadres et
du personnel animés du seul désir de servir.
M. LAURY.
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