|
|
LE DESARMEMENT DE LA C.R.S. 151 |
|
(Extrait du livre deMaurice Agulhon et Fernand Barrat
"CRS à Marseille" |
|
"De la journée du 13, il ne me reste que le souvenir d'une immense
fatigue, d'une grippe carabinée qui m'a obligé à une grande consommation
de coryphédrine pour pouvoir assurer mon service. |
Ensuite, sans que je puisse me rappeler si c'est dans la nuit du 13 au
14 ou dans la matinée du 14, l'ordre de départ pour Perpignan afin
d'aller relever sur la frontière des Pyrénées, la C.R.S. 112 (si je me
souviens bien). |
Ordonné pour midi, ce départ précipité n'a pu avoir lieu que vers 16
heures. En cours de route et devant l'état de fatigue extrême des
conducteurs, j'ai dû ordonner une halte à la sortie de Montpellier et,
laissant le convoi au commandement du lieutenant Espana, j'ai poursuivi
seul sur Perpignan. A la suite de crevaisons successives, j'y suis
arrivé vers 2 heures du matin en faisant du stop. |
Très bonne réception par le commandant de la C.R.S. 112 qui, devant mon
état d'épuisement, téléphone à sa femme pour me faire préparer un repas
et un lit et m'accompagne à son domicile. |
Au réveil : le journal. Annonce de la dissolution. Sur la route, le
convoi a été informé par la lecture de la presse. Il rejoint Perpignan
sans se presser, puisque aussi bien la relève n'était qu'une comédie, il
n'y avait plus à se faire de soucis pour l'horaire. La durée du séjour ?
je ne sais plus. Le moral des hommes ? Excellent, ce qui permet de ne
pas appliquer avec rigueur la consigne au camp. Je donne quelques
permissions de sortie en ville ... et je fais filer 6 les premiers à
m'avoir demandé cette autorisation. Ils vont tout droit à la préfecture.
Interrogés à leur retour, ils nient être allés faire un rapport aux R.G.
7, mais avouent seulement être allés demander des renseignements sur
leur sort. De toute façon, je tiens là la bonne filière. |
Ensuite, arrivée du commandant régional, porteur de l'ordre de
désarmement. Cérémonie toute simple : ultime prise d'armes, courte
harangue, quelques mots du commandant régional plus ému que nous tous.
Je fais former des faisceaux que nous ne viendrons jamais plus rompre. |
Entre temps, ma femme m'avise par téléphone qu'on me prépare une petite
accusation de détention illégale d'armes, dont un dépôt aurait été
découvert à mon cantonnement des Aygalades. |
Je n'aurai aucun mal à m'en sortir par la suite. |
Au sortir de quatre jours de tension nerveuse et de fatigue physique, le
moral de tous est à la relaxe. Les soucis sont renvoyés à plus tard. On
organise un tournoi de ping-pong. Je tiens une forme éblouissante et je
l'emporte. |
Puis vient l'heure du retour. Ici un détail significatif : ordre de ne
rentrer à Marseille que de nuit. Les autorités craignaient des
manifestations de sympathie de la part des ouvriers marseillais en
grève. |
C'est fini, chacun regagne ses foyers et se met à la recherche d'un
gagne-pain. Je reste à l'organe liquidateur et, pour moi, commence une
nouvelle aventure : à travers la jungle de la procédure." |
|