L'OPPOSITION DES FONCTIONNAIRES DE POLICE

DU SERVICE DES ETRANGERS DE NANCY

A LA RAFLE DU 19.07.1942

 

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Les Allemands eurent vite fait de se rendre compte de l'échec de la première rafle menée à NANCY contre les juifs.

A l'inverse des autres villes de la zone occupée, où depuis la mi-juillet des opérations similaires s'étaient déroulées avec succès.

Le 16 juillet 1942, à PARIS, 13 000 juifs arrêtés, furent parqués dans le "Veld'Hiv", improvisé en vaste camp, première station avant DRANCY, antichambre d'AUSCHWITZ. Certes, des pourchassés réussirent à s'échapper de la nasse funeste - quelque fois avec la complicité de la police française, mais rien n'est comparable avec ce qui s'est passé le 19 juillet 1942 à NANCY.

L'occupant avait en effet demandé au Préfet de Meurthe-et-Moselle qu'il mette à sa disposition des forces de police nécessaires pour arrêter ce jour-là, près de 400 juifs étrangers.

L'ordre préfectoral répercuté à tous les stades, éclata au Service des Etrangers de la rue de la Visitation, comme une bombe. En effet, qui connaissait mieux les victimes que les inspecteurs de ce service ?

Tous ces étrangers venaient depuis longtemps, certains depuis plus de vingt ans, et en permanence, régulariser leurs situations. Pour beaucoup des liens de sympathie s'étaient établis. On se connaissait et souvent on s'appréciait !

"Nous ne pouvions pas supporter de vous voir enregistrés, marqués comme du bétail. Quand nous avons reçu l'ordre de la Préfecture, nous savions que ces arrestations étaient pour vous le commencement de la fin. Il ne fallait plus avoir de sentiments français, ne plus être Lorrain, pour réagir autrement que nous l'avons fait". (Conversation avec Monsieur P. MARIE, en juillet 1982, pour le quarantième anniversaire de ces évènements.)

N'ayant guère plus de vingt quatre heures pour prévenir les éventuelles victimes, les inspecteurs VIGNERON Edouard, MARIE Pierre, LESPINASSE Henri, THIEBAULT Emile, PINOT François, THOURON Charles, BOUY Charles, et d'autres se dispersèrent en ville, prévinrent de nombreuses personnes concernées, mais surtout insistèrent pour qu'à leur tour, cette mise en garde, d'avoir à se cacher soit répercutée à tous les juifs étrangers.

Pour les Allemands, la rafle du 19 juillet 1942 à NANCY, se solda par un échec. Il n'y eut que quelques dizaines de victimes arrêtées. Celles-ci furent victimes des sentiments humains qu'elles prêtaient à l'occupant.

"Ils n'arrêteront jamais les femmes et les enfants, ce sont les hommes qui les intéressent, pour aller travailler à l'Est", pensait M. KRIEGER, peintre en bâtiment, habitant rue Saint Dizier, en face du marché aux fleurs. En cette matinée d'été, caché dans une soupente, il se rendit aux gardes chiourmes, quand il les vit arrêter sa femme et ses trois enfants.

L'aide de la Police ne s'arrêta pas là !

Au lendemain de l'entrée des Allemands à NANCY, des prisonniers de guerre juifs réussirent à s'évader des camps de regroupement, nombreux dans les environs. Ils furent pris en charge par leurs coreligionnaires. A cet effet, une chambre fut louée, rue des Ponts. Les fugitifs y furent cachés, le temps nécessaire pour leur trouver des effets civils et leur procurer des papiers d'identité, grâce à MM. VIGNERON et  MARIE. (Témoignage de M. Ch. HEPNER).

Les juifs de NANCY qui voulurent passer en zone occupée eurent recours aux bons offices du Service des Etrangers, obtenant ainsi des papiers, avec des lieux de naissance se situant de préférence en ALSACE-LORRAINE annexée, ceci pour expliquer leur façon précaire de s'exprimer en français.

Après le 19 juillet 1942 et ceci pendant de nombreuses semaines, les Inspecteurs se rendirent dans les lieux où les fugitifs se cachaient pour leur remettre leurs fausses cartes.

A peu près à cette époque, une famille nancéienne, qui avait réussi à échapper à l'arrestation, munie de ce genre de papiers, fut arrêtée sur la ligne de démarcation par les Allemands. Nous ne connaissons pas les moyens que les tortionnaires employèrent pour leur faire avouer l'origine de leur carte d'identité. M. VIGNERON fut arrêté.

 

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VIGNERON Edouard

Secrétaire Principal de Police Honoraire  - né le 30 octobre 1896 à NANCY.

Décédé le 1er février 1972 à NANCY

Engagé volontaire le 23 août 1914 au titre du 17° Bataillon de Chasseurs à Cheval.

Evacué malade le 17 avril 1917 (privation partielle de la vue suite à gazage).

Classé Service Auxiliaire par la Commission de Réforme le 30 avril 1917.

Passé au 2ème Groupe d'Aviation le 24 avril 1918. Démobilisé le 22 mars 1919.

Affecté à la Police Municipale de NANCY le 1er octobre 1922.

Nommé Secrétaire, à la suite d'un concours interne, le 1er octobre 1924.

Secrétaire Principal le 1er avril 1939.

Nommé Chef du Service des Etrangers en septembre 1940.

Arrêté par la Gestapo le 19 août 1942 pour avoir facilité le passage illicite de la Ligne de démarcation en établissant des cartes d'identité à des juifs sans y apposer la mention spéciale.

Emprisonné 3 mois à la Maison d'Arrêt de NANCY. Libéré le 27 novembre 1942.

Admis à la retraite le 5 septembre 1942, retraite qu'il a dû solliciter pour raisons de santé et d'afin d'éviter la révocation exigée par les autorités allemandes.

Arrêté une seconde fois par la Gestapo le 10 mai 1943. Transféré à PARIS. Emprisonné 3 mois à FRESNES pour avoir établi une fausse carte d'identité à un Français, agent d'un service de renseignements.

Reclassé, le 6 décembre 1944, dans la Police Régionale d'Etat, en qualité de Secrétaire de Classe Exceptionnelle, avec effet rétroactif au 1er mai 1942.

Admis à faire valoir ses droits à la retraite le 30 octobre 1951.

 

DECORATIONS - RECOMPENSES

.    Médaille Commémorative (1914/1918)

.    Médaille de la Victoire (1914/1918)

.    Médaille d'Honneur de la Police (1938)

.    Médaille de la Reconnaissance Anglaise (1945)

.    Palmes d'Officier d'Académie (1950). Chevalier de la Légion d'Honneur (1951)

 

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MARIE Pierre
Officier de Police Adjoint Honoraire
né le 17 décembre 1907 à LANEUVEVILLE-DEVANT-NANCY

Entré dans la Police le 1er août 1930 à NANCY, en qualité de Gardien de la Paix.

Nommé Secrétaire le 1er août 1933. Affecté au Service des Etrangers du Commissariat. Reclassé Officier de Police Adjoint le 1er avril 1953.

Nommé Responsable du Secrétariat Central. Admis à faire valoir ses droits à la retraite le 17 décembre 1962.

DECORATIONS - RECOMPENSES

.    Médaille Militaire.

.    Croix de Guerre

.    Croix du Combattant Volontaire de la Résistance.

.    Croix du Combattant.

.   Médaille d'Honneur de la Police (1949)

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TEMOIGNAGE

Je soussigné, HERZBERG Léon, né le 27 avril 1928 à NANCY, demeurant 18 rue Haute à DOMMARTEMONT (54130), Docteur en Chirurgie Dentaire, Docteur en Sciences Odontologiques, Chevalier de l'Ordre du Mérite National, affirme, sur l'honneur, ce qui suit :

En mai ou juin 1942 (je ne me souviens pas de la date précise) M. Pierre MARIE m'interpelle, un matin, à la sortie du Lycée Henri Poincaré, au coin de la rue Chanzy et de la rue Poincaré. Voyant que j'étais inquiet (mon père était interné depuis 1941 par les Allemands) il s'empressa de me rassurer. Puis il sortit de sa poche un paquet de cartes d'identité, en retira deux qu'il avait triées et me les donna pour ma mère, en me recommandant de ne pas les perdre. Il prit le temps d'attendre que je les range dans mon sac de classe, puis il partit. La rencontre avait duré 2 minutes à peine et j'avais dans mon cartable deux fausses cartes d'identité parfaitement en règle pour ma mère et ma grand'mère, l'une au nom de HERBERT, l'autre au nom de SCHONMANN, toutes deux nées en Alsace, ce qui pouvait expliquer l'accent étranger de mes aïeux.

Ma grand'mère n'a pas échappé à AUSCHWITZ, mais, c'est sans doute grâce à cette carte "HERBERT" si simplement obtenue que ma mère, mon frère et moi-même sommes restés les seuls survivants d'une nombreuse famille.

DOMMARTEMONT, le 30 novembre 1988

Léon HERZBERG

 

TEMOIGNAGE

 

Alors que des faussaires mal intentionnés essaient de remodeler l'histoire à leur manière, il est bon de remettre les pendules à l'heure et de se souvenir de ceux qui, en des périodes d'exception, en des temps troublés ont fait preuve d'humanité. Il est nécessaire de savoir que des Français, au péril de leur liberté et de leur vie, ont contribué à sauver d'autres Français, juifs ceux-là.

Edouard VIGNERON, Pierre MARIE et Charles BOUY en font partie.

Dans ma mémoire, cette période est indiciblement liée à Edouard VIGNERON qui avait pris mon père, ma mère, l'enfant d'une dizaine d'années que j'étais alors sous son aile protectrice. "Je ne fais que mettre en pratique les vertus de la Chrétienté et de l'amour du prochain ..." a-t-il précisé un jour.

Edouard VIGNERON et Pierre MARIE ont continuellement convoyé mon père, muni de faux papiers fournis par eux, à travers la France déchirée et bouleversée de l'époque.

Ce sont eux qui prévenaient mon père (et d'autres) de l'imminence des rafles anti-juives. De plus, je me souviens d'une minuscule pièce mansar­dée, éclairée d'une unique petite fenêtre à crémaillère, 4 rue Braconnot, non loin de l'école que je fréquentais alors, chez une connaissance (Alice MAZENOUX) d'Edouard VIGNERON.

Je me souviens aussi d'une "planque" rue de la Colline chez un autre Inspecteur : BOUY Charles. Nous attendions là que s'apaisent les ardeurs des Allemands, de la Gestapo et des forces de répression. Ce sont eux, aussi, qui ont accompagné mon père à notre petit studio parisien sur lequel les Allemands avaient apposé les scellés, afin de récupérer, en passant par la fenêtre, quelques malheureux effets et objets de première nécessité.

Arrêté à la Prison Charles III (avant d'être expédié à la Prison de FRESNES) Edouard VIGNERON recevait la visite de mes parents avec lesquels il conversait à travers les grillages du parloir. Par quel miracle et par quelle ingéniosité lui faisaient-ils parvenir des colis à Charles III ou à FRESNES ?

Mais, pour moi, jeune enfant, "M. Edouard" était très fortement lié à ma vie intime. Gare à moi, si mes résultats scolaires n'étaient pas conformes à ce qu'il attendait. Je craignais plus ses foudres que les remontrances : "tu ne te rends par compte de ce que ton père fait pour toi en ce moment ?" "Rends lui la tâche plus facile par tes résultats". Se rendait-il vraiment compte de ce qu'il faisait, lui, pour nous ?

Mon père et lui ont été liés bien longtemps encore après la guerre. Pratiquement jusqu'à la mort de M. Edouard.

C'est à lui que je dois de pouvoir témoigner aujourd'hui. C'est grâce à lui et à ses pairs que je n'ai pas rejoint, autrefois, mes frères d'alors dans des wagons plombés.

C'est grâce à lui que je vis.

Aussi que Dieu, auquel il croyait tant, le garde à ses côtés parmi les Justes.

Maurice QUENET. NANCY

Docteur en Chirurgie Dentaire.

 Docteur en Sciences Odontologique

 

 

TEMOIGNAGE

M. SCORIN Jérôme, né le 20 avril 1924 à ZAGOROW (Pologne).

1er décembre 1940 : interné avec mes parents et un jeune frère au Camp de "La Lande" à MONTS (Indre et Loire), près de TOURS.

Fin octobre 1941 : évadé du camp, je reviens à NANCY, démuni de pièces d'identité ; je me rends au Bureau des Etrangers, rue de la Visitation à NANCY.

Je m'adresse à MM. VIGNERON et MARIE et leur fait part de ma situation. 24 heures après, ils m'ont remis les papiers d'identité nécessaires.

En juillet 1942, 2 jours avant la grande rafle du 19, par l'intermédiaire d'un collègue, M. Pierre MARIE m'a convoqué à son bureau et m'a remis une fausse carte d'identité au nom de HIEBEL Hubert, né à METZ.

Il m'a enjoint à quitter NANCY pour la zone libre.

Grace à ces gens exceptionnels, j'ai échappé à la grande rafle.

Jérôme SCORIN

38, rue Lothaire II 54000 NANCY

 

TEMOIGNAGE

Janvier 1941 : MM. VIGNERON et MARIE, du Bureau des Etrangers à NANCY, me remettent ma première fausse carte d'identité. Ainsi, j'ai pu quitter NANCY et rendre visite à mes parents et mes frères qui étaient internés au Camp de "La Lande" à MONTS, près de TOURS.

18 juillet 1942 : un Inspecteur du Bureau des Etrangers m'informe que je dois me rendre, sans tarder, au bureau. Là, MM. VIGNERON et MARIE me préviennent qu'une rafle aura lieu le lendemain matin et que j'avise sans tarder mes coreligionnaires du danger à rester à leur domicile.

Quelques jours après, M. MARIE me contacte et me remet des fausses cartes d'identité à donner à des familles juives qui ont échappé à la rafle.

J'affirme que MM. VIGNERON et MARIE ainsi que tout le Service du Bureau des Etrangers ont sauvé la vie à des nombreux hommes, femmes et enfants juifs.

Régine VACUBERT née SKORKA

198, avenue du Général Leclerc 54000 NANCY

TEMOIGNAGE

La famille RUBY composée de 6 personnes, dont 3 enfants en bas-âge et un grand père âgé, habitait à VANDOEUVRE.

Le 18 juillet 1942, M. MARIE les fait prévenir par un ami qu'une rafle aurait lieu dans le courant de la nuit et qu'ils ne devaient absolument pas dormir chez eux. De plus, il leur demande d'alerter, à leur tour, tous les coreligionnaires qu'ils connaissent.

Les membres de cette famille se sont alors réfugiés dans une maison voisine, où ils avaient une pièce en location. Ils sont restés cachés là durant plusieurs semaines, avec l'aide de leurs voisins. Par la suite, ils ont pu passer clandestinement en zone libre.

Ainsi, c'est grâce à l'énergie et au courage extraordinaire de M. MARIE, à son refus de la résignation, mais aussi à la rapidité avec laquelle il a mis en place toute une chaîne de solidarité, que la famille RUBY, parmi d'autres, a pu échapper à la grande rafle du 19 juillet 1942, première étape vers l'anéantissement de milliers de juifs de France, hommes, femmes et enfants victimes de la barbarie nazie.

Madame veuve Marthe RIBERT

33, rue Gustave Simon54000 NANCY

TEMOIGNAGE

Je m'appelle Henri KRISCHER, je suis arrivé en France, à NANCY, à l'âge de trois ans, en 1923.

Etranger, j'ai été longtemps assujetti aux tracasseries administratives et souvent en contact avec le Service des Etrangers, de la rue de la Visitation.

Au début, en y accompagnant mes parents, plus tard, en leur servant de traducteur et à l'âge de 15 ans, devant moi-même me plier à ces règles administratives qui donnaient à l'immigré le droit de vivre dans ce pays.

Les Inspecteur du service m'étaient donc connus, particulièrement MM. VIGNERON, MARIE et BOUY.

Dès le début de 1941, je savais que ceux-ci et leurs collègues fournissaient à ceux de mes coreligionnaires qui voulaient rejoindre la zone non occupée, des cartes d'identité de français.

Passionné de vie en plein air et de plus ne supportant pas ce carcan dans lequel j'étais enserré, ici, en ville, je vivais de plus en plus dans les Vosges. Je n'avais rien trouvé de mieux que de parcourir les sentiers, sac au dos, allant d'auberge de jeunesse en refuge, ou campant dans la nature, j'avais ainsi le sentiment de retrouver ma liberté.

Or donc, ce matin-là, nous devions être vers le 20 juillet 1942, je revenais des Vosges avec mon frère, Gaston WAYS, âgé à l'époque de 14 ans. A peine avions-nous franchi le portillon de l'arrivée de la gare de NANCY que deux Inspecteurs se présentèrent à nous, déclinant leur qualité. Ils nous apprirent que la veille les Allemands avaient arrêté des juifs étrangers, que mes parents et moi-même figurions sur la liste des personnes à appréhender (mon frère était Français). Ils calmèrent notre inquiétude en nous apprenant que nos parents avaient trouvé refuge chez M. MOUTON qui tenait au bout de la rue Saint Nicolas, une boucherie chevaline. Une vieille amitié liait mon père à M. MOUTON.

Accompagnés des deux Inspecteurs, nous eûmes vite fait de rejoindre les nôtres J'apprenais le déroulement de cette journée du 19 juillet. La part prise par la Police pour prévenir tous ces malheureux, la solidarité dont firent preuve tant de nancéiens. Ce refuge ne pouvait être que momentané, et il fût convenu que Gaston et moi, nous partirions en premier rejoindre un oncle qui se trouvait déjà en zone dite libre, et que quelques temps plus tard, mes parents nous rejoindraient. Guère plus de 48 heures plus tard, les mêmes Inspecteurs, qui nous avaient réceptionnés à la gare, nous y ramenaient. Nous étions trois, Marco ABBRIATA s'était joint à nous. Avant de nous conduire au train, en partance pour DIJON, de nous souhaiter bonne route, les deux fonctionnaires nous remirent à chacun une carte d'identité de français, papier qui me servit durant toute la guerre et me sauva plus d'une fois, de situations les plus dramatiques.

A la veille de leur départ, mes parents furent, eux-aussi, pourvus de papiers d'identité qui leur permirent d'arriver à LIMOGES sans encombre.

Henri KRISCHER, né le 13 juillet 1920
Retraité, demeurant à NANCY, 5 rue F. Chopin

 

TEMOIGNAGE

Je soussignée, KOBRYNIEC Nicole épouse LIPPMANN, née le 6 octobre 1934 à NANCY, demeurant 6 Place de Luxembourg à NANCY, exerçant la profession de psychologue scolaire et mère de trois enfants, déclare que ma famille et moi-même avons pu être sauvés de la déportation grâce à l'aide de MM. MARIE et VIGNERON, Inspecteurs de Police au Bureau du Service des Etrangers.

Mon père, Pierre KOBRYNIEC (décédé le 6 juin 1976) était passé en zone libre depuis quelques jours en juin 1942. (Pierre KOBRYNIEC était prisonnier de guerre, libéré pour cause de maladie grave).

Nous habitions, ma mère, Annette KOBRYNIEC (décédée le 8 mai 1973) et moi chez ma tante Ginette KOBRYNIEC, 7 rue du Pont Mouja à NANCY. J'avais terminé la classe de 10ème (CE1) au Lycée Jeanne d'Arc. Et le 15 juillet, prévenues par des policiers envoyés par MM. MARIE et VIGNERON qu'une rafle aura lieu le lendemain, ma mère et ma tante Ginette emmenèrent mes grands parents Jacob et Hélène SIERPINSKI et moi-même.

Nous avons alors passé une nuit chez M. et Mme REBOIS. Ensuite nous avons pris le train en direction de DOLE où nous avons passé la ligne de démarcation et retrouvé mon père à DECINES (Isère) près de LYON.

Mes parents ont revu M. MARIE après la libération et il fut invité à mon mariage le 7 juillet 1957.

 

TEMOIGNAGE

Je m'appelle ICOVIC Jacques, je suis né le 8 septembre 1924 à KUTNO en Pologne. Mes parents sont arrivés en France à PARIS en 1928, nous nous sommes installés à NANCY en 1934.

Mes parents étant étrangers, il leur arrivait souvent d'avoir à faire à MM. VIGNERON, MARIE, PINOT pour régulariser leurs papiers. Petit à petit, il s'ensuivit des relations empreintes de sympathie, sentiments renforcés au lendemain de l'occupation de NANCY par les Allemands.

A la veille des grandes rafles du 19 juillet 1942, VIGNERON et MARIE ont prévenu mon père d'avoir, lui et les siens, à se cacher.

Nous sommes encore restés quelques jours, en sécurité, chez des amis ; et c'est dispersés que nous avons essayé de passer la ligne de démarcation.

VIGNERON et MARIE m'avaient établi une carte d'identité de Français au nom de BERNHARDT Jacques.

Hélas, j'ai été arrêté sur la ligne de démarcation à MONTCHANIN. Après un mois de prison, mes papiers ayant résisté à toutes vérifications, j'ai été relâché. Je suis remonté à NANCY, j'ai été hébergé au Château d'EULMONT (le fils de l'établissement était un ami d'école). Après quelques temps, je suis réparti rejoindre mes parents à LYON.

 

Jacques ICOVIC

4 rue St. Thierry VANDOEUVRE