Extrait du Livre de Guy Bousquet "René Bousquet cet inconnu. L'homme et Vichy" |
Vous pourrez trouver à cette adresse : http://www.rene-bousquet.com l'intégralité du livre avec les pièces annexées... |
CHAPITRE III
LA CREATION DE FORCES PARAMILITAIRES
II convient de mettre en relief, à travers les
questions liées au maintien de l'ordre, l'effort et les résultats
obtenus par René Bousquet dans le domaine paramilitaire. Il a pu, en
effet, reconstituer à travers notamment les G.M.R. et la Garde de
véritables forces militaires dotées d'un armement leur permettant
d'assurer routes missions d'intérêt national.
Les déclarations
de René Bousquet.
René Bousquet a indiqué les phases essentielles de son
action le 17 octobre 1945 dans un de ses premiers interrogatoires : " Je
vais résumer maintenant mon
activité dans un domaine qui ne peut manquer de retenir l'attention de
l'instruction. C'est l'effort accompli sous mon entière responsabilité
et les résultats obtenus pour donner aux services placés sous mon
autorité l'organisation correspondant aux besoins d'un pays désarmé.
Comment l'ai-je fait ?
I° Par l'incorporation massive, malgré
l'interdiction allemande, dans les G.M.R, la Garde et la Sécurité
publique de plusieurs milliers d'officiers et de sous-officiers ainsi
que la plupart des élèves de nos anciennes écoles militaires.
2° Par la création d'une direction des G.M.R.,
direction
spécifiquement militaire comportant à l'échelon régional tous les
organes d'état-major de commandement et de liaison.
3° Par la
réorganisation sur un plan strictement militaire de la Garde
à
laquelle j'ai rendu sa structure d'avant guerre et sa
mission d'encadrement en cas de mobilisation.
4° Par
l'armement et l'équipement de ces formations grâce à des achats
clandestins.
5° Par la création de stocks de réserve de
matériels importants.
6° Par un
entraînement strictement militaire donné à ces nouvelles formations
notamment au camp de Laplan.
7° Par la création et l'organisation sur un
plan paramilitaire des Ecoles nationales et régionales de police.
J'ai assumé cette tâche à mes risques et
périls sous une surveillance allemande attentive et inquiète. J'ai dû me
débattre au milieu de difficultés sans cesse renouvelées, pour éviter la
dissolution de ces formations paramilitaires qui jouèrent un rôle
important au moment de la libération du territoire. "
René
Bousquet, interrogé à nouveau sur ce sujet, le 30 juillet 1948,
précisera
:
" Lorsque j'ai été nommé à l'Intérieur, j'ai eu un triple dessein
:
- mettre au service de la France une
administration rétablie dans ses traditions républicaines et apte, par
des réformes de structure, à remplir toutes ses obligations futures ;
- créer et
maintenir à l'abri du ministère de l'Intérieur des forces militaires
susceptibles de défendre au moment de la Libération les intérêts de la
France et permettant au gouvernement français, quel qu'il soit, de mieux
faim entendre sa vois ;
- sauvegarder
et créer les moyens matériels et techniques qui pourraient permettre à
la Nation momentanément désarmée, de reprendre sa place au combat
d'abord et dans la vie internationale ensuite.
J'ai créé au ministère de l'Intérieur des
forces paramilitaires d'un effectif supérieur à 25 000 hommes de cadres,
ce qui permettait la mise sur pied, presque instantanée, d'une armée de
250 000 hommes. "
Il ajoutera, notamment, concernant la direction des G.M.R.
: " Cette direction ne fut confiée qu'à des militaires et généralement à
des officiers brevetés. Aucun fonctionnaire civil ne leur fut adjoint.
La direction relevait directement de mon autorité et elle ne devait
s'occuper que des questions intéressant l'organisation générale,
l'instruction militaire, l'équipement, l'armement et le recrutement des
groupes existants ou de ceux qui allaient être créés.
Successivement des mesures furent prises dont
l'application était entièrement réalisée en décembre 1943 : "
Regroupement des effectifs en fonction de leur spécialité en réunissant
autant que possible dans un même groupe les officiers, sous-officiers et
hommes ayant appartenu à un même régiment ; création dans chaque région
d'un commandement régional dirigé par un commandant jouant le rôle d'un
véritable chef de corps ; augmentation du nombre des gradés à
l'intérieur de chaque groupe 1 amélioration de la valeur de
l'encadrement ; création au sein de chaque groupe d'écoles de
perfectionnement ; stage de 6 mois pour les jeunes recrues dans des
pelotons avant d'être versés dans les groupes ; enseignement militaire
etc. "
Au sujet de la Garde, il indiquera : " La
Garde composée de 6000 hommes, tous officiers et sous-officiers avait
été imprudemment incorporée dans l'armée d'armistice, Elle devait donc
être dissoute en même temps qu'elle. Je suis cependant parvenu à en
sauvegarder l'existence par une décision allemande qui est du mois de
décembre 1942. Elle fut rattachée au ministère de l'Intérieur— Comme
pour les GMR, on va assister à partir de cette date à un renforcement de
l'organisation militaire, à un rétablissement des manœuvres en campagne,
à une amélioration du recrutement, à l'incorporation d'officiers
qualifiés et à l'organisation de régiments entièrement motorisés. "
René Bousquet, interrogé, le 16 octobre 1945,
dans le cadre d'une procédure annexe, à propos du Service technique du
Maintien de l'ordre (STMO) indiqua comment celui-ci complétait
l'organisation de défense : " Le S.T.M.O. a été officiellement créé au
moment de la dissolution de l'armée d'armistice pour servir de liaison
avec ce qu'il restait du ministère de la Guerre et pour participer à
l'organisation des forces paramilitaires
au sein du ministère de l'Intérieur. Le titre
qui avait été donné à ce service n'était destiné qu'à détourner les
soupçons des autorités allemandes. Le S.T.M.O. n'était, en fait, pas
autre chose qu'un état-major militaire ayant très exactement les
attributions que détient un état-major dans une organisation militaire.
« René Bousquet avait fixé à chacun sa ligne de conduite. Son message
d'adieu adressé le 31 décembre 1943 aux G.M.R. est révélateurs « Pendant
de longs mois, nous avons travaillé ensemble pour mettre au service du
pays des forces nouvelles et ardentes dont l'unique souci serait, en
toutes circonstances, de mettre leur dévouement et leur courage au
service de la Patrie. Les événements ne me permettent pas, comme je
l'eusse souhaité de dire à vos collaborateurs, aux commandants
régionaux, aux officiers et aux hommes, la gratitude personnelle que je
leur garde pour tout le réconfort que m'ont donné, en toutes
circonstances, leur loyauté et leur courage.
Les preuves à
l'appui.
Les témoignages des chefs militaires confirment les
instructions données et les résultats obtenus. René Bousquet confia la
direction des G.M.R au général Pierre Labarthe officier de carrière au
passé magnifique (12 fois cité au cours des guerres 1914-1918, de la
campagne de Syrie et de la guerre 1939-1940). Voici ce qu'a déclaré ce
général le 22 août 1945 « En
novembre 1942, alors que M. Bousquet était secrétaire général à la
police, les Allemands occupent la zone sud de la France et exigent la
dissolution de l'armée. M. Bousquet en accord complet avec le
département de la Guerre va se servir de l'organisation des G.M.R. pour
recueillir le plus grand nombre d'officiers, de sous-officiers, de
militaires de carrière, leur permettre de conserver et de perfectionner
leurs qualités professionnelles et d'être à même d'apporter une aide
efficace à la libération de leur pays, le moment venu. Pour réaliser ce
projet. M. Bousquet crée en avril 1943 une direction des G.M.R.,
direction technique dont je suis placé à la tête. Entouré uniquement
d'officiers pour la plupart brevetés d'état-major, j'ai reçu pour
mission de faire des G.M.R. de véritables unités militaires à l'insu de
l'occupant. Je savais que M. Bousquet n'a jamais pensé à lutter contre
le maquis. En imposant la police française et en écartant la police
allemande, M. Bousquet a évité des milliers de
victimes. Par ailleurs, il s'est toujours opposé à une collusion
quelconque encre ces polices, et a donné des ordres formels pour qu'en
aucun cas, un otage puisse être livré aux Allemands.
Le
patriotisme de M. Bousquet est un patriotisme élevé. Jeune, ardent,
dynamique, il met le meilleur de lui-même au service de son pays. M.
Bousquet collaborationniste ? Jamais cette pensée n'est venue à aucun de
nous ; rien dans ses actes ; rien dans ses paroles n'a jamais pu
autoriser une pareille supposition. L'occupant a toujours trouvé en lui
un adversaire âpre et énergique, qu'il a fini par écarter, fin 1943 et
en l'arrêtant peu après. "
René Bousquet confia la direction de la Garde
au général Jean Perré, officier prestigieux. Entendu le 23 janvier 1946,
il confirme en tous points les déclarations de René Bousquet et
indirectement celles du général Labarthe : " Après l'armistice du 25
juin 1940, les éléments de la Garde mobile se trouvant en zone Sud
furent séparés complètement de la gendarmerie dont ils relevaient
précédemment, réorganisés sous le nom de Garde et rattachés à l'armée de
l'armistice. Dès mon entrée en fonction, je rédigeais un plan général
d'action que je soumis à l'agrément de M. Bousquet et que celui-ci
approuva entièrement. Dans l'exécution M. Bousquet, toujours tenu au
courant de mes objectifs comme de mes arrière-pensées, me laissa agir en
toute liberté, négociant avec les Allemands pour obtenir d'eux les
concessions nécessaires et couvrir mon action contre leur méfiance
toujours en éveil. En huit mois de travail commun, nous avons obtenu les
résultats suivants : nombre des officiers porté de 170 à 240 ;
incorporation de plusieurs centaines de jeunes ; création d'une école de
la Garde formant 40 officiers par an, préparant à l'emploi de chef de
peloton, 120 gardes tous les 6 mois ; faisait l'instruction de 300
jeunes tous les six mois. L'instruction donnée à l'Ecole était
exclusivement militaire et les programmes démarqués de ceux de Saint Cyr
et de Saumur... J'étais parfaitement au courant des conceptions et
intentions de René Bousquet tant par des conversations particulières que
par les allocutions prononcées devant moi lors de nos inspections en
commun, que par les comptes-rendus de mes subordonnés qui recevaient ses
instructions. Celles-ci peuvent se résumer de la manière suivante :
donner le change aux Allemands en
luttant contre les groupes suspects qui, en
marge du maquis, se livraient à des actes de brigandage mais éviter
toute rencontre avec les formations militairement organisées. Je dois
d'ailleurs dire que M. Bousquet, lorsqu'il parlait devant mes officiers
du rôle de la Garde comme troupe de maintien de l'ordre et comme noyau
d'une future armée, s'exprimait avec une telle netteté qu'elle me parut
parfois imprudente et que je lui en fis, un jour, la remarque. Je dois
aussi ajouter que M. Bousquet poursuivait la militarisation des groupes
mobiles de réserve dans le but d'en faire aussi un noyau de
reconstitution de l'armée, qu'il avait donné, dans ce sens, des
instructions très nettes au général Labarthe, directeur des G.M.R., et
lui avait, en particulier, conseillé de démarquer, pour la formation
militaire de ses troupes, ce que je faisais dans la Garde. Ce que
d'ailleurs le général Labarthe ne manqua pas de faire. "
René Bousquet mit à la tête du S.T.M.O. le colonel Charles Dupuy, ancien
officier au cabinet d'Edouard Daladier, qui était en outre en rapport
étroit avec le général Revers, lui-même, résistant important. Le colonel
Dupuy, interrogé le 22 août 1945 " sur l'action de M. Bousquet pour
suppléer par la création de forces paramilitaires à la suppression de
l'armée " confirme globalement l'ensemble des faits et déclarations : "
M. Bousquet a continué et développé cette politique. Il s'agit d'une
part de garder le plus grand nombre possible de militaires pour la
reprise éventuelle des hostilités et éviter leur déportation, d'autre
part d'éviter la livraison aux Allemands de tout le matériel de l'armée
d'armistice dissoute (le matériel déjà camouflé depuis 1940 restait
évidemment dans ses cachettes)... Cette politique a réussi puisqu'au
départ de M. Bousquet les G.M.R. étaient des unités excellentes (où de
nombreux sous-officiers rengagés servaient comme simples gardiens) qui
avaient un armement en armes automatiques égal et parfois supérieur aux
compagnies d'infanterie de l'armée d'armistice. La Garde était demeurée
une excellente troupe dont l'armement avait été complété et le
recrutement amélioré (notamment par l'incorporation de nombreux jeunes
saint-cyriens ou candidats
à
Saint-Cyr). Une grande partie du matériel de l'armée d'armistice
dissoute (vêtements, équipements, armes,
camions, munitions, vivres de l'intendance) au lieu d'être livrée aux
Allemands avait servi à équiper les G.M.R. et la Garde ou avait
constitué des magasins de réserve qui ont été plus tard livrés â la
Résistance. L'ensemble de ces troupes (G.M.R. et Garde) d'un effectif
voisin
de deux divisions pouvait aussi bien constituer une petite armée agissant
comme avant-garde d'une armée de débarquement ou servir à encadrer des
réservistes ou des volontaires au nombre de
120
à
150 000. Cette action a été menée à
bon terme malgré la défiance des Allemands
(qui à la fin contrôlaient ces forces absolument comme ils contrôlaient
auparavant l'armée d'armistice) grâce à l'habile activité de
M.
Bousquet qui n'hésitait pas à couvrir de son autorité des
dissimulations d'armes non autorisées et détenues clandestinement par
les G.M.R."
D'autres témoignages convergent tels ceux du général
Blois, ancien commandant de la première brigade de la
Garde : " Il est exact que M. Bousquet,
en me donnant des consignes verbales relatives
à la mission qui m'était confiée
à
Limoges, m'a précisé, en
présence
du préfet
régional, que
les troupes du maintien
de l'ordre
devaient s'abstenir d'entrer en conflit avec les éléments
de l'armée secrète qui ne troublait pas l'ordre public et que ma
véritable mission était
de ramener le calme
dans cette
région
et de mettre un frein si possible aux attentats contre les personnes et
contre les biens, étant entendu qu'il n'y avait, en dehors de Limoges,
aucune troupe allemande dans la région. "
Le commandant Boudon, ex-commandant de G.M.R.,
relate dans une lettre
du 12
novembre 1945, les instructions données par René Bousquet au téléphone à
un préfet : «A la suite de la démobilisation de l'armée, il m'a été
proposé, au titre de reclassement, d'intégrer les groupes mobiles de
réserve... Je n'ai
pu
naturellement qu'enregistrer les réponses, puisque
présent dans le bureau. C'est ainsi que M.
Bousquet répondit les phrases suivantes, exactement précises dans ma
mémoire "M. le préfet, je comprends votre inquiétude, surtout due aux
menaces dont vous êtes l'objet de la part des autorités occupantes....
surtout
M.
le préfet, pas
de sang, car ce sont
des Français qui
sont devant nous et pour cela, j'insiste encore une fois
particulièrement". En ce qui me concerne,
toute aversion a été immédiatement détruite en moi envers la police et
j'ai compris que M. Bousquet était un chef digne d'être suivi dans la
terrible période d'alors. »
Il indique également quelle a été la réaction
de son groupe, lorsque celui-ci a appris le remplacement de René
Bousquet par Joseph Darnand. « Aux camarades assis près de moi, je fis
part de mon inquiétude et je leur demandai s'ils n'étaient pas d'avis de
quitter immédiatement la police et éventuellement s'il n'y avait pas
lieu de gagner le maquis. Je reconnais que mes camarades Megy et de
Fontaine-Vive furent de mon avis. J'ajoutai alors, à titre de
plaisanterie que puisqu'il fallait un préfet au maquis, M. Andrieu était
tout naturellement désigné. A ce montent, M. Andrieu nous fit savoir
qu'il ne croyait pas outrepasser son pouvoir et être l'interprète de son
chef M. Bousquet, en nous assurant, le cas échéant, de toute sa
sympathie et de tout son dévouement, s'il fallait arriver à cette
solution. »
Roger Lefebvre (ou Roger Vincent), chef de la
direction du personnel à la sûreté nationale atteste :" je crois devoir
ajouter qu'en ce qui concerne le STO, l'activité de René Bousquet a été
considérable. Il a, en effet, par son action personnelle obtenu que des
quantités de jeunes gens échappent au S.T.O. en restant dans les G.M.R,
les gardiens de la paix, la Garde mobile, la Garde des voies de
communication etc. " (cf. A.N.R.B.H.C. cote 1154)
Le colonel René Marty, directeur du cabinet de Bousquet à Vichy, déclare
également : « Le colonel Dupuy, ancien officier du cabinet de Daladier
était en rapport constant avec le général Revers. Le S.T.M.O. était une
direction d'armes, dont le rôle principal était d'être l'amorce d'un
futur grand état-major. Il ne comptait que des officiers brevetés.
Pratiquement, il faisait office de 3° bureau, mettant sur leurs demandes
à la disposition des préfets les troupes nécessaires au maintien de
l'ordre et veillant à leur acheminement. "
L'activité
policière des G.M.R. et de la Garde en 1942 et 1943.
L'ouvrage de référence sur les G.M.R. est celui d'Alain
Pinel "Une Police de Vichy, le groupes mobiles de réserve". Il porte un
jugement d'ensemble sur toute la période 1941-1944, une importante
documentation à l'appui.
Notons que l'auteur ne peut être suspect de
sympathie à l'égard de René Bousquet. Il conteste dans son livre que le
secrétaire général ait pu avoir le souci de reconstituer réellement des
forces militaires. Quant aux G.M.R, ils sont pour Alain Pinel « une
régression dont la logique résidait dans une volonté de rupture par
rapport aux principes et aux valeurs de la III° République ».
Main Pinel cite, avant 1944, dix cas d'intervention contre le maquis, tous postérieurs au 1° juin
1943. Dans la moitié des cas, il s'agit d'opérations montées par les maquis (l'attaque contre un train de G.M.R, le 14 décembre 1943 en
Corrèze ; L'attaque d'un poste avec prise des armes et des uniformes, le
9 octobre 1943 dans le Puy-de-Dôme ; le sabotage d'un car en Haute-Vienne) et/ou qui n'ont eu aucune conséquence pour la Résistance (opérations du 15 juin 1943 en
Corrèze sans aucun bilan ; opérations du 22 novembre 1943 en Corrèze au
cours de laquelle un G.M.R. a été tué).
Sur les cinq autres opérations, deux se sont
traduites par des arrestations. Le 10 juin 1943, l'intervention des
G.M.R. aura entraîné à Arlanc l'arrestation de dix personnes cachées
dans un cimetière, puis traduites en justice. Le 15 novembre 1943, dans
l'Allier, une opération aurait été menée de front par des
G.M.R., des miliciens et des inspecteurs des Brigades spéciales, ce qui
est peu vraisemblable. Trois prisonniers auraient été faits et traduits
devant la cour spéciale de Riom»
Trois accrochages ont entraîné mort d'hommes. Le 28 août 1945 à Chabanne dans l'Allier. Bilan : 3 morts et 27 blessés policiers ; 2
blessés et 6 prisonniers maquisards. Cela ressemble plus à une embuscade
qu'à une opération menée contre la Résistance.
Le 29 novembre 1943 à Saulgond en Charente,
une garnison G.M.R. est attaquée par les maquisards 3 G.M.R. tués, 3
blessés, 24 prisonniers parmi les forces de l'ordre.
Le 30 décembre 1943 à Nantua dans l'Ain, un
nouvel accrochage cause la mort de 3 G.M.R. et, pour la première fois,
de 2 résistants.
Alain Pinel souligne, pour ce qui est des
autres opérations de police, les instructions données et répétées par
René Bousquet. Ce dernier ne voulait pas que les G.M.R. soient mis à la
disposition des commissariats centraux pour des services de voie
publique, ou pour des missions de surveillance. Les G.M.R. devaient
normalement être employés par les préfets uniquement par unités
constituées pour assurer le maintien de l'ordre. Ils ne devaient pas
former une réserve de personnel pour assurer les services divers de
police dans des villes où ces groupes étaient stationnés. Certains G.M.
R. ont même été dispensés, selon Alain Pinel, de toutes activités sur le
terrain au profit de leur instruction (entraînement physique ;
instructions de tir ; instructions en vue du combat) pendant trois mois
du 15 mai au 15 juillet 1943.
Alain Pinel estime, cependant, sans le
prouver, que les G.M.R. sont intervenus pour exécuter les rafles
anti-juives de la zone libre durant l'été 1942 et pour poursuivre les
réfractaires.
René Bousquet s'est expliqué au plan général :
« J'ai dû de façon incessante lutter contre la tendance qui voulait
faire considérer comme des forces de police des unités que je voulais
personnellement transformer peu à peu en forces militaires. Il est
certain qu'il fallait de temps à autre que les préfets les utilisent,
afin de ne pas donner l'éveil aux autorités allemandes, qui
considéraient avec défiance ces formations appelées par eux " groupes
fermés ".... Ce n'est pas seulement le 18 mars 1943 que je suis
intervenu auprès des préfets mais de multiples fois à partir du 11
novembre 1942. Dans le deuxième semestre de 1943 j'avais même envisagé
que ces forces paramilitaires échappent totalement au contrôle des
préfets afin de mettre fin une fois pour toutes aux abus que je
constatais, mais que ni la loi ni mes pouvoirs ne me donnaient la
possibilité de faire cesser. "
Les G.M.R. et la Garde ne sont intervenues dans les
opérations
menées contre
les Juifs et les réfractaires que très exceptionnellement. A Marseille,
lors de l'évacuation du Vieux-Port en janvier 1943, ils ne participaient
pas aux opérations de police ; leur rôle a consisté à assurer dans les
meilleures conditions possibles l'évacuation des habitants et leur
relogement. Mais deux rapports de préfets signalent leur présence
effective au cours d'opérations de police. Celui du préfet du Puy de
Dôme adressé à Vichy le 5 septembre 1942 rend ainsi compte : « Les
opérations de ramassage de certains Juifs étrangers dans le département
ont eu lieu le 26 août avec la collaboration de la Gendarmerie, de la
police judiciaire, de la police locale et du G.M.R. Auvergne. Cette
opération s'est déroulée sans incident. " Celui du préfet du Vaucluse
adressé à Vichy le 4 décembre 1943 mentionne : « une opération de police
à laquelle participaient une centaine d'inspecteurs et 150 G.M.R. a été
effectuée à Avignon, le 18 novembre, sous la direction de l'intendant de
police. Cette opération à caractère spectaculaire a permis de contrôler
l'identité de plusieurs milliers de personnes, d'effectuer une centaine
de perquisitions et d'arrêter un certain nombre de repris de justice.
Elle a été bien accueillie à la fois par la population et par les
autorités allemandes qui ont tendance à croire à l'inaction de la police
française."
Les efforts entrepris ont aidé à la
libération du territoire.
Le témoignage de Paul Favier du 17 juillet 1948 est
probant : « Nous manquions de munitions et de mitraillettes. M. Cado me
convoqua un jour en 1943 et me demanda si l'on pouvait s'en procurer. Je
lui ai répondu qu'il n'y en avait pas dans les parcs. Il m'a demandé,
comment il fallait faire pour s'en procurer. A quoi je lui ai répondu
puisqu'on, ne peut pas en voler dans les parcs, c'est d'aller en acheter
à l'étranger. Un crédit spécial de quarante millions fut alors ouvert
par M. Bousquet dans ce but sur les fonds secrets et, tranche par
tranche, j'ai procédé à des achats tant en Suisse qu'en Italie et en
Espagne, sous le contrôle du colonel Marty. Avant les achats, des
échantillons d'armes et de munitions lui étaient présentés, il les
examinait et donnait son approbation. Les livraisons étaient faites de
nuit à des hommes dans la région frontalière.
Je rendais compte de mon activité à M. Bousquet et un jour il m'a envoyé
à Paris voir M. Cathala pour régularisation des achats et destruction
des pièces comptables après examen. Ce qui fin fait. Dès qu'elles
rentraient, les armes et les munitions ainsi achetées étaient camouflées
chez les G.M.R... A la fin de l'année 1943, il me restait cachées à
Vichy environ 10 tonnes de matériel qu'avec le commandant Nahan j'ai
expédié au maquis de Chouvigny... Tout à fait à la fin du mois de
décembre, le colonel Marty m'a fait appeler et m'a dit de la part de M.
Bousquet : « Maintenant c'est Darnand qui va venir, sauvez ce que vous
pourrez sauver et faites bien attention. » La milice a arrêté aux
environs de Vichy une partie du maquis Mandar. Un des membres de ce
maquis a fini par avouer que je leur avais donné des armes. Un dossier a
été transmis par la milice à la Gestapo et j'ai été arrêté. Mon père est
allé trouver
M. Bousquet qui est intervenu en ma faveur, pour que je ne
sois pas fusillé. Naturellement, il n'a pas pu obtenir ma libération. "
Le colonel Marty témoigne, le 19 juillet 1948
: " J'insiste sur l'importance de cet armement lourd qui au moment de la
Libération a été un très gros appoint pour les Forces françaises de
l'intérieur. C'est en particulier grâce aux fusils-mitrailleurs de
Favier que la préfecture de police put tenir jusqu'à l'arrivée de la 2°
D.B. Ces armes étaient réparties sur les différents points du
territoire, soit par les soins des préfets régionaux, soit par les
intendants de police lorsque ceux-ci étaient particulièrement sûrs.
M. Bousquet avait veillé lui-même et s'était rendu en personne dans la
plupart des régions pour veiller à ce que le camouflage de cet important
matériel soit fait dans les plus grandes conditions de sécurité. "
Roure, le 8 février 1949, apporte la preuve que René Bousquet utilisait
également les services des voyages officiels pour camoufler le trafic.
" M. Bousquet m'annonça la nomination de Darnand. Il me
donna ses directives pour contrecarrer l'action de la Milice, contre
laquelle publiquement, depuis longtemps déjà, il était entré en lutte.
Peu de jours après, M. Bousquet me convoqua à nouveau, j'étais
accompagné du lieutenant Chevalier. Il s'agissait de régler pour
l'avenir deux points importants : l'utilisation d'une force importante
de police militarisée que M. Bousquet avait créée en novembre 1943 sous
le couvert des voyages officiels et le camouflage d'un stock clandestin
d'armes de guerre.
Les ordres de M. Bousquet furent les suivants
: pour le groupe composé de 350 hommes dont le recrutement avait fait
l'objet d'une sélection rigoureuse, un acheminement sur Paris et sa mise
à disposition soit des autorités militaires alliées, soit d'un groupe
organisé de la Résistance pour qu'il participe aux combats de la
libération du territoire. Quant au stock clandestin d'armes et de
munitions dont le poids était de 16 tonnes,
il
comprenait des
mitraillettes Thomson, de nombreux fusils-mitrailleurs, des fusils
modèle 1936 et des mousquetons. M. Bousquet me donna l'ordre de faire
transporter ces armes à Paris où elles seraient certainement plus utiles
qu'en zone sud. Bien que M. Bousquet ait été arrêté peu de temps après
par les Allemands et déporté, j'ai exécuté fidèlement ses ordres au
moment de la Libération. C'est ainsi qu'au début d'août 1944, j'ai pu
diriger sur Paris 250 hommes placés sous les ordres du lieutenant
Chevalier. Cette force a été engagée, en plein accord avec un délégué du
CNR sur plusieurs points de la capitale et notamment à l'Hôtel de Ville
qu'elle a défendu victorieusement. D'ailleurs M. Worms, le commandant
Stéphane de la Résistance, a rendu hommage à plusieurs reprises à
l'attitude patriotique des deux sections mises à
sa
disposition. Les cent gardiens demeurés à Vichy, sous les
ordres du lieutenant Wilmart, ont, conformément à mes instructions,
rejoint les F.F.I. et ont participé aux combats qui se sont livrés
contre l'occupant, dans la région de Clermont-Ferrand. Enfin grâce au
stock d'armes de guerre bien supérieurs aux besoins du groupe, nous
avons pu remettre des fusils-mitrailleurs et de nombreuses mitraillettes
à plusieurs groupes de résistance
et
notamment à la
préfecture de police et aux gardes républicains de Paris casernés rue de
Babylone. "
Certaines unités ont participé au combat, et
ce malgré les menaces, les arrestations, les mutations, les efforts
accomplis par Joseph Darnand et par la Milice en 1944 qui ont essayé de
pénétrer et de détourner ces unités de la mission assignée par René
Bousquet.
Comme
l'a
analysé Yves Cazaux, documents militaires à l'appui, la Garde a
notamment joué un rôle essentiel à l'occasion de la libération de
Strasbourg. Le témoignage du général Perré du 23 janvier 1946 est clair
: "Je suis certain que M. Bousquet s'est réjoui lorsqu'il a su qu'après
son départ, malgré de nombreuses difficultés et quelques dangers, j'ai
pu sauvegarder notre œuvre commune et que la Libération a trouvé la
Garde en armes, instruite, disciplinée et prête à reprendre
immédiatement la lutte. Mais peut-être ne sait-il pas que la
quasi-totalité des escadrons engagés se sont magnifiquement conduits et
ont obtenu de nombreuses citations et que le 6 janvier 1945, Strasbourg,
évacué par les Américains, fut sauvé par le sacrifice héroïque de deux
escadrons du 4° régiment de la Garde, comptant moins de 170 combattants
et attaqués par plusieurs régiments allemands. Ces deux escadrons ont
été cités à l'ordre de l'Armée et je suis sûr qu'en raison de l'amitié
née entre nous au cours de notre collaboration, il sera heureux
d'apprendre qu'un de ces escadrons était commandé par le lieutenant
Jacques Perré, grièvement blessé au cours de l'action. "
Le rapport du lieutenant-colonel Vignolles, sous-directeur de la
direction des G.M.R. adressé le 12 septembre 1944 au directeur général,
Sur la base des renseignements contrôlés connus et portant sur 43 des 57
G.M.R. existants (G.M.R. des deux zones) étayent des faits indéniables :
" On peut dés maintenant tenir pour assuré que la grande majorité des
G.M.R. participe à la lutte avec les F.F.I dans les rangs desquelles ils
restent en corps constitués. Il sera donc facile, si on le désire, de
retrouver tout ce personnel groupé, au service de la police nationale,
pour laquelle il constitue un important élément de force dont les
qualités ne vous ont pas échappé. "
Le 18 septembre 1944, le lieutenant-colonel
Valette remet au gouverneur militaire de Paris une note sur le
Comportement des G.M.R. au cours de la libération du territoire. Il
apparaît à sa lecture que les G.M.R. ont participé à la libération de
Rennes, Orléans, Toulouse, Vichy, Limoges, Lyon, Rouen, Enghien, Reims,
Ligny, Lille et Nancy. Une note établie le 26 juin 1945 par leur chef le
général Labarthe, précise l'activité des G.M.R. de zone sud au profit de
la Résistance, Elle souligne que dès l'avènement en janvier 1944 de
Darnand, les G.M.R. montrent ouvertement leur hostilité envers la Milice
et refusent de participer à ses côtés à toute opération contre la
Résistance. Par ailleurs elle précise que d'innombrables demandes de
démission ont été faites, qui ont été systématiquement refusées ; que
dès le printemps 1944, la quasi totalité des G.M.R. est en rapports
suivis avec la Résistance ; que de nombreux isolés sont passés à la
Résistance mais que ce passage a été freiné par la consigne donnée aux
cadres de patienter jusqu'à ce que les circonstances puissent permettre
le passage à la Résistance par unités groupées ; qu'en fait de janviers
juillet 1944, 30 sections de G.M.R. sont passés à la Résistance ; que,
le 13 août 1944, les Allemands ayant prescrit le désarmement des G.M.R.,
tous les groupes se sont employés de leur mieux à se soustraire à cette
mesure, qui n'a été que partiellement exécutée, et sous la contrainte.
De janvier à août 1944, les G.M.R. ont compté 5 officiers arrêtés et
déportés par les Allemands, 3 officiers tués au combat par les
Allemands, 7 officiers arrêtés par la Milice et plus de 300 gradés
arrêtés par les Allemands et la Milice.
A titre de confirmation, l'ordre général de désarmement de
routes les unités de la Garde et de tous les pelotons de gendarmerie, a
bien été donné pour la zone Sud avec comme instructions d'agir
brusquement, le 13 août 1944. |
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