Extrait du Livre de Guy Bousquet "René Bousquet cet inconnu. L'homme et Vichy"
 
 
Vous pourrez  trouver  à cette adresse :   http://www.rene-bousquet.com  l'intégralité du livre avec les pièces annexées...
 
 

CHAPITRE III

 

LA CREATION DE FORCES PARAMILITAIRES

 

II convient de mettre en relief, à travers les questions liées au maintien de l'ordre, l'effort et les résultats obtenus par René Bousquet dans le domaine paramilitaire. Il a pu, en effet, reconstituer à travers notamment les G.M.R. et la Garde de véritables forces militaires dotées d'un armement leur permettant d'assurer routes missions d'intérêt national. 

Les déclarations de René Bousquet. 

René Bousquet a indiqué les phases essentielles de son action le 17 octobre 1945 dans un de ses premiers interrogatoires : " Je vais résumer  maintenant mon activité dans un domaine qui ne peut manquer de retenir l'attention de l'instruction. C'est l'effort accompli sous mon entière responsabilité et les résultats obtenus pour donner aux services placés sous mon autorité l'organisation correspondant aux besoins d'un pays désarmé.

Comment l'ai-je fait ?

I° Par l'incorporation massive, malgré l'interdiction allemande, dans les G.M.R, la Garde et la Sécurité publique de plusieurs milliers d'officiers et de sous-officiers ainsi que la plupart des élèves de nos anciennes écoles militaires.

2° Par la création d'une direction des G.M.R., direction spécifiquement militaire comportant à l'échelon régional tous les organes d'état-major de commandement et de liaison.

3° Par la réorganisation sur un plan strictement militaire de la Garde à laquelle j'ai rendu sa structure d'avant guerre et sa mission d'encadrement en cas de mobilisation.

4° Par l'armement et l'équipement de ces formations grâce à des achats clandestins.

5° Par la création de stocks de réserve de matériels importants.

6° Par un entraînement strictement militaire donné à ces nouvelles formations notamment au camp de Laplan.

7° Par la création et l'organisation sur un plan paramilitaire des Ecoles nationales et régionales de police.

J'ai assumé cette tâche à mes risques et périls sous une surveillance allemande attentive et inquiète. J'ai dû me débattre au milieu de difficultés sans cesse renouvelées, pour éviter la dissolution de ces formations paramilitaires qui jouèrent un rôle important au moment de la libération du territoire. "

René Bousquet, interrogé à nouveau sur ce sujet, le 30 juillet 1948, précisera      :      " Lorsque j'ai été nommé à l'Intérieur, j'ai eu un triple dessein :

- mettre au service de la France une administration rétablie dans ses traditions républicaines et apte, par des réformes de structure, à remplir toutes ses obligations futures ;

- créer et maintenir à l'abri du ministère de l'Intérieur des forces militaires susceptibles de défendre au moment de la Libération les intérêts de la France et permettant au gouvernement français, quel qu'il soit, de mieux faim entendre sa vois ;

- sauvegarder et créer les moyens matériels et techniques qui pourraient permettre à la Nation momentanément désarmée, de reprendre sa place au combat d'abord et dans la vie internationale ensuite.

J'ai créé au ministère de l'Intérieur des forces paramilitaires d'un effectif supérieur à 25 000 hommes de cadres, ce qui permettait la mise sur pied, presque instantanée, d'une armée de 250 000 hommes. "

Il ajoutera, notamment, concernant la direction des G.M.R. : " Cette direction ne fut confiée qu'à des militaires et généralement à des officiers brevetés. Aucun fonctionnaire civil ne leur fut adjoint. La direction relevait directement de mon autorité et elle ne devait s'occuper que des questions intéressant l'organisation générale, l'instruction militaire, l'équipement, l'armement et le recrutement des groupes existants ou de ceux qui allaient être créés.

Successivement des mesures furent prises dont l'application était entièrement réalisée en décembre 1943 : " Regroupement des effectifs en fonction de leur spécialité en réunissant autant que possible dans un même groupe les officiers, sous-officiers et hommes ayant appartenu à un même régiment ; création dans chaque région d'un commandement régional dirigé par un commandant jouant le rôle d'un véritable chef de corps ; augmentation du nombre des gradés à l'intérieur de chaque groupe 1 amélioration de la valeur de l'encadrement ; création au sein de chaque groupe d'écoles de perfectionnement ; stage de 6 mois pour les jeunes recrues dans des pelotons avant d'être versés dans les groupes ; enseignement militaire etc. "

Au sujet de la Garde, il indiquera : " La Garde composée de 6000 hommes, tous officiers et sous-officiers avait été imprudemment incorporée dans l'armée d'armistice, Elle devait donc être dissoute en même temps qu'elle. Je suis cependant parvenu à en sauvegarder l'existence par une décision allemande qui est du mois de décembre 1942. Elle fut rattachée au ministère de l'Intérieur— Comme pour les GMR, on va assister à partir de cette date à un renforcement de l'organisation militaire, à un rétablissement des manœuvres en campagne, à une amélioration du recrutement, à l'incorporation d'officiers qualifiés et à l'organisation de régiments entièrement motorisés. "

René Bousquet, interrogé, le 16 octobre 1945, dans le cadre d'une procédure annexe, à propos du Service technique du Maintien de l'ordre (STMO) indiqua comment celui-ci complétait l'organisation de défense : " Le S.T.M.O. a été officiellement créé au moment de la dissolution de l'armée d'armistice pour servir de liaison avec ce qu'il restait du ministère de la Guerre et pour participer à l'organisation des forces paramilitaires au sein du ministère de l'Intérieur. Le titre qui avait été donné à ce service n'était destiné qu'à détourner les soupçons des autorités allemandes. Le S.T.M.O. n'était, en fait, pas autre chose qu'un état-major militaire ayant très exactement les attributions que détient un état-major dans une organisation militaire. « René Bousquet avait fixé à chacun sa ligne de conduite. Son message d'adieu adressé le 31 décembre 1943 aux G.M.R. est révélateurs « Pendant de longs mois, nous avons travaillé ensemble pour mettre au service du pays des forces nouvelles et ardentes dont l'unique souci serait, en toutes circonstances, de mettre leur dévouement et leur courage au service de la Patrie. Les événements ne me permettent pas, comme je l'eusse souhaité de dire à vos collaborateurs, aux commandants régionaux, aux officiers et aux hommes, la gratitude personnelle que je leur garde pour tout le réconfort que m'ont donné, en toutes circonstances, leur loyauté et leur courage.

Les preuves à l'appui.

Les témoignages des chefs militaires confirment les instructions données et les résultats obtenus. René Bousquet confia la direction des G.M.R au général Pierre Labarthe officier de carrière au passé magnifique (12 fois cité au cours des guerres 1914-1918, de la campagne de Syrie et de la guerre 1939-1940). Voici ce qu'a déclaré ce général le 22 août 1945  « En novembre 1942, alors que M. Bousquet était secrétaire général à la police, les Allemands occupent la zone sud de la France et exigent la dissolution de l'armée. M. Bousquet en accord complet avec le département de la Guerre va se servir de l'organisation des G.M.R. pour recueillir le plus grand nombre d'officiers, de sous-officiers, de militaires de carrière, leur permettre de conserver et de perfectionner leurs qualités professionnelles et d'être à même d'apporter une aide efficace à la libération de leur pays, le moment venu. Pour réaliser ce projet. M. Bousquet crée en avril 1943 une direction des G.M.R., direction technique dont je suis placé à la tête. Entouré uniquement d'officiers pour la plupart brevetés d'état-major, j'ai reçu pour mission de faire des G.M.R. de véritables unités militaires à l'insu de l'occupant. Je savais que M. Bousquet n'a jamais pensé à lutter contre le maquis. En imposant la police française et en écartant la police allemande, M. Bousquet a évité des milliers de victimes. Par ailleurs, il s'est toujours opposé à une collusion quelconque encre ces polices, et a donné des ordres formels pour qu'en aucun cas, un otage puisse être livré aux Allemands.

Le patriotisme de M. Bousquet est un patriotisme élevé. Jeune, ardent, dynamique, il met le meilleur de lui-même au service de son pays. M. Bousquet collaborationniste ? Jamais cette pensée n'est venue à aucun de nous ; rien dans ses actes ; rien dans ses paroles n'a jamais pu autoriser une pareille supposition. L'occupant a toujours trouvé en lui un adversaire âpre et énergique, qu'il a fini par écarter, fin 1943 et en l'arrêtant peu après. "

René Bousquet confia la direction de la Garde au général Jean Perré, officier prestigieux. Entendu le 23 janvier 1946, il confirme en tous points les déclarations de René Bousquet et indirectement celles du général Labarthe : " Après l'armistice du 25 juin 1940, les éléments de la Garde mobile se trouvant en zone Sud furent séparés complètement de la gendarmerie dont ils relevaient précédemment, réorganisés sous le nom de Garde et rattachés à l'armée de l'armistice. Dès mon entrée en fonction, je rédigeais un plan général d'action que je soumis à l'agrément de M. Bousquet et que celui-ci approuva entièrement. Dans l'exécution M. Bousquet, toujours tenu au courant de mes objectifs comme de mes arrière-pensées, me laissa agir en toute liberté, négociant avec les Allemands pour obtenir d'eux les concessions nécessaires et couvrir mon action contre leur méfiance toujours en éveil. En huit mois de travail commun, nous avons obtenu les résultats suivants : nombre des officiers porté de 170 à 240 ; incorporation de plusieurs centaines de jeunes ; création d'une école de la Garde formant 40 officiers par an, préparant à l'emploi de chef de peloton, 120 gardes tous les 6 mois ; faisait l'instruction de 300 jeunes tous les six mois. L'instruction donnée à l'Ecole était exclusivement militaire et les programmes démarqués de ceux de Saint Cyr et de Saumur... J'étais parfaitement au courant des conceptions et intentions de René Bousquet tant par des conversations particulières que par les allocutions prononcées devant moi lors de nos inspections en commun, que par les comptes-rendus de mes subordonnés qui recevaient ses instructions. Celles-ci peuvent se résumer de la manière suivante : donner le change aux Allemands en luttant contre les groupes suspects qui, en marge du maquis, se livraient à des actes de brigandage mais éviter toute rencontre avec les formations militairement organisées. Je dois d'ailleurs dire que M. Bousquet, lorsqu'il parlait devant mes officiers du rôle de la Garde comme troupe de maintien de l'ordre et comme noyau d'une future armée, s'exprimait avec une telle netteté qu'elle me parut parfois imprudente et que je lui en fis, un jour, la remarque. Je dois aussi ajouter que M. Bousquet poursuivait la militarisation des groupes mobiles de réserve dans le but d'en faire aussi un noyau de reconstitution de l'armée, qu'il avait donné, dans ce sens, des instructions très nettes au général Labarthe, directeur des G.M.R., et lui avait, en particulier, conseillé de démarquer, pour la formation militaire de ses troupes, ce que je faisais dans la Garde. Ce que d'ailleurs le général Labarthe ne manqua pas de faire. "

René Bousquet mit à la tête du S.T.M.O. le colonel Charles Dupuy, ancien officier au cabinet d'Edouard Daladier, qui était en outre en rapport étroit avec le général Revers, lui-même, résistant important. Le colonel Dupuy, interrogé le 22 août 1945 " sur l'action de M. Bousquet pour suppléer par la création de forces paramilitaires à la suppression de l'armée " confirme globalement l'ensemble des faits et déclarations : " M. Bousquet a continué et développé cette politique. Il s'agit d'une part de garder le plus grand nombre possible de militaires pour la reprise éventuelle des hostilités et éviter leur déportation, d'autre part d'éviter la livraison aux Allemands de tout le matériel de l'armée d'armistice dissoute (le matériel déjà camouflé depuis 1940 restait évidemment dans ses cachettes)... Cette politique a réussi puisqu'au départ de M. Bousquet les G.M.R. étaient des unités excellentes (où de nombreux sous-officiers rengagés servaient comme simples gardiens) qui avaient un armement en armes automatiques égal et parfois supérieur aux compagnies d'infanterie de l'armée d'armistice. La Garde était demeurée une excellente troupe dont l'armement avait été complété et le recrutement amélioré (notamment par l'incorporation de nombreux jeunes saint-cyriens ou candidats à Saint-Cyr). Une grande partie du matériel de l'armée d'armistice dissoute (vêtements, équipements, armes, camions, munitions, vivres de l'intendance) au lieu d'être livrée aux Allemands avait servi à équiper les G.M.R. et la Garde ou avait constitué des magasins de réserve qui ont été plus tard livrés â la Résistance. L'ensemble de ces troupes (G.M.R. et Garde) d'un effectif voisin de deux divisions pouvait aussi bien constituer une petite armée agissant comme avant-garde d'une armée de débarquement ou servir à encadrer des réservistes ou des volontaires au nombre de 120 à 150 000. Cette action a été menée à bon terme malgré la défiance des Allemands (qui à la fin contrôlaient ces forces absolument comme ils contrôlaient auparavant l'armée d'armistice) grâce à l'habile activité de M. Bousquet qui n'hésitait pas à couvrir de son autorité des dissimulations d'armes non autorisées et détenues clandestinement par les G.M.R."

D'autres témoignages convergent tels ceux du général Blois, ancien commandant de la première brigade de la Garde : " Il est exact que M. Bousquet, en me donnant des consignes verbales relatives à la mission qui m'était confiée à Limoges, m'a précisé, en présence du préfet régional, que les troupes du maintien de l'ordre devaient s'abstenir d'entrer en conflit avec les éléments de l'armée secrète qui ne troublait pas l'ordre public et que ma véritable mission était de ramener le calme dans cette région et de mettre un frein si possible aux attentats contre les personnes et contre les biens, étant entendu qu'il n'y avait, en dehors de Limoges, aucune troupe allemande dans la région. "

Le commandant Boudon, ex-commandant de G.M.R., relate dans une lettre du 12 novembre 1945, les instructions données par René Bousquet au téléphone à un préfet : «A la suite de la démobilisation de l'armée, il m'a été proposé, au titre de reclassement, d'intégrer les groupes mobiles de réserve... Je n'ai pu naturellement qu'enregistrer les réponses, puisque présent dans le bureau. C'est ainsi que M. Bousquet répondit les phrases suivantes, exactement précises dans ma mémoire "M. le préfet, je comprends votre inquiétude, surtout due aux menaces dont vous êtes l'objet de la part des autorités occupantes.... surtout M. le préfet, pas de sang, car ce sont des Français qui sont devant nous et pour cela, j'insiste encore une fois particulièrement". En ce qui me concerne, toute aversion a été immédiatement détruite en moi envers la police et j'ai compris que M. Bousquet était un chef digne d'être suivi dans la terrible période d'alors. »

Il indique également quelle a été la réaction de son groupe, lorsque celui-ci a appris le remplacement de René Bousquet par Joseph Darnand. « Aux camarades assis près de moi, je fis part de mon inquiétude et je leur demandai s'ils n'étaient pas d'avis de quitter immédiatement la police et éventuellement s'il n'y avait pas lieu de gagner le maquis. Je reconnais que mes camarades Megy et de Fontaine-Vive furent de mon avis. J'ajoutai alors, à titre de plaisanterie que puisqu'il fallait un préfet au maquis, M. Andrieu était tout naturellement désigné. A ce montent, M. Andrieu nous fit savoir qu'il ne croyait pas outrepasser son pouvoir et être l'interprète de son chef M. Bousquet, en nous assurant, le cas échéant, de toute sa sympathie et de tout son dévouement, s'il fallait arriver à cette solution. »

Roger Lefebvre (ou Roger Vincent), chef de la direction du personnel à la sûreté nationale atteste :" je crois devoir ajouter qu'en ce qui concerne le STO, l'activité de René Bousquet a été considérable. Il a, en effet, par son action personnelle obtenu que des quantités de jeunes gens échappent au S.T.O. en restant dans les G.M.R, les gardiens de la paix, la Garde mobile, la Garde des voies de communication etc. " (cf. A.N.R.B.H.C. cote 1154)

Le colonel René Marty, directeur du cabinet de Bousquet à Vichy, déclare également : « Le colonel Dupuy, ancien officier du cabinet de Daladier était en rapport constant avec le général Revers. Le S.T.M.O. était une direction d'armes, dont le rôle principal était d'être l'amorce d'un futur grand état-major. Il ne comptait que des officiers brevetés. Pratiquement, il faisait office de 3° bureau, mettant sur leurs demandes à la disposition des préfets les troupes nécessaires au maintien de l'ordre et veillant à leur acheminement. "

L'activité policière des G.M.R. et de la Garde en 1942 et 1943.

L'ouvrage de référence sur les G.M.R. est celui d'Alain Pinel "Une Police de Vichy, le groupes mobiles de réserve". Il porte un jugement d'ensemble sur toute la période 1941-1944, une importante documentation à l'appui.

Notons que l'auteur ne peut être suspect de sympathie à l'égard de René Bousquet. Il conteste dans son livre que le secrétaire général ait pu avoir le souci de reconstituer réellement des forces militaires. Quant aux G.M.R, ils sont pour Alain Pinel « une régression dont la logique résidait dans une volonté de rupture par rapport aux principes et aux valeurs de la III° République ».

Main Pinel cite, avant 1944, dix cas d'intervention contre le maquis, tous postérieurs au 1° juin 1943. Dans la moitié des cas, il s'agit d'opérations montées par les maquis (l'attaque contre un train de G.M.R, le 14 décembre 1943 en Corrèze ; L'attaque d'un poste avec prise des armes et des uniformes, le 9 octobre 1943 dans le Puy-de-Dôme ; le sabotage d'un car en Haute-Vienne) et/ou qui n'ont eu aucune conséquence pour la Résistance (opérations du 15 juin 1943 en Corrèze sans aucun bilan ; opérations du 22 novembre 1943 en Corrèze au cours de laquelle un G.M.R. a été tué).

Sur les cinq autres opérations, deux se sont traduites par des arrestations. Le 10 juin 1943, l'intervention des G.M.R. aura entraîné à Arlanc l'arrestation de dix personnes cachées dans un cimetière, puis traduites en justice. Le 15 novembre 1943, dans l'Allier, une opération aurait été menée de front par des G.M.R., des miliciens et des inspecteurs des Brigades spéciales, ce qui est peu vraisemblable. Trois prisonniers auraient été faits et traduits devant la cour spéciale de Riom»

Trois accrochages ont entraîné mort d'hommes. Le 28 août 1945 à Chabanne dans l'Allier. Bilan : 3 morts et 27 blessés policiers ; 2 blessés et 6 prisonniers maquisards. Cela ressemble plus à une embuscade qu'à une opération menée contre la Résistance.

Le 29 novembre 1943 à Saulgond en Charente, une garnison G.M.R. est attaquée par les maquisards 3 G.M.R. tués, 3 blessés, 24 prisonniers parmi les forces de l'ordre.

Le 30 décembre 1943 à Nantua dans l'Ain, un nouvel accrochage cause la mort de 3 G.M.R. et, pour la première fois, de 2 résistants.

Alain Pinel souligne, pour ce qui est des autres opérations de police, les instructions données et répétées par René Bousquet. Ce dernier ne voulait pas que les G.M.R. soient mis à la disposition des commissariats centraux pour des services de voie publique, ou pour des missions de surveillance. Les G.M.R. devaient normalement être employés par les préfets uniquement par unités constituées pour assurer le maintien de l'ordre. Ils ne devaient pas former une réserve de personnel pour assurer les services divers de police dans des villes où ces groupes étaient stationnés. Certains G.M. R. ont même été dispensés, selon Alain Pinel, de toutes activités sur le terrain au profit de leur instruction (entraînement physique ; instructions de tir ; instructions en vue du combat) pendant trois mois du 15 mai au 15 juillet 1943.

Alain Pinel estime, cependant, sans le prouver, que les G.M.R. sont intervenus pour exécuter les rafles anti-juives de la zone libre durant l'été 1942 et pour poursuivre les réfractaires.

René Bousquet s'est expliqué au plan général : « J'ai dû de façon incessante lutter contre la tendance qui voulait faire considérer comme des forces de police des unités que je voulais personnellement transformer peu à peu en forces militaires. Il est certain qu'il fallait de temps à autre que les préfets les utilisent, afin de ne pas donner l'éveil aux autorités allemandes, qui considéraient avec défiance ces formations appelées par eux " groupes fermés ".... Ce n'est pas seulement le 18 mars 1943 que je suis intervenu auprès des préfets mais de multiples fois à partir du 11 novembre 1942. Dans le deuxième semestre de 1943 j'avais même envisagé que ces forces paramilitaires échappent totalement au contrôle des préfets afin de mettre fin une fois pour toutes aux abus que je constatais, mais que ni la loi ni mes pouvoirs ne me donnaient la possibilité de faire cesser. "

Les G.M.R. et la Garde ne sont intervenues dans les opérations menées contre les Juifs et les réfractaires que très exceptionnellement. A Marseille, lors de l'évacuation du Vieux-Port en janvier 1943, ils ne participaient pas aux opérations de police ; leur rôle a consisté à assurer dans les meilleures conditions possibles l'évacuation des habitants et leur relogement. Mais deux rapports de préfets signalent leur présence effective au cours d'opérations de police. Celui du préfet du Puy de Dôme adressé à Vichy le 5 septembre 1942 rend ainsi compte : « Les opérations de ramassage de certains Juifs étrangers dans le département ont eu lieu le 26 août avec la collaboration de la Gendarmerie, de la police judiciaire, de la police locale et du G.M.R. Auvergne. Cette opération s'est déroulée sans incident. " Celui du préfet du Vaucluse adressé à Vichy le 4 décembre 1943 mentionne : « une opération de police à laquelle participaient une centaine d'inspecteurs et 150 G.M.R. a été effectuée à Avignon, le 18 novembre, sous la direction de l'intendant de police. Cette opération à caractère spectaculaire a permis de contrôler l'identité de plusieurs milliers de personnes, d'effectuer une centaine de perquisitions et d'arrêter un certain nombre de repris de justice. Elle a été bien accueillie à la fois par la population et par les autorités allemandes qui ont tendance à croire à l'inaction de la police française."

Les efforts entrepris ont aidé à la libération du territoire.

Le témoignage de Paul Favier du 17 juillet 1948 est probant : « Nous manquions de munitions et de mitraillettes. M. Cado me convoqua un jour en 1943 et me demanda si l'on pouvait s'en procurer. Je lui ai répondu qu'il n'y en avait pas dans les parcs. Il m'a demandé, comment il fallait faire pour s'en procurer. A quoi je lui ai répondu puisqu'on, ne peut pas en voler dans les parcs, c'est d'aller en acheter à l'étranger. Un crédit spécial de quarante millions fut alors ouvert par M. Bousquet dans ce but sur les fonds secrets et, tranche par tranche, j'ai procédé à des achats tant en Suisse qu'en Italie et en Espagne, sous le contrôle du colonel Marty. Avant les achats, des échantillons d'armes et de munitions lui étaient présentés, il les examinait et donnait son approbation. Les livraisons étaient faites de nuit à des hommes dans la région frontalière. Je rendais compte de mon activité à M. Bousquet et un jour il m'a envoyé à Paris voir M. Cathala pour régularisation des achats et destruction des pièces comptables après examen. Ce qui fin fait. Dès qu'elles rentraient, les armes et les munitions ainsi achetées étaient camouflées chez les G.M.R... A la fin de l'année 1943, il me restait cachées à Vichy environ 10 tonnes de matériel qu'avec le commandant Nahan j'ai expédié au maquis de Chouvigny... Tout à fait à la fin du mois de décembre, le colonel Marty m'a fait appeler et m'a dit de la part de M. Bousquet : « Maintenant c'est Darnand qui va venir, sauvez ce que vous pourrez sauver et faites bien attention. » La milice a arrêté aux environs de Vichy une partie du maquis Mandar. Un des membres de ce maquis a fini par avouer que je leur avais donné des armes. Un dossier a été transmis par la milice à la Gestapo et j'ai été arrêté. Mon père est allé trouver M. Bousquet qui est intervenu en ma faveur, pour que je ne sois pas fusillé. Naturellement, il n'a pas pu obtenir ma libération. "

Le colonel Marty témoigne, le 19 juillet 1948 : " J'insiste sur l'importance de cet armement lourd qui au moment de la Libération a été un très gros appoint pour les Forces françaises de l'intérieur. C'est en particulier grâce aux fusils-mitrailleurs de Favier que la préfecture de police put tenir jusqu'à l'arrivée de la 2° D.B. Ces armes étaient réparties sur les différents points du territoire, soit par les soins des préfets régionaux, soit par les intendants de police lorsque ceux-ci étaient particulièrement sûrs.

M. Bousquet avait veillé lui-même et s'était rendu en personne dans la plupart des régions pour veiller à ce que le camouflage de cet important matériel soit fait dans les plus grandes conditions de sécurité. "

Roure, le 8 février 1949, apporte la preuve que René Bousquet utilisait également les services des voyages officiels pour camoufler le trafic.

" M. Bousquet m'annonça la nomination de Darnand. Il me donna ses directives pour contrecarrer l'action de la Milice, contre laquelle publiquement, depuis longtemps déjà, il était entré en lutte. Peu de jours après, M. Bousquet me convoqua à nouveau, j'étais accompagné du lieutenant Chevalier. Il s'agissait de régler pour l'avenir deux points importants : l'utilisation d'une force importante de police militarisée que M. Bousquet avait créée en novembre 1943 sous le couvert des voyages officiels et le camouflage d'un stock clandestin d'armes de guerre.

Les ordres de M. Bousquet furent les suivants : pour le groupe composé de 350 hommes dont le recrutement avait fait l'objet d'une sélection rigoureuse, un acheminement sur Paris et sa mise à disposition soit des autorités militaires alliées, soit d'un groupe organisé de la Résistance pour qu'il participe aux combats de la libération du territoire. Quant au stock clandestin d'armes et de munitions dont le poids était de 16 tonnes, il comprenait des mitraillettes Thomson, de nombreux fusils-mitrailleurs, des fusils modèle 1936 et des mousquetons. M. Bousquet me donna l'ordre de faire transporter ces armes à Paris où elles seraient certainement plus utiles qu'en zone sud. Bien que M. Bousquet ait été arrêté peu de temps après par les Allemands et déporté, j'ai exécuté fidèlement ses ordres au moment de la Libération. C'est ainsi qu'au début d'août 1944, j'ai pu diriger sur Paris 250 hommes placés sous les ordres du lieutenant Chevalier. Cette force a été engagée, en plein accord avec un délégué du CNR sur plusieurs points de la capitale et notamment à l'Hôtel de Ville qu'elle a défendu victorieusement. D'ailleurs M. Worms, le commandant Stéphane de la Résistance, a rendu hommage à plusieurs reprises à l'attitude patriotique des deux sections mises à sa disposition. Les cent gardiens demeurés à Vichy, sous les ordres du lieutenant Wilmart, ont, conformément à mes instructions, rejoint les F.F.I. et ont participé aux combats qui se sont livrés contre l'occupant, dans la région de Clermont-Ferrand. Enfin grâce au stock d'armes de guerre bien supérieurs aux besoins du groupe, nous avons pu remettre des fusils-mitrailleurs et de nombreuses mitraillettes à plusieurs groupes de résistance et notamment à la préfecture de police et aux gardes républicains de Paris casernés rue de Babylone. "

Certaines unités ont participé au combat, et ce malgré les menaces, les arrestations, les mutations, les efforts accomplis par Joseph Darnand et par la Milice en 1944 qui ont essayé de pénétrer et de détourner ces unités de la mission assignée par René Bousquet.

Comme l'a analysé Yves Cazaux, documents militaires à l'appui, la Garde a notamment joué un rôle essentiel à l'occasion de la libération de Strasbourg. Le témoignage du général Perré du 23 janvier 1946 est clair : "Je suis certain que M. Bousquet s'est réjoui lorsqu'il a su qu'après son départ, malgré de nombreuses difficultés et quelques dangers, j'ai pu sauvegarder notre œuvre commune et que la Libération a trouvé la Garde en armes, instruite, disciplinée et prête à reprendre immédiatement la lutte. Mais peut-être ne sait-il pas que la quasi-totalité des escadrons engagés se sont magnifiquement conduits et ont obtenu de nombreuses citations et que le 6 janvier 1945, Strasbourg, évacué par les Américains, fut sauvé par le sacrifice héroïque de deux escadrons du 4° régiment de la Garde, comptant moins de 170 combattants et attaqués par plusieurs régiments allemands. Ces deux escadrons ont été cités à l'ordre de l'Armée et je suis sûr qu'en raison de l'amitié née entre nous au cours de notre collaboration, il sera heureux d'apprendre qu'un de ces escadrons était commandé par le lieutenant Jacques Perré, grièvement blessé au cours de l'action. "

Le rapport du lieutenant-colonel Vignolles, sous-directeur de la direction des G.M.R. adressé le 12 septembre 1944 au directeur général, Sur la base des renseignements contrôlés connus et portant sur 43 des 57 G.M.R. existants (G.M.R. des deux zones) étayent des faits indéniables : " On peut dés maintenant tenir pour assuré que la grande majorité des G.M.R. participe à la lutte avec les F.F.I dans les rangs desquelles ils restent en corps constitués. Il sera donc facile, si on le désire, de retrouver tout ce personnel groupé, au service de la police nationale, pour laquelle il constitue un important élément de force dont les qualités ne vous ont pas échappé. "

Le 18 septembre 1944, le lieutenant-colonel Valette remet au gouverneur militaire de Paris une note sur le Comportement des G.M.R. au cours de la libération du territoire. Il apparaît à sa lecture que les G.M.R. ont participé à la libération de Rennes, Orléans, Toulouse, Vichy, Limoges, Lyon, Rouen, Enghien, Reims, Ligny, Lille et Nancy. Une note établie le 26 juin 1945 par leur chef le général Labarthe, précise l'activité des G.M.R. de zone sud au profit de la Résistance, Elle souligne que dès l'avènement en janvier 1944 de Darnand, les G.M.R. montrent ouvertement leur hostilité envers la Milice et refusent de participer à ses côtés à toute opération contre la Résistance. Par ailleurs elle précise que d'innombrables demandes de démission ont été faites, qui ont été systématiquement refusées ; que dès le printemps 1944, la quasi totalité des G.M.R. est en rapports suivis avec la Résistance ; que de nombreux isolés sont passés à la Résistance mais que ce passage a été freiné par la consigne donnée aux cadres de patienter jusqu'à ce que les circonstances puissent permettre le passage à la Résistance par unités groupées ; qu'en fait de janviers juillet 1944, 30 sections de G.M.R. sont passés à la Résistance ; que, le 13 août 1944, les Allemands ayant prescrit le désarmement des G.M.R., tous les groupes se sont employés de leur mieux à se soustraire à cette mesure, qui n'a été que partiellement exécutée, et sous la contrainte. De janvier à août 1944, les G.M.R. ont compté 5 officiers arrêtés et déportés par les Allemands, 3 officiers tués au combat par les Allemands, 7 officiers arrêtés par la Milice et plus de 300 gradés arrêtés par les Allemands et la Milice.

A titre de confirmation, l'ordre général de désarmement de routes les unités de la Garde et de tous les pelotons de gendarmerie, a bien été donné pour la zone Sud avec comme instructions d'agir brusquement, le 13 août 1944.

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