L'ÉPOPÉE EN NOUVELLE CALEDONIE DE LA CRS 10
par Michel COUTARD
Entre octobre le 8 octobre1954 et le 29 avril 1962, la CRS 102 a
effectué 6 séjours en Algérie totalisant 1 an, 2 mois et 4 jours de
déplacement en dehors Métropole : SOUK-AHRAS, GUELMA, THIERSVILLE,
ALGER, CONSTANTINE, ORAN et ALGER. En parfaite autonomie, la CRS 102
avait embarqué tout son matériel sur des wagons mis à disposition par la
SNCF pour le trajet LE MANS/ MARSEILLE pour enfin rejoindre l'Algérie en
bateau. Soixante années se sont déjà écoulées depuis le premier séjour
Algérien et, malheureusement de nombreux participants à ces déplacements
sont disparus comme Christian GUILLOUAIS….
Plus tard la CRS 10 a aussi assuré des missions éloignées de sa base
comme la Corse presque tous les 18 mois, la Nouvelle Calédonie à trois
reprises et la Réunion en période de noël 1994.
C'est en 1985, qu'elle effectue son premier séjour aux antipodes. Les
conditions sont différentes : le théâtre des opérations est un
territoire français, plus une "colonie", le conflit se situe entre
kanaks et caldoches, ce n'est plus une guerre, la majorité du matériel
se trouve sur place et le transport s'effectue en avion. Trente années
se sont écoulées entre ces déplacements lointains : Algérie/Calédonie.
C'est sur ce premier séjour en Nouvelle-Calédonie que nous allons nous
attarder.
En fait, dès novembre 1984, les unités des CRS se succèdent en
Nouvelle-Calédonie pour rétablir l'ordre en raison de troubles
importants opposant les Kanaks (Canaques) et les Caldoches, les
premiers, près de 62000, sont des Mélanésiens et assimilés répartis en
ville mais également dans 300 tribus ou villages et les seconds un
mélange de nombreuses ethnies près de 60000 européens et assimilés dans
les villes mais aussi les "broussards", 12000 Wallisiens et Futuniens,
5500 Tahitiens, 5300 Indonésiens, 5200 Javanais, Vietnamiens, etc. et
1200 Vanuatais : sur une population d'environ 145 400 habitants, 70 000
vivent à Nouméa et sa périphérie.
Les rumeurs laissent entendre que nous pourrions faire partie des unités
de relève. Tous, sans exception, s'intéressent d'avantage au problème
Calédonien. Dès mai et juin 1985, on nous conditionne pour un éventuel
départ en septembre - Août, les prévisions se confirment. Déçus sont les
personnels en congés en septembre ou octobre, ça tombe mal. Ceux, aux
cas particuliers - mariage, naissance, etc. se font connaître et sont
remplacés par du personnel prévu en congés. Une certaine effervescence
s'installe, nous sommes déjà partis et la discussion s'anime sur le
voyage en avion qui sera peut-être le premier pour certains, le soleil,
le dépaysement, etc. Enfin la date de départ est fixée au premier
septembre.
Comme le prévoient les instances centrales, trois journées de
préparation sont fixées à la période du 20 au 22 août. On apprend alors
que le départ est reporté au huit septembre, déception chez beaucoup qui
s'étaient psychologiquement préparés pour un départ le premier. Mais le
20 août, première journée de préparation, la date du premier est
confirmée. Le moral est au beau fixe. C'est la dernière journée de
préparation et après un film sur la Nouvelle-Calédonie projeté par
Patrice HERVOCHON, le commissaire principal CHABAUD du Xème groupement
des CRS de Tours qui a commandé le premier détachement en 1984 et qui a
découvert ce territoire fait un exposé détaillé et complet qui ne
suscite que peu de questions. On verra sur place...
Quelques rappels sur les formalités administratives et sur les matériels
sont évoqués : change en XFP (550F00 français = 10.000F CFP), commande
de postes chèques, de carte visa internationale, etc.), poids des
bagages soit 30 Kg par personne.
Nous voilà tous en repos jusqu'au 30 août, date de la préparation et
chargement des bagages personnels et des matériels collectifs avant le
transport et l'embarquement à Roissy le premier septembre. Le 28 août,
une quinzaine de fonctionnaires ont embarqué à Roissy pour Nouméa afin
de préparer notre arrivée tant sur le plan logistique que celui de la
mise en œuvre de la mission. Cette journée du trente est employée aux
derniers préparatifs dont le pesage des bagages (22kg dans la valise, 6
Kg dans le sac de couchage et un petit sac de voyage le tout ne devant
pas dépasser les 30 Kg. C'est pour nous le départ ou presque. Chacun
passe le trente et un en famille et le premier arrive.
Le premier septembre, une première équipe achemine les matériels et
bagages sur l'aéroport de Roissy Charles De Gaulle pour un embarquement
en conteneurs qui seront disposés dans les soutes de l'avion par les
professionnels des aéroports de Paris (ADP). Le reste des personnels est
convoqué pour 11heures.
Toute la matinée, les véhicules pilotés par les épouses déposent les
maris devant la grille du château. La séparation semble difficile pour
les épouses qui, après avoir laissé échapper quelques larmes ou des
regards attendrissants, regardent les maris s'engouffrer dans le
casernement de la CRS 10. Ils partent pour deux mois et certaines
d'entre-elles ont des difficultés pour accepter cette séparation.
A onze heures tout le monde est présent ce qui dénote une ferme volonté
de réaliser un tel déplacement qui attise la curiosité mais aussi
l'aspect financier. Après le repas, les personnels déplacés en tenue
civile prennent place dans les véhicules pilotés par les fonctionnaires
prévus de rester à la résidence. Il est treize heures, direction Lagny
sur Marne où nous devons consommer le repas du soir.
Une grande marge horaire de sécurité a été prévue en raison des retours
des aoûtiens ; eh oui, les vacances d'été sont terminées. Sur
l'autoroute, les aires de repos sont surchargées de vacanciers qui
profitent des derniers rayons de soleil tout en consommant leurs repas.
Le périphérique parisien est fluide et l'autoroute de l'est est vite
atteinte. Il est seize heures lorsque nous pénétrons dans l'enceinte du
château de Pomponne où réside la CRS 4 de I.agny et deux heures nous
séparent du repas du soir.
Il fait si bon et si beau qu'on occupe ce temps par de longues
promenades le long des allées du parc du château pour enfin consommer le
repas. A 19h15, accompagnés de deux motocyclistes - les escortes des
unités se font si rares depuis quelques temps - l'unité au grand complet
se dirige vers Roissy où elle est prévue embarquer sur le vol UTA 562 à
destination de Nouméa avec escales à Bahreïn, Singapour, Jakarta et
Sydney.
Le commissaire François CASTERAN, ancien commandant de la 10,
généralement surnommé "langue de velours" pour son riche vocabulaire qui
conduisait bon nombre de fonctionnaires vers le Petit Robert, accompagne
l'unité. Il représente, aujourd'hui, le Groupement des CRS N° 1
Paris-Ile-de-France. Son passage au Mans a été remarqué et tous ceux qui
l'on connu se déplacent pour le saluer et se rappeler les bons
souvenirs.
Les futurs passagers que nous sommes laissent apparaître une excitation
due à l'importance d'un tel voyage où à l'appréhension de l'avion car,
pour certains, c'est le baptême de l'air.
A 20H15, nous arrivons à l'aéroport que l'on appelle vulgairement "le
camembert" en raison de son architecture. Après quelques formalités
administratives, chacun d'entre-nous reçoit son billet aller pour
Nouméa. Sa valeur de 1 2300F00 nous fait réfléchir et l'on entend "beau
voyage mais coûteux".
Les collègues chauffeurs qui attendent notre départ pour rejoindre Le
Mans paraissent moroses, auraient-ils un petit pincement au cœur ? Ils
seront peut-être du deuxième voyage si l'unité est de nouveau désignée…
A 21H15, les fonctionnaires de la Police de l'Air et des Frontières
(PAF) nous dirigent sur la salle d'embarquement en empruntant un long
couloir équipé d'un tapis roulant. Le béton nous entoure. Salle 48,
c'est à nouveau l'attente. Certains en profitent pour téléphoner à la
famille, d'autres flânent et font du lèche-vitrine devant les magasins
sous douane.
Vingt deux heures, le temps est venu de l'embarquement dans le monstre
qu'est le Boeing 747. Nous empruntons le satellite et nous nous trouvons
déjà dans l'appareil où les hôtesses nous dirigent vers la queue de
l'avion pour occuper les fauteuils qui nous sont impartis. N'oublions
pas que, nous sommes sur un vol régulier. Les dix rangées de fauteuils
sont de part et d'autre des deux couloirs. Cet appareil au complet
transporte 439 passagers et douze tonnes de fret à 900/950 km/h. Le
personnel est particulièrement sympathique et serviable.
Vingt deux heures quarante cinq,
nous quittons l'aire de stationnement pour la piste d'envol. Le
commandant de bord, Monsieur SAVARY, souhaite la bienvenue aux passagers
(dont 80 CRS, 5 OR et AS), signale que l'avion est affrété par la
TRANS-AMERICA et rappelle les règles de sécurité, démonstration de
l'utilisation des gilets de sauvetages et des masques à oxygène. Les
instructions lumineuses interdisent de fumer et demandent de boucler les
ceintures.
Les réacteurs, au maximum de leur puissance, propulsent cette énorme
masse et l'appareil prend son envol à 23H00. Notre ascension est prévue
jusqu'à 9000 mètres d'altitude. Paris et ses environs tout illuminés se
trouvent, sur notre gauche. Direction Bahreïn, capitale du pétrole,
située dans l'archipel du golfe Persique.
Nous sommes partis, plus question de faire demi-tour. Nous avons une
grande pensée pour nos familles. Ca fait toujours quelque chose un
départ pour une longue durée ; pourvu qu'il n'arrive rien à la maison, à
la famille, c'est le souci de tous les instants. Une heure plus tard, il
est minuit et nous entamons la journée du 2 septembre. Il nous est servi
le premier repas dont le menu est le suivant melon avec sa plaquette de
beurre, saumon ratatouille, fromage de chèvre, brugnon, abricot, prune,
en boisson petite bouteille de bourgogne ou de bordeaux ou jus de fruits
au choix, café ou thé. Avec les petits déjeuners de type pain beurre,
confitures, gâteau, café ou thé, lait, l'équipage nous restaure
pratiquement tous les quatre heures sans doute en raison du décalage
horaire.
A 00H25, le commandant de bord signale que nous nous situons au dessus
de la Yougoslavie, à 9000 mètres d'altitude, à 950 Kms/H avec une
température extérieure de moins 30°. Nous nous dirigeons, conformément
au plan de vol, vers la Grèce, les îles de Rhodes et l'Arabie. L'escale
est prévue à Bahreïn à 4H30 (5H40 locale), nous survolons le port
d'Istanbul et dans la nuit profonde, l'éclairage de la ville laisse se
dessiner comme une presqu'île des plus magnifiques. A 2H20, heure
française, les côtes turques se dessinent sur notre gauche. A 4H40 (5H40
locale), le commandant de bord annonce notre approche de Bahreïn où la
température est de + 33° et la distance parcourue de 4819 Kms.
A 4H55 (5H55 local), nous descendons de l'avion pour flâner en zone de
transit achats de cartes postales, timbres, etc. A 6H05 = 7H05 local,
c'est le départ pour Singapour avec de nouveaux passagers et un nouvel
équipage, comme commandant de bord Monsieur GAGNE. Pendant le
déplacement de l'appareil vers le point mort, nous sommes surpris par la
présence de pièces d'artilleries disposées sur l'aéroport de manière,
semble-t-il, à le défendre. A 6H20 (7H20 locale), l'avion s'envole pour
Singapour. L'altitude atteinte est de 10500 mètres, la vitesse de
900km/h et la distance à parcourir de 6321 Kms. Il est 9H00 heure
française, c'est l'heure du film. Nous sommes nombreux qui en profitons
pour dormir, la fatigue se fait déjà sentir.
Nous sommes au dessus de l'Inde à 9H45 (F). Il faut attacher sa ceinture
à 11H45 (F) en raison de turbulences. Nous sommes à l'ouest de Sumatra.
Déjà Singapour, à 13H35 (F) nous amorçons la descente et la température
annoncée est de 28°.
A 13H50 (19H50 local), nous faisons escale à Singapour. C'est la ruée
vers les boutiques en zone de transit pour les achats divers dont les
cartes postales, une nouvelle pensée pour les proches de métropole.
L'aéroport est magnifique et son agencement intérieur ressemble
étrangement à celui de la gare Montparnasse à Paris.
A 15H20 = 21H20 local, départ pour Djakarta distante de 91l kms.
1’altitude est de 10000 mètres et la vitesse de 900 kms/h. A 16H30 (
21H30 local), nous atterrissons à Djakarta. La chaleur y est écrasante.
La plupart des magasins sont fermés, c'est une escale bien calme.
C'est à nouveau un départ, pour Sydney cette fois ci, il est 17H5O
(22H50 local). 5482 Kms sont à parcourir dans un même couloir aérien et
à la même vitesse. L'équipage a changé avec désormais le commandant de
bord Monsieur BRIAND. 20H30, c'est l'heure du film ; nous nous endormons
devant. A 22H45, le 2 septembre, 6H30 locale, le 3 septembre, nous
sommes réveillés pour le petit déjeuner composé de pain beurre,
madeleine, confiture d'orange, jus de fruits, café ou thé. Seulement
3H45 nous séparent du précédent dîner. Quelle petite nuit !!! Deux
levers de soleil dans la journée du 2 septembre métropole, surprenant,
d'autant plus que le second est particulièrement magnifique, l'horizon
est en feu.
A 23H30, le 2 septembre ou 7H40 local le lendemain, nous survolons les
abords de Sydney. La végétation est éparse dans un sable blanc. La
température est de plus 9°. A minuit (8H00
local), l'intérieur de l'appareil où sont toujours les passagers est
désinsectisé comme le prévoit, la réglementation en Australie. Nous ne
pouvons quitter l'avion que lorsque l'opération est terminée. De
nouveau, c'est l'envoi de cartes postales.
A 2H10 (10H10 local), nous quittons Sydney pour Nouméa, ville distante
de 1978 Kms. Ce sera notre dernière étape avant notre point
d'aboutissement. La fatigue se fait sérieusement ressentir.
La pluie pour ne pas dire le déluge est au rendez-vous mais il fait plus
20° lorsque l'appareil touche le sol de la Tontouta. Il est 4H30 ou
13H30 local. A notre descente de l'avion, le commissaire principal VIAL,
commandant le groupement opérationnel du moment, nous souhaite la
bienvenue dans un bref discours, il pleut et nous sommes dehors. Les
véhicules Toyota et Peugeot Transit conduits par des équipages de la CRS
8, déjà sur place, nous attendent. Ils sont vite remplis et le convoi se
dirige vers l'hôtel "Nouméa Village".
Seuls restent les camions militaires et une petite équipe pour récupérer
les matériels et bagages collectifs et individuels. Les quarante cinq
kilomètres nous semblent bien longs ; la grisaille et la végétation
rachitique ne nous inspirent pas beaucoup dans ces moments de fatigue.
Nous passons devant le Haussariat, l'un de nos lieux d'emploi et enfin
le Nouméa Village tout proche. Les repas seront consommés à environ 8
kilomètres de là, à la Rotonde près du champ de course.
A l'arrivée des camions militaires, tout le monde met la main à la pâte
pour décharger nos matériels et bagages. Maintenant, nous nous
installons et sombrons dans un profond sommeil. Pour une des équipes, le
travail est prévu le quatre septembre à sept heures. Notre emploi ne
diffère guère de celui de la métropole.
C'est à 7H00, à peine réveillés, que nous prenons le Petit déjeuner. Il
nous faut un certain temps pour résorber la fatigue, le décalage et
cette allure atterrée.
Nous sommes à Nouméa, ville cosmopolite à l'architecture désordonnée
respirant les tropiques. Elle semble accueillante mais la vie y est très
chère. Plantée de palmiers, cocotiers, flamboyants, tulipiers,
manguiers, etc., elle présente une végétation nouvelle pour beaucoup
d'entre nous. Pendant les repos, elle est sillonnée dans tous les sens à
la recherche de l'inconnu. La bronzette pour certains à la baie des
Citrons, à la plage du Club Méditerranée et un peu partout sur littoral
pendant que d'autres plongent ou pêchent. Le début du séjour se présente
bien et l'on ne ressent aucune tension particulière des autochtones pour
l'instant. La brousse restera inconnue puisque le travail se cantonne à
Nouméa pour nous. Ce sont les gendarmes qui ont en charge le restant de
l'île.
Le travail s'exécute au Haussariat tout proche de l'hôtel. Avec le vaste
parc, sa protection emploi neuf agents de jour comme de huit. De jour,
la richesse végétale attire notre curiosité. De nuit, c'est beaucoup
plus morose d'autant plus que l'éclairage extérieur ne fonctionne pas et
dans ce trou noir l'attention de Bernard est attirée par un bruit sourd
derrière la clôture grillagée. En fait, il s'agit des mouvements de
cerfs et de biches cantonnés dans une réserve naturelle jouxtant le parc
du Haussariat.
Maintenant que nous nous habituons aux lieux, il nous faut tenir bon, la
famille est loin et le séjour est malgré tout difficile à gérer
psychologiquement. Déjà une semaine de passée et les CRS 8 et 56 sont
remplacées par la CRS 52 et 60. C'est à nous de les remplacer dans leurs
missions alors que les gendarmes qui dorment, sur des lits de camp, dans
les garages du Haussariat assurent la nôtre. Nous assurons les
transferts des unités relevées et relevantes sur l'aéroport de Tontouta.
Nous nous adaptons à la population locale. Pendant les repos des petits
groupes s'organisent des sorties et excursions comme, par exemple, un
départ sur la "Mary D" vers l'île Amédée et son phare. Sur l'embarcadère
à huit heures, le groupe attend le bateau et l'hôtesse récupère le
billet collectif auprès de Jean-Jacques qui s'était chargé de
l'organisation. Pour chacun d'entre-nous, cette sortie revient à 3850
CFP. Des touristes arrivent à leur tour ainsi qu'un groupe de jeunes
appelés encadrés par un adjudant-chef et un adjudant stationnés sur
l'île avec pour base d'implantation Metz sur le continent.
Dès l'arrivée du bateau, quelques membres de l'équipage fredonnent des
airs Malaisiens. Répartis chacun à sa guise, l'embarcation quitte Nouméa
à 8H30 pour un trajet d'une heure vingt minutes avant d'atteindre l'île
et le Phare Amédée. Il fait frais mais les passagers restent sur le pont
pour observer les fonds marins au travers d'une eau limpide et les
poissons tout près du bateau ; c'est un aquarium. Les Malaisiens
agrémentent notre trajet de leurs chants et musique pendant que des
membres de l'équipage pêchent. Sous le soleil nous accostons vers 9H45
et sans perdre de temps tout le monde enfile le maillot de bain, pique
une tête dans une eau claire et chaude et bénéficie de ce lopin de terre
dans le pacifique. A pied nous parcourons le tour de l'île en dix
minutes. Elle est à l'état sauvage excepter quelques bâtisses pour
accueillir les touristes. La poste, parce qu'il y a une poste,
construite d'une charpente montée sur pilotis reliés entre eux par des
tablettes fixes est particulière. Un serpent corail, aussi appelé
"tricot rayé" se faufile à noise arrivée. Les chasseurs de photos le
mitraillent ; il est beau avec sa peau annelée aux couleurs noire et
jaune ou bleu foncé et blanc mais il faut s'en méfier, il est mortel.
Un petit bateau à tond plat vitré se remplit et tout se beau monde part
au large à la découverte des fonds marins à hauteur de la barrière de
corail. Puisque nous sommes incapables de trouver les mots pour
commenter ce que nous voyons, nous dirons tout simplement "c'est
magnifique", "c'est un aquarium naturel" avec des coraux multicolores,
des poissons de diverses couleurs qui viennent manger dans la main du
plongeur mais aussi des requins de petite taille qui se jettent sur les
croûtons de pain lancés au large de notre embarcation. Gérard, fondu de
plongée, se jette à l'eau parmi cette flore et faune totalement
différente de celle de sa Bretagne natale. La pirogue mise à notre
disposition est également très utilisée.
Pendant tout ce temps, l'équipage vide le poisson pêché pendant le
voyage et prépare un déjeuner sur place. Il entretient le feu du
barbecue, prépare soigneusement le punch dont on se souviendra, étale
les cartes postales et les paréos, etc. Le repas est animé par un groupe
folklorique ; musique, chants et danses.
L'ambiance est chaude dès le pot de l'amitié. Le menu est composé de
salade, poisson grillé, poulet, etc., dessert, jus de fruits et vin
rouge. Le café servi au bar pendant la démonstration de paréos complète
le repas.
Sous le soleil brûlant c'est le moment de la bronzette et du bain.
Certains s'endorment.
L'heure du retour sonne à 15H30. Tout le monde est bien gai ; les
musiciens, assis en tailleur sur le plancher, adaptent leurs airs aux
chants entonnés par les passagers et notre équipe se fait entendre avec
des chansons bretonnes. Jacques, Jean-Jacques, Gilbert, Jean-Louis,
Gérard savent amuser le public. Jean-Jacques boit une bière cul-sec avec
un passager Néo-zélandais en s'accrochant par le bras. C'est déjà le
début d'une amitié mais Madame la Néo-zélandaise fait grise mine. Elle
surveille le comportement de son époux. Le retour nous semble trop
court. Nous arrivons déjà et les passagers se dispersent chacun de leur
coté. Notre groupe se dirige vers la Rotonde toute proche pour y
consommer le dîner. La soirée se termine avec une réelle fatigue.
Les jours défilent et, en dehors du travail, il faut se distraire.
Chacun y trouve son compte : plage, pêche, visites du port et du parc
forestier. C'est dans ce dernier que nous découvrons le "cagou", cet
oiseau rare qui ne vole pas et aboie comme un chien. En voie de
disparition, il est désormais protégé. C'est l'emblème de la Nouvelle
Calédonie et tous les matins, à 5H00 sur la radio locale, nous pouvons
entendre le cri du "Cagou" suivi de la Marseillaise. Il est beau mais
sauvage et trois fois plus gros qu'une mouette. En l'approchant, il est
sur la défensive avec ses ailes toutes grandes ouvertes et sa huppe
ressortie nous réussissons à faire quelques photos.
Ce parc renferme aussi une multitude d'autres animaux au plumage
laissant apparaître des couleurs vives et une botanique particulière à
la Nouvelle Calédonie et aux antipodes. Les yeux et l'odorat sont
flattés. Le surveillant, vêtu de l'uniforme colonial, nous dirige vers
des espèces rares et sait, avec grand plaisir, apporter ses commentaires
tout au long de notre progression. C'est très passionnant.
Déjà un mois de passé. Les élections approchent et notre mission de
protection du Haussariat se termine en ce qui nous concerne le 26
septembre. Dans la dernière vacation, trois explosions se font entendre
après le discours de Monsieur CHIRAC place des Cocotiers.
Le 14, l'unité termine son service et le personnel en repos s'attarde au
foyer-bar de la CRS 60 à la Rotonde lieu où nous consommons nos repas
depuis notre arrivée à l'hôtel de France. L'équipe de foot CRS qui a
gagné le second match de football fait une nouvelle fois coutume avec
l'équipe canaque.
Le 15, c'est le départ. Les bagages sont chargés dès neuf heures dans
les camions militaires, l'hôtel est libéré à onze heures et le repas est
consommé à la Rotonde. Dès 13H15 l'unité est conduite vers l'aéroport
Tontouta. Le départ est prévu à 15H30 avec un billet d'une valeur de
18300F CFP.
Monsieur MARREC, du même nom que notre collègue Georges et commandant de
bord sur le Boeing 747, assure la première partie du vol 565 de retour.
Nous volons en direct vers Djakarta sans passer par Sydney comme à
l'aller. A 13H30, 19H30 local, nous arrivons à Djakarta où la
température est de 28°. Nous décollons à 201135 avec monsieur SAVARY
comme nouveau commandant de bord pour Singapour. A notre atterrissage à
Singapour à 16H05 (F), la température est de 29°. Certains en profitent
pour faire leurs emplettes. Avec le même équipage, nous quittons
Singapour à 16H20. A 23H30, nous survolons Bombay, nous nous dirigeons
vers Bahreïn.
Il fait 28° à notre arrivée à Bahreïn, le 16 octobre à 00H35. Du même
nom que notre collègue, c'est Monsieur CONSEIL qui assure le retour sur
l'aéroport de Roissy Charles DE GAULLE à compter de 21H00. A 4H30, le
jour se lève. Nous avons presque voyagé de nuit et qu'elle a été longue
!!! Pendant tout ce trajet, les repas sont particulièrement rapprochés.
A 8H15, nous atterrissons sur l'aéroport de Roissy Charles DE GAULLE où
il ne fait que 8°. Le Commissaire CASTERAN, notre ancien patron, nous
reçoit. Loulou et Grand Miche portent leurs superbes colliers et
chapeaux de fleurs. Nous nous engouffrons dans les véhicules venus du
Mans nous chercher.
Nous réclamons vite le chauffage et c'est parti pour Le Mans excepté une
petite équipe chargée de récupérer les matériels et bagages à la sortie
de l'avion. A 16H00, ces derniers sont rangés et les personnels sont
vite libérés. Retour à la maison pour retrouver la "Dame et les Enfants"
et comme aurait dit l'ancien "Jack" « doucement sur la Dame ».
Ce type de déplacement éloigné de sa base et de longue durée nécessite
un bon mental pour faire face aux problèmes familiaux que nous ne
pouvons pas solutionner en raison de la distance. Le téléphone est
onéreux avec un décalage dans la conversation et le courrier n'arrive
souvent que dix ou quinze jours plus tard.
D'ailleurs un collègue dont l'épouse n'acceptait pas son départ et qui
ne recevait ni courrier ni coup de téléphone a fini par péter les
plombs. Ses collègues l'ont aidé du mieux qu'ils ont pu.
Deux autres déplacements ont été réalisés en Nouvelle-Calédonie par la
CRS 10, l'un en 1987 et l'autre en 1989. Ils ont été en majorité
identiques mais avec des vols affrétés sur réquisition par le Ministère
de l'Intérieur et par voie de conséquence avec moins de confort dans le
transport et avec des prestations plus rudimentaires. Par contre,
certains retours se sont faits par Los Angeles ou Honolulu et même en
survolant les grands lacs canadiens. Nouméa était moins attrayant mais
nous avons découvert autre chose comme la brousse avec repas chez un
Petit Chef. Nous avons été invités, un soir, dans une famille composée
d'un ancien militaire français marié à une canaque qui nous ont fait
découvrir le "bounia", plat local composé de viande et patates douces
enveloppées dans des feuilles de bananiers et cuit sur des galets
chauffés à blanc.
C'est dans la case qu'a été consommé ce repas local. Nous avons
malheureusement vécu un gros problème touchant notre ami Christian,
victime d'un AVC alors que nous nous trouvions dans la Tour
Saint-Quentin.
De l'hôpital de Nouméa, il a été transféré à Sidney et nous nous sommes
tous cotisés pour faire venir son épouse à son chevet. C'est un membre
de l’IPA à Sidney qui l'a prise en charge à son arrivée et qui l'a
hébergée. Fort heureusement, le couple nous a rejoint en Nouvelle
Calédonie et fait retour sur la métropole avec tout le monde.
Un cahier expliquant la Nouvelle Calédonie nous avait été remis au
départ et de nombreuses photos ont été prises pendant les trajets mais
aussi sur place sans oublier le cahier de recettes de ce lieu haut en
couleur.
On ne peut passer à côté de cette période exceptionnelle dans une
carrière même si le récit peut paraître long. Les trente années séparant
les séjours d'Algérie et de Nouvelle Calédonie font apparaître une
considérable évolution dans les moyens et notamment les transports.
Nous ne remercierons jamais assez nos épouses qui ont assuré auprès de
nos enfants pendant notre absence.
Récit écrit par Michel COUTARD
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