Centenaire de la police Parisienne |
12 mars 1829 - 12 mars 1929 |
(Article tiré d'une ancienne revue de la police nationale) |
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Le 12 mars
1929, en ses salons de la Préfecture de police, 7, boulevard du Palais,
M. Chiappe recevra les 16.000 gardiens de la paix conduits par M. Paul
Guichard,
directeur
général de la Police municipale. |
Certes, le Chevalier du Guet, s'il tenait réception, avait beaucoup
moins de saluts à faire. Mais j'imagine qu'il ne voyait pas souvent ses
subordonnés les mœurs d'alors étaient moins démocratiques que de nos
jours. |
Cette réception grandiose a un sens. Il s'agit de fêter le centenaire
des gardiens de la paix. |
Il eût été dommage
que cela ne fût pas. On commémore les travaux de gens qui en ont
infiniment moins fait. |
Enfin, pour un chroniqueur, c'est le moment ou jamais de montrer son
érudition. |
Le guet qu'on rosse |
La police avait un
autre nom aux premiers siècles de notre histoire ; on l'appelait le
guet. |
Les historiens nous apprennent que le roi Clotaire II, en 595, régla par
ordonnance le service imposé à la garde de nuit ou guet de Paris.
Charlemagne et Louis le Jeune réglementent ensuite l'organisation de
cette milice. Charlemagne frappe notamment d'une amende de 4 sols
parisis ceux qui ne voulaient pas prendre la garde (il y eut, de tout
temps,
des " tireurs au flanc " |
Les gardiens de la paix de ces temps-là étaient de paisibles commerçants ou artisants. |
Ceux qui composaient le guet ne craignaient rien, hors le danger. Aussi
le guet Royal, composé d'une compagie à cheval et d'une compagnie à
pied, le méprisait-il et, en 1563, un édit de Charles IX supprima le
guet des métiers. |
Entre temps, il fut souvent rossé -- les ribaudes, les truands, les
coupe-jarrets, les vide-goussets et les tranche-gorges, les étudiants et
les poètes lui menaient la vie dure. Les poètes de cette époque
maniaient avec autant de grâce le stylet que l'hémistiche et, la césure
ne nourrissant point son homme, ils coupaient plus aisément une bourse
qu'un vers et pillaient plus encore les rôtisseurs ou marchands à la
toilette qu'Ovide, Horace ou Platon. |
Le Guet Royal comptait, en 1563, 50 cavaliers et 100 hommes à pied qu'on
appelait des archers. |
Sous Louis XIV, l'effectif fut porté à 100 cavaliers et 400 fantassins. |
Le Guet était encore rossé de temps en temps. Mais il pouvait se
consoler en se disant qu'il l'était, non plus par des ribauds ou des
poètes, mais par des gens de qualité. C'étaient alors des gentilshommes
qui se chargeaient d'infliger les corrections. |
L'effectif total du Guet était, en 1721, de 1.093 hommes, secondés par
les gardes-françaises et deux compagnies de Suisses, sans compter les
300 hommes de garde à l'Hôtel de Ville. |
La banlieue était protégée si l'on peut dire — par la maréchaussée de
l'Ile-de-France (100 hommes). |
Le Guet Royal était sous les ordres du Chevalier du Guet. |
C'était un noble, richement vêtu, chamarré sur toutes les coutures,
chapeau à plume sur la tête, épée au côté. Il pouvait à toute heure du
jour et de la nuit se présenter chez le Roi, prérogative considérable,
il parcourait, la nuit, les rues de Paris, à la tête des rondes du Guet
Royal. |
Sur son cheval noir, il avait grand air, l'ange gardien des Parisiens. |
En 1567, un édit créa un nouveau magistrat le Lieutenant général de
Police. |
Cent ans plus tard, Colbert disait à Louis XIV : |
— Il faut que notre lieutenant de police soit un
homme de simarre et d'épée, et, si la savante hermine du docteur doit
flotter sur ses épaules, il faut aussi qu'à son pied résonne le fort
éperon du chevalier ; qu'il soit impassible comme magistrat et, comme
soldat, intrépide ; qu'il ne palisse pas devant les inondations du
fleuve
et la peste des hôpitaux, non plus que
devant les rumeurs populaires et les menaces de vos courtisans. |
Aux éperons près, Colbert avait prévu Chiappe et Guichard. |
M. de La Reynie fut le premier lieutenant de police et le resta 30 ans. |
Outre le Guet, le lieutenant général de police avait sous ses ordres, les commissaires au Chatelet, les inspecteurs de police et les observateurs. |
Les commissaires au Châtelet surveillaient les vagabonds, recherchaient
les maléfices, enquêtaient sur les procès en instance au Châtelet. Ils
avaient le droit de porter la robe longue. |
La création de la Préfecture de Police |
La révolution modifia complètement l'organisation de la police
parisienne le Guet, la garde de Paris, les Suisses, le lieutenant
général de police, disparurent. |
Le Comité de Salut public les remplaça par la garde nationale, la
Gendarmerie et la Légion de Police. |
Mais, le 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) fut créée la Préfecture
de Police. |
Le citoyen Dubois fut le premier préfet. |
La restauration supprima la préfecture ; le décret des 16-21 mai 1814 supprime le ministère de la police générale et la préfecture de police parisienne, symboles du despotisme napoléonien. |
Après les cent-jours, toutefois, la police générale est de nouveau confiée à Joseph Fouché, tandis que la préfecture de police est rétablie. |
Je ne retracerai pas, par le menu, toutes les vicissitudes, tous les
changements apportés dans l'organisation de la police. Je ne parlerai
pas de la police politique (Fouché). Je ne dirai qu'un mot d'un
événement sensationnel à l'époque : en 1828, la préfecture de police
utilisa, pour les rondes de nuit, les voitures Wurtz, dont les roues
étaient garnies (le feutre, ainsi que les sabots des chevaux, et qui
traversaient Paris sans bruit en transportant une douzaine d'inspecteurs
ou de gendarmes. |
Je ne dirai qu'un flot de M. Thouret, le premier directeur de la police
municipale, créée à cette date.
Il
voulait que la police municipale fût fraternelle.
C'était une belle idée. |
Les premiers sergents de ville |
L'uniforme en était simple blouse bleue, cravate et ceinture rouges. |
Ils accomplirent leurs fonctions avec la plus scrupuleuse honnêteté. |
On peut rire à présent des quarante-huitards. |
En 1849, le 8 mars, les
sergents de
ville furent rétablis avec le bicorne
Quand M. Debelleyme
fut nommé préfet de police, le 6 janvier 1828, il n'existait pas
d'agents de police en uniforme. |
Le 12 mars 1829, M. Debelleyme prenait l'ordonnance suivante : |
Nous, préfet de police, ordonnons ce qui suit : |
Art. I. |
"Des
sergents de ville seront chargés dans Paris
de l'exécution des lois et ordonnances de police municipale et ils
seront assistés d'inspecteurs de police pour l'exécution des ordres". |
Art. II. |
"Les sergents de ville porteront un habit ou redingote uniforme en drap bleu, boutons aux armes de la ville, pantalons et gilets bleu, chapeau à cornes, canne à pomme blanche aux armes de la ville. Dans les rondes de nuit, ils pourront porter un sabre avec ceinturon noir ". |
La population parisienne accueillit favorablement le nouveau corps, qui
mit de l'ordre dans la capitale. |
Elle en avait besoin. |
N'était-ce point vers la même époque que Vidocq, chef de la Sûreté,
réclamait, pour en faire des observateurs, trois détenus à la prison de
Bicêtre ? |
Ces hommes en uniforme ajoutèrent à la police un élément honnête. |
En 1846, ils étaient 38 brigadiers et 292 sergents de ville, à veiller
sur l'ordre. |
La révolution de 1848 les supprima et le citoyen Caussidière, délégué au département de la police créa pour les remplacer le corps des Montagnards, « composé d’ouvriers sans travail, ayant donné des preuves de civisme ». |
L'uniforme en était simple : blouse bleue, cravate et ceinture rouges. |
Ils
accomplirent leurs fonctions avec la plus scrupuleuse honnêteté. |
On peut rire à présent des quarante-huitards. |
En 1849, le 8 mars, les
sergents de ville furent rétablis avec le bicorne et l'épée. |
L'effectif en 1850 comprenait : 1 chef de la police municipale, 25
officiers de paix, 40 brigadiers, 60 sous-brigadiers, 750 inspecteurs
ou sergents de ville. |
Le second Empire n'y changea rien jusqu'en 1854, où la garde de Paris
vint
seconder la tâche trop lourde de la police
municipale et où l'effectif de celle-ci fut porté de 750 hommes à 2.875
sergents de ville et 231 auxiliaires. La tenue fut modifiée. On adopta
notamment le numéro, sur le collet de l'habit. Cela nous venait
d'Angleterre. |
En 1865, la ville de Paris loua un immeuble, 28, rue des Anglais (dans
le 13° arrondissement) pour loger les agents. |
En 1866, l'effectif total se trouva porté à 5.768 sergents de ville. |
La police soue la 3°
République |
En 1873, l'uniforme des sergents de ville, qu'on appelait à présent des
gardiens de la paix, fut le suivant : |
capote, tunique et pantalon de drap bleu, képi, ceinturon avec cartouchière et étui à revolver. Il n'a presque pas changé depuis. |
En 1892, l'effectif comprenait 7.500 gardiens et inspecteurs. |
Les traitements furent augmentés et devinrent décents. M. Lépine, en prenant la direction de la police municipale en 1893, améliora l'organisation policière à Paris. |
Il est, je crois, inutile de mentionner en détail, tout ce qu'il fit. |
Au 1er. juillet 1914, les effectifs de gardiens de la paix
s
élevaient à
10439 hommes. |
Puis ce fut la guerre. |
Tous servirent vaillamment. 190 furent tués, 452 blessés. 15 Croix de la
légion d'Honneur, 68 Médailles Militaires, 790 Croix de Guerre, leur
furent distribuées. |
M. Paul Guichard a porté l'organisation de le police municipale à une
quasi-perfection et il est désormais impossible, sans recherches
historiques sérieuses, de reconnaître dans la police municipale de mars
1929 la police municipale de mars 1829; il
est
plus impossible encore
de
comparer le guet et nos gardiens de la paix.
Un
homme bien
étonné serait Clotaire II, s'il survenait tout d'un coup dans la grande
ville où l'ordre règne, où le guet n'est plus rossé, où les
« veilleurs » sont jeunes, intelligents, courageux. |
Cet article semble signé : M... LARIQUE |