BIOGRAPHIE  DE  TEODOSE  MOREL  -   "TOM"
 
 
 

(Sources : Ordre de la libération – Souvenirs de l’Abbé Pierre - Anecdonet.free.fr )

 
 
               Alias : "Tom" ou « TO » Issu, par son père, d'une vieille famille lyonnaise d'industriels de la soierie et, par sa mère, d'une famille d'officiers et de juristes savoyards, Théodose Morel voit le jour le 1er août 1915, à Lyon.
 
               De trois ans son ainé Henri Grouès (qui deviendra l’abbé Pierre –nom adopté dans la clandestinité qui lui restera jusqu’à la fin de ses jours)  fils lui aussi d’un négociant en soie Lyonnais et élève des Jésuites comme Tom, il sera son chef scout et son ami.
 
                Le 5 janvier 1931, il écrit : « Si je n’avais Jésus tout près de moi, que je reçois chaque matin, je succomberais sous le poids de ma tâche... Et tous mes efforts maintenant consistent à me perfectionner en toute façon, à grandir davantage pour pouvoir être plus tard le chef allant, entrain, le chef qui connaît son métier et ses hommes, mais aussi le chef qui se dévoue pour eux. Pour être chef, il faut avoir du prestige; et ce prestige il faut l’acquérir par la générosité, de l’entraide mutuelle, du dévouement (...) Il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime, a dit Jésus; et s’il permettait que cela me soit demandé à moi, oh! combien je le remercierais... »
              Un jour il explique son idéal : « Un chrétien doit être le premier partout, s’il veut que son christianisme porte témoignage. » Et il s’efforce de l’être que ce soit à l’équitation, l’escrime ou la gymnastique.
 
              Après des études primaires secondaires chez les Pères Jésuites, il choisit le métier des armes et prépare, de 1933 à 1935, le concours de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr à l'école Sainte Geneviève de Versailles.
               Admis à l'ESM en 1935 (promotion Lyautey), son rang de sortie, deux ans plus tard, lui permet de choisir son affectation : le 27e Bataillon de Chasseurs Alpins (27e BCA), à Annecy où il arrive le 1er octobre 1937, jour de sa nomination au grade de sous-lieutenant.
 
                Sur son passage à Saint-Cyr, il dira : « Travail absorbant et ingrat mais que j’ai aimé tout de suite à cause de sa difficulté même ; car plus la vie devient facile et plus j’enrage... »...« Car vous avez compris. Compris que ce métier d’officier nous est une vocation, et que toute critique à ce sujet nous est presque injure. »
               Il va chercher à travers la monotonie de la vie tout ce qui en fait le prix et donc la joie. L’entraînement est très dur, il se donne à fond comme toujours mais si une déception arrive il réagit : « Si mon amour-propre est blessé, ce sera très bon pour lui. »
              Septembre 1938 : « Une fois de plus je fais la constatation que je ne vis vraiment bien que dans l’effort. Je tiens énormément à garder cette jeunesse de caractère qui consiste à refuser d’opter pour toute médiocrité, tout reniement de soi-même et de ses actes. »
              « Mes fiançailles, écrit-il à deux de ses meilleurs amis, ont été un nouvel effort vers le bien, une nouvelle tentative pour monter vers le haut. Mon mariage sera un nouveau palier de cette ascension. Nous sommes bien décidés, ma fiancée et moi-même, à faire de Dieu le centre de nos actions communes... »
Et il se marie le 12 novembre 1938 avec Marie-Germaine Lamy.
 
                  Il devient officier adjoint au commandant de la section d'éclaireurs-skieurs à Abondance avant d'en prendre lui-même la tête.
                   En mai 1939, son bataillon gagne la Savoie et la frontière italienne. Sa section est en poste au-dessus de Val d'Isère.
 
Naissance de son premier fils Robert.
 
                  Le 21 septembre il est promu lieutenant et, alors que le 27e BCA part pour le front de l'Est, sa section, à son grand regret, reste sur place pour la garde des frontières. Ce qui ne l'empêche pas de se distinguer, du 12 au 20 juin face aux troupes alpines italiennes ; par une manœuvre habile mais risquée, avec un de ses chasseurs, il réussit au cours d'une reconnaissance à faire quatre prisonniers. Blessé par balle au bras droit le 18 juin, il continue néanmoins le combat avec ses chasseurs ; il reçoit la croix de guerre.
                   Les 21 et 22 juin 1940, appelé en renfort avec sa section près du col du Saint-Bernard, il parvient à localiser les forces adverses permettant à l'artillerie d'effectuer un tir d'arrêt qui contraint l'ennemi à se replier. Le lieutenant Morel reçoit une seconde citation et la croix de la Légion d'Honneur.
 
Le 27 novembre naît son deuxième fils, Philippe.
 
                  Il sert ensuite dans l'armée d'armistice à Annecy où le commandant Vallette d'Osia a pris le commandement du 27e BCA tout en préparant son unité à la revanche.
                   En août 1941, le lieutenant Morel est nommé instructeur à Saint-Cyr, repliée à Aix-en-Provence, et c'est vers la reprise du combat qu'il dirige ses élèves.
 
Le 21 décembre, naît François son troisième enfant.
 
                 Après l'invasion de la zone sud par les Allemands en novembre 1942 et la démobilisation de l'armée d'armistice, il entre dans la Résistance de Haute-Savoie et dans la clandestinité sous le couvert d'une entreprise de tissage.
 
                Tom écrit : « Il y a deux grands principes sur lesquels nous devons nous appuyer, nous officiers. Le premier est que la France est immortelle, le second est que nous vaincrons un jour. »
 
                  L’Armée secrète se structure. Les Allemands surveillent de plus en plus Tom Morel. Sa femme et ses enfants se cachent après une perquisition vaine de la Gestapo.
                  Retrouvant Vallette d'Osia, qui commande l'Armée Secrète (AS) du département, et le capitaine Anjot du 27e BCA, il s'attache à mettre sur pied l'AS de Haute-Savoie, que l'instauration du Service du Travail Obligatoire (STO) en février 1943 va contribuer involontairement à alimenter.
                  Avec l'arrestation de Vallette  d'Osia par les Allemands, qui ont remplacé les Italiens, puis son évasion pour l'Angleterre à l'automne 1943, l'AS de Haute-Savoie perd son chef. Il est remplacé par Henri Romans-Petit, chef de l'AS de l'Ain. Morel redouble d'activité, sa famille échappe de peu à l'arrestation.
 
                Voici le texte de l'appel que, du plateau des Glières, Morel adressait à ses anciens élèves-officiers :
« Il y a maintenant un an, le vieux Bahut transplanté à Aix subissait le pire des outrages. Notre casoar était déshonoré. Nous avons ensemble connu l'amertume de la rude discipline et, enchaînés par elle, nous n'avons pas eu le geste héroïque qui aurait lavé notre uniforme du déshonneur.
Après une année d'abandon où, suivant vos goûts et les sollicitations d'une habile propagande, vous vous êtes « reclassés » vaille que vaille, il est temps de vous demander où vous en êtes et ce que vous avez fait de votre idéal de Cyrard.
 Pour moi, comme je vous l'avais dit avant notre séparation, j'ai continué mon travail d'officier. Sans cesse ma pensée a été près de vous. J'ai suivi vos efforts et j'ai appris, avec quelle tristesse parfois, le chemin que vous suiviez. Tant que mon action ne présentait pas toutes les garanties nécessaires pour que vous puissiez y prendre part sans arrière-pensée, je n'ai pas cru, en conscience, devoir faire appel à vous.
 Aujourd'hui, en plein accord avec nos chefs militaires, je parle de ceux qui sont encore dignes de ce nom, je vous rappelle notre dernière réunion de la chambre Ro­croi. Il est temps de me rejoindre. Votre place n'est plus dans des organisations douteuses qui font le travail de l'ennemi, encore moins dans des situations civiles ou des études de petits bourgeois amorphes. C'est le sort de notre pays qui se joue : Cyrards de la Promo Charles de Fou­cauld, à l'exemple de votre patron, il faut tout quitter pour la France.
 Je vous attends donc, assuré que vous serez fidèles à la tradition. Ce n'est pas à la légère que je vous donne cet ordre. A défaut de vie facile, de gloire apparente, c'est le chemin de l'honneur, de votre honneur de soldat et de votre avenir d'officier que je vous indique. J'en assume comme chef toute la responsabilité : « Haut les cœurs et vive la France. »
 
              À la fin du mois de janvier 1944, le lieutenant Théodose Morel, alias Tom, reçoit de Henri Romans-Petit le commandement des maquis de Haute-Savoie et la mission de réceptionner les parachutages sur le plateau des Glières à 1500 mètres d'altitude et à une quinzaine de kilomètres d'Annecy. Tom s'installe aux Glières avec 120 maquisards qu'il organise en deux compagnies.
              À partir de février, et pendant six semaines, les accrochages se multiplient avec les Gardes Mobiles, les Groupes Mobiles de Réserve (GMR) et le Miliciens qui ceinturent le plateau sur lequel se trouvent, à la fin du mois de février, plus de 300 hommes. Tom organise énergiquement, avec les moyens dont il dispose, la défense du site des Glières et instruit son bataillon pour en faire une unité forte et homogène, en vue des combats de la libération. Sous son impulsion, le bataillon - qui a adopté la devise "vivre libre ou mourir" - regroupe des membres de l'AS mais aussi des Franc-Tireurs et Partisans (FTP) et plusieurs dizaines de Républicains espagnols, réussissant l'amalgame entre les différentes branches armées de la résistance savoyarde.
               Un premier parachutage de 54 containers permet de les équiper en armes légères.
               Le 2 mars, il décide une opération contre l'Hôtel Beau séjour à Saint Jean de Sixt, où sont cantonnés les GMR. Trente d'entre eux sont faits prisonniers, monnaie d'échange en contrepartie de la libération de Michel Fournier, un étudiant en médecine, infirmier du maquis, arrêté au Grand Bornant quelques jours auparavant. Mais, malgré l'accord sur l'honneur de l'intendant de police d'Annecy, celui-ci reste détenu.
               Le 5 mars, les Glières connaissent leur second parachutage de 30 containers alors qu'une troisième compagnie est créée au sein du Bataillon.
 
                Tom décide de mener, dans la nuit du 9 mars 1944, contre le P.C. des GMR à Entremont, une opération importante dans laquelle il engage une centaine d'hommes. Il se réserve l'objectif principal : l'attaque de l'Hôtel de France, siège de l'Etat-major du GMR Aquitaine. Tom est tué par le commandant Lefebvre. (Relation des combats d’Entremont).
 
                  Le lieutenant Théodose Morel est enterré par ses camarades, sur le plateau des Glières, le 13 mars. Le 2 mai 1944, son corps est descendu dans la vallée. Il est aujourd'hui inhumé au cimetière Militaire de Morette, aujourd'hui Nécropole Nationale des Glières, en Haute-Savoie.
 
Quelques jours avant sa mort, il avait répondu à quelqu’un qui lui reprochait sa témérité : « Je fais toujours ce que je sais être mon devoir, dussé-je en mourir. »
C’est le lieutenant qui avait écrit: « Je cultive le prestige, non pour une vaine gloire mais pour élever les âmes vers Jésus : Il est mon grand potentiel d’énergie ; s’Il n’était pas dans mon cœur, je sens que je ne pourrais rien faire. »