BIOGRAPHIE  D'ADOLPHE  LEON JOSEPH  HERRY
 
 
Né le 4 mars 1907 à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais)
Fils de Adolphe Léon Joseph et de Mélanie Marie Victorine Duwicquet
Marié le 20 décembre 1928 avec Simone Irène Marie Lejeune.
Décédé à Lomme le 25 septembre 1946.
 
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Sources :
- Le livre d'Yves Mathieu "Policiers Perdus - Les GMR dans le seconde Guerre mondiale"
- Le livre de Danielle Lheureux   "Les oubliés de la resistance"
- Le Service Historique de la Défense. Dossiers individuels de résistants cote GR 16 P 292134)
 
 Enseignant originaire du Pas-de-Calais, il est âgé de 32 ans au déclenchement des hostilités et mobilisé au 51e Bataillon de Mitrailleurs Motorisés  avec le grade de capitaine de réserve.
 
            Le 20 juin 1940, il est fait prisonnier et interné au camp militaire de Dinan (Côtes-du-Nord) Il s'en évade deux mois plus tard et réussit à rejoindre sa famille à Audinghen (Pas-de-Calais).
 
             La liberté recouvrée, il renoue avec d'anciens camarades officiers de réserve. De façon tout à fait informelle, le petit groupe cherche à se manifester au détriment de l'ennemi : pour sa part, Adolphe Herry commence son engagement de patriote par le sabotage réussi des lignes télégraphiques ennemies au cap Gris-nez sur le territoire de Tardinghem. La commune sera menacée d’une amende de 20.000 Frs.
Parallèlement, mettant à profit son emploi temporaire de secrétaire de mairie, il fournit de fausses cartes d'identité à des prisonniers évadés en errance dans le Boulonnais, et organise le passage de jeunes désireux de gagner l’Angleterre.
 
            En octobre 1940, il est surpris par une patrouille allemande alors qu'il cherche à établir les plans des fortifications côtières de l'ennemi du Gris-Nez. Arrêté au lieu dit « Waterzelle » commune d’Audinghem, il est emmené au château de la Madeleine à Boulogne-sur-Mer, siège de la Gestapo. Il sera confronté pour la première fois à la brutalité des interrogatoires par des officiers se relayant. Il est accusé d'espionnage. Trois jours plus tard, Après avoir été battu, les doublures de ses vêtements décousues, il est libéré faute d'éléments probants.

           Une perquisition est faite chez lui en novembre 1941. Il n’a eu que le temps de cacher dans son jardin armes et poste TSF pendant que sa femme s’occupait des allemands.

           L’action dans la région est difficile, le recrutement pour former des groupes est impossible et les hommes pressentis se dérobent. Sérieusement compromis par les bavardages de jeunes gens qu’il avait renseignés pour le passage vers Londres et se sachant surveillé, il décide de s'éloigner et s'installe avec sa famille quelque cent kilomètres plus au sud du Pas-de-Calais, à Auxi-le-Château.

           Début 1942, il est réintégré dans son cadre d'origine, et obtient un poste d'instituteur à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).

          

           Quelques mois plus tard, il apprend que des possibilités de commandement sont offertes aux officiers de l'armée d'armistice dans des unités de maintien de l'ordre en cours d'installation en zone occupée : «Je n'ai nullement la vocation d'un policier. Cependant, d'après les renseignements  obtenus sur les G.M.R., je pense pouvoir faire du très bon travail dans une de ces unités à formation militaire... et préparer ainsi la Libération ».
 

           Après six mois de stage à l'école de police d'Aincourt (Seine-et-Oise), il est nommé commandant du G.M.R. "Flandre" à Lille (Nord).

           En août 1943, par l’intermédiaire d’Albert Deschamps, inspecteur de Police, il réussit à entrer en contact avec Michel Trotabas alias capitaine Michel, officier britannique des Forces spéciales du S.O.E (Special Operations Executive) : Direction des Opérations Spéciales Britanniques). L'intéressé a été parachuté dans le nord de la France avec mission de créer un réseau franco-anglais spécialisé dans le sabotage, les filières d'évasion et le renseignement.
 
          La double vie commence pour le commandant Adolphe Herry. Il est bien conscient que chaque acte au profit du W.O., mérite du fait de sa situation dans la police, la peine de mort.
          Les deux hommes sympathisent et pour faciliter les contacts de l'agent secret, le commandant Herry le dote d'un uniforme de G.M.R. ; surtout, il met à sa disposition sa propre voiture de fonction avec le chauffeur. C'est ainsi que le capitaine Michel pourra sans encombre, non seulement établir des liaisons avec les postes du S.O.E. implantés dans le Nord et le Pas-de-Calais, mais également approvisionner ces structures en matériels et armes.
          Malheureusement, le 27 novembre 1943, le capitaine Michel est abattu à Lille de deux balles en pleine poitrine, alors qu'il tentait d'échapper à la Gestapo venue l'arrêter. (On sait aujourd'hui que l'officier britannique a été trahi par un des membres du réseau d'action et de renseignement qu'il s'efforçait de constituer sous le nom de réseau Sylvestre). Cette fin tragique est lourde de conséquences car au moment des faits, le capitaine Michel est porteur de l'uniforme des G.M.R.
           En toute logique, la Gestapo investit rapidement le cantonnement du G.M.R. Flandre. Le commandant Herry se trouve en très mauvaise posture, mais aucun élément susceptible de le compromettre n'est mis à jour par les enquêteurs.

           L'affaire ne prendra pas les proportions qu'on pouvait craindre, mais la disparition du chef du réseau Sylvestre est un coup dur. Pour le commandant Herry, c'est un avertissement très sérieux. Il ne doute pas que sa hiérarchie  vichyssoise va suivre de près son activité et que la moindre erreur pourra lui être fatale. Il ne se décourage pas pour autant.

 
           Bien que décapité, le tout jeune réseau Sylvestre ne tarde pas à se redresser sous la férule d'un chef nouveau, Pierre Séailles (Alias Gaston), auquel le commandant Herry, fidèle  à son engagement précédent, apportera son aide.
           Les véhicules du GMR « Flandres » sont constamment à la disposition du W.O.. Des transports d’armes sont effectués, un dépôt est créé au Garage, 80 boulevard Montebello.
           Le noyautage du groupe commencé sous les ordres de Michel est presque terminé et a donné des résultats dépassant toutes les espérances. Il faut dire que beaucoup de recrues, si ce n’est toutes, sont des jeunes gens entrés dans la police pour échapper au STO, c’est-à-dire d'hommes peu enclins à accepter le joug allemand. L’aide aux réfractaires et aux prisonniers évadés fait que le groupe doit faire face en janvier 1944 à un déficit de tickets de pain de plus de 700 kgs.
           Avec Les motocyclistes du GMR , Herry effectuent des liaisons entre Bethune et Paris, transportant des paniers renfermant tous les renseignements recueillis sur l’activité  Allemande dans la région et les comptes-rendus de sabotages effectués par l’O.F.A.C.M..
           Le Groupe « Artois » s’installe à Bethune (Pas-de-Calais), Herry réussis à faire placer à sa tête le capitaine Neyme, engagé de longue date auprès du commandant Herry au sein du réseau Sylvestre. Il va assurer la liaison et mettre lui aussi ses véhicules à disposition de la résistance.
          Herry continue à fournir également tous les renseignements sur les patrouilles et les barrages effectués par les GMR. Ceux-ci ayant reçu l’ordre de ne pas arrêter les patriotes armés, les cas douteux devant lui être soumis.
           Dans ce contexte, la contribution des G.M.R. du Nord sera particulièrement précieuse pour les services anglais ou les résistants. Usant de son commandement et des facilités de déplacement que sa fonction autorisait, le commandant Herry mettait régulièrement à la disposition du réseau Sylvestre et des groupes action qui en dépendaient, des véhicules des GMR pour couvrir des transports d'armes, d'explosifs, de munitions, de postes émetteurs provenant de parachutages.
           Les nombreuses liaisons entre les différents groupes « action » du réseau Sylvestre dans le Nord, le Pas-de-Calais, l'Aisne et même Paris, s'effectuaient à bord des véhicules de dotation, ce qui permettait, en trompant la vigilance ennemie, de transporter des parachutistes britanniques sur les lieux qui leur étaient assignés. Ces missions étaient également mises à profit pour remettre des pièces d'identité officielles à nombre de clandestins. Enfin, le commandant Herry fournissait au réseau Sylvestre des tenues de G.M.R. ce qui facilitait le travail de certains agents, chargés en particulier de se renseigner sur l'activité des Allemands ou leurs positions stratégiques.

           Il convient d'observer ici que ce travail d'intense collaboration avec les résistants n'a pu être réalisé que grâce à l'adhésion des policiers eux-mêmes. A cet égard, il ne semble pas qu'il y ait eu des dénonciations ou des trahisons de leur part, son ascendant sur les hommes était indéniable.  Les témoignages de ceux qui ont connu le commandant Herry concordent à affirmer qu'il s'attachait à insuffler à ses troupes une ardeur combative les préparant à participer activement, le moment venu, à la libération du territoire.

           En cours d'une reconnaissance à PERENCHIES pour étudier les possibilités d'attaque d'un poste  d'écoute allemand, il ramène à Lille, dans son Side-car, un parachutiste américain. Le lendemain, les personnes qui hébergeaient ce parachutiste sont arrêtées et donnent son signalement.
           En compagnie de sympathisants qu'il recrute, il s'investira dans le sabotage d'écluses ainsi que dans l'attaque de convois ennemis. Il participera personnellement, le 18 juillet 1944, à la destruction des locaux du S.T.O. de Lille. Sa voiture est reconnue et il est longuement interrogé par la police. Ses chefs le surveillent et il apprend par l’inspecteur de police Thellier, qu’il avait été pressenti pour entrer dans le groupe comme mouchard.
          Le bel agencement du commandant Herry n'allait pas tarder à être mis à mal, alors que l'avance alliée était engagée et que l'espoir revigorait chaque jour un peu plus le moral de ceux qui, depuis de longs mois, avaient combattu l'ennemi et le gouvernement de Vichy.
 
          Dans la deuxième quinzaine de juillet 1944, en pleine nuit, le commandant Herry envoie en mission faussement officielle, deux gardiens de la paix (Weppe et Renaud) porteurs de pièces d'identité contrefaites à remettre à des résistants dans le secteur de Béthune. Les deux hommes sont victimes d'un grave accident de la circulation. L'un d'eux (Weppe) est mortellement blessé. Aussitôt le commandant Herry se rend sur place pour récupérer les documents compromettants. Il a l'agréable surprise de constater que le capitaine Neyme a été plus prompt que lui, et s'est chargé de faire le nécessaire. Le lendemain, le commandant Herry est convoqué par l'intendant de police qu'il ne parviendra pas à véritablement convaincre sur le caractère officiel de la mission en cause.
           Il a fait la connaissance de Gotland (alias Charpin) délégué du NAP, du docteur Lafargue (Alias Deschamps) et de Legrad tous trois délégués FFI pour le nord. Il les met en relation avec Gaston et plusieurs fois il les conduit à Douai et Arras pour prendre liaison avec le chef du bureau Militaire FFI.
           Ce même mois de juillet 1944, il recrute le commandant Vitrant de l’Ecole de police, qui mettra à sa disposition au moment de la libération un groupe important.
          Herry assume le commandement des GMR mais aussi celui des gardes communications qui exécutent quelques sabotages dont celui de Saint André (ligne Lille-Ypres). L’effectif à sa disposition à ce moment est d’environ 800 à 900 hommes.
          Mais, un grave événement survient à Lille : le délégué du N.A.P. - Noyautage des Administrations Publiques - pour le Nord est arrêté avec plusieurs de ses camarades membres des F.F.I.
          Après avoir subi cinq fois le supplice de la baignoire, épuisé et à moitié inconscient, il parle et fournit à la Gestapo le nom du commandant Herry. L'arrestation de celui-ci devient inévitable.
 
Il l'a relatée en ces termes :
 
« Je donne à mon personnel des instructions formelles pour que les personnes désirant me voir soient triées et introduites avec beaucoup de précautions.
           Le 9 août 1944, à 11 h 30, je me trouve dans le foyer des gardiens, 24, rue Turenne à Lille, dirigeant les travaux de la commission du mess.
          Un gardien vient me prévenir que deux hommes me demandent. J'envoie le lieutenant Maillard aux renseignements. Il revient aussitôt et me dit : « ce sont deux étrangers, ils ne m'inspirent pas confiance ». Pendant qu'il me dit cela, les deux hommes sont entrés sur ses talons. Je les reconnais pour deux agents de la Gestapo. Je me retourne pour fuir vers la porte qui est derrière moi, mais la poignée a été enlevée par les gardiens de service pour éviter qu'on me dérange.
           J'attends ces deux hommes et les conduis à mon bureau de façon à permettre à mes gardiens de se préparer à les capturer.
           Dans mon bureau, la conversation suivante s'engage :
- Vous devinez le but de notre visite ?
- Non
- Nous avons reçu de nos chefs l'ordre de vous arrêter.
- Pourquoi ?
            Vous vous figurez peut-être que nous sommes venus bêtement nous jeter dans la gueule du loup, mais détrompez-vous. Nos précautions sont prises. S'il nous survient la moindre des choses, cent de vos gardiens seront fusillés et les autres déportés.
           Devant cette menace, que faire...
          Mon groupement pouvait vivre sans moi, mon remplaçant était désigné. Je résolus de me rendre et c'est la rage au cœur que je passai devant mes hommes surpris. Cependant avant de sortir, je réussis à donner au gardien Vankelst les papiers compromettants que je portais sur moi. »
 
            Immédiatement conduit à la Madeleine, à l’ancien Café de la rotonde, siège de la police secrète allemande. Le commandant Herry est inlassablement interrogé sur ses relations avec les agents du War Office, les réseaux de renseignements et d'action franco-britanniques et les organisations de Résistance.
 
Il l'a relatée en ces termes :
 
« L’interrogatoire commence, on me demande se je connais CHARPIN et GASTON. Puis d'une façon impérieuse JACKY, Georges RENAUD, Jean PORAT du Garage, MARCEL Jules et d'autres noms dont je ne me souviens pas. Naturellement je nie éperdument. On me donne le signalement de GASTON. Je demande à voir des photos, ils n'en ont pas.
             Vers cinq heures, la porte s'ouvre et je suis mis en présence de CHARPIN qui, aux questions posées par les Allemands répond d'une manière irréfutable, établissant nos rapports d'une façon très nette.
            J'apprends également qu'il n’a avoué qu'après avoir subi cinq fois le supplice de la Baignoire.
           Dés lors je reconnais effectivement que j'appartiens au W.O.et que je connais CHARPIN et GASTON.
           On veut me faire préciser l'action du W.O. et le lieu ou se cache GASTON. Devant mon mutisme, l'un des Inspecteurs (ils sont 4 maintenant) me dit : Vous allez apprendre à vos dépens que nous avons repris avec profit les méthodes moyenâgeuses ".
           Et je suis conduit dans une pièce du sous-sol, ou il y a simplement 2 fauteuils, une petite table, une armoire et un tabouret.
           Ces Messieurs allument des cigares, se versent un verre de cognac, et deux hommes de la S.D., en civil, me couchent sur le tabouret « Avec des menottes on m'attache les chevilles et les poignets aux pieds du tabouret et c'est dans cette position qui se révèle très vite cruellement incommode, que se poursuit l'interrogatoire.
            L'un des Inspecteurs, un grand brun frisé, me demande où j'ai caché le Parachutiste, ramené par moi de PERENCHIES. Je nie, il certifie alors aux autres qu'il me reconnaît, que j'avais des galons en V.  tenue actuelle ornée de galons de l'Armée, je joue sur cette différence et l'interrogatoire passe à un autre sujet.
           L'Inspecteur Chef demande quels étaient les moyens employés pour correspondre avec Gaston, puis les lieux où se cachaient les principaux membres du W.O. je réponds toujours de manière négative indiquant que je ne connais pas ces lieux, n'ayant pas d'action vraiment effective dans le W.O.
           La séance s’arrête, les 2 hommes me relèvent car il me serait impossible de le faire moi-même.
           Ils me font revêtir un imperméable, me donnent des lunettes noires et je suis emmené à la Prison Vandamme.
           Le lendemain, ne vois personne avant 15 heures. On m'emmène à nouveau dans le même appareil à la Rotonde. Les mêmes questions me sont posées, et c'est toujours sur ce qui intéressé le plus particulièrement la Gestapo, c'est à dire l'activité du Groupement, les lieux où sont cachés les armes, les lieux de refuge des membres du Mouvement. On m'interroge également sur l'activité du Groupe "ARTOIS" et celle du Groupe "FAIDHERBE".
            Devant mon mutisme persistant, on me met une sorte de casque ou couronne de fer sur la tête, que l'on peut serrer au moyen d'une vis.
            Après un temps qui me parait long, on me ramène à Vandamme.
           D'après ce que je peux comprendre, on commence à douter de mon activité.
           Le lendemain Samedi, les Inspecteurs arrivent vers 10 heures du matin, l'un des Inspecteurs m'informe que ma Femme et mon Fils sont là et pris comme otages. Mes deux Filles, 3 et 5 ans, sont restées à Valincourt (Nord). Ils répondront de ma franchise.
           D'ailleurs on me dit que ma Femme a avoué.
          On m'emmène à nouveau à la Rotonde, on me fait entrer dansa la petite salle du tabouret, on me fait déchausser. On me recouche à nouveau sur ce tabouret. Voyant que je ne parle pas l'un des inspecteurs, un grand maigre, vêtu d'un costume gris foncé, s'approche de moi et armé d'un scalpel me fait une incision profonde allant jusqu'à l'os, dans laquelle au moyen d'un vaporisateur, un autre inspecteur injecte un liquide brûlant, sorte d'acide, et les questions, toujours les mêmes me sont posées. Je ne réponds pas. On me ramène à la caserne Vandamme.
           Le Lundi, j'ai la visite d'un Inspecteur, qui me demande si je suis décidé a parler et m'offre la collaboration avec la Police Allemande si je livre les Chefs du W.O. Je refuse, cet inspecteur s'en va.
           Le soir un Feldwebel vient me chercher, me fait prendre les quelques objets personnels que l'on m'a laissés, mes couvre-pieds, un bol, une cuillère et m'emmène dans une autre partie de la Prison.
           Cette fois, je sens que le régime va changer. Sur le lit il n'y a plus de paillasse. La cellule est sombre, un vrai cachot.
           Le lendemain, mes nouveaux Gardiens, 1 Sous-Officier et 1 Ubergefrater sont des cerbères intraitables.
           Le matin à 5 heures, on me donne un bol de café et on me fait lever. Vers 11 heures j'ai une louche de soupe et l'après-midi vers 4 heures un autre bol de café. Je demande de l'eau pour me laver, on m'apporte un broc et dorénavant je n'aurai plus que ce broc d'eau pour boire et me laver une fois tous les cinq jours. Le seau n'est vidé également qu'une fois tous les cinq jours. A toutes les questions que je peux poser on ne répond pas. C'est le grand secret.
           Je ne suis plus interrogé jusqu'au samedi 19 Août.
           Le 19 août, deux Inspecteurs réapparaissent et m'emmène à la Rotonde.
          J'arrive à la Rotonde pas lavé depuis 10 jours, pas rasé, une culotte déchirée, les pieds enveloppés de pansements. Les Femmes de Ménage m'ont d'ailleurs vu passer au Poste de Police, mais il m'a été impossible de communiquer avec elles.
          Cette fois on n'a aucun ménagement. Immédiatement, les questions commencent. On me met le casque et ce n'est que lorsque je tombe évanoui que l'interrogatoire s'arrêté. Je n’ai toujours rien avoué.
           On me reconduit à la prison et je ne verrai plus personne jusqu'au samedi 1er septembre, date de l'évacuation des Prisonniers vers la Belgique et l'Allemagne.
          Vers midi, un Feldwebel vient dans ma cellule, me fait sortir rapidement et rejoindre les Prisonniers déjà groupés dans la cour. Ces Prisonniers d'ailleurs sont tous des Allemands condamnés à mort.
           On m'attache avec des menottes à un autre Allemand, auquel je resterai attaché jusqu'au  Samedi soir 2 Septembre, qui marque notre arrivée à Bruxelles.
           Dans le milieu de l'après-midi on nous embarque dans des camionnettes qui se dirigent à toute allure vers Tourcoing. En route un prisonnier s'évade. Nous arrivons à la Gare  de Tourcoing, le train venait de partir (train dans lequel se trouvaient les Prisonniers venant de Loos), furieux nos Gardiens nous ramènent à Lille à la Caserne Vandamme.
           Là, il y a effervescence on ne sait que faire de nous. Finalement on nous juche sur des camions de marchandises et nous commençons la retraite avec les Allemands en direction de Bruxelles.
           A Baisieux et un peu après Baisieux, notre convoi est survolé par 9 Mosquitos qui attaquent au canon les camions du convoi, 2 camions brulent. Nous passons, mais à Tournai, les Allemands jugent prudent de se garer et nous attendons la nuit. Aussitôt la nuit venue, nous repartons mais les partisans Belges ont commencé leur action et dans Tournai on entend tirer, une maison brule cernée par des Allemands. Nous faisons plusieurs fois le tour de Tournai avant de pouvoir en sortir.
           Finalement au petit jour nous réussissons à quitter la ville nous nous dirigeons vers Bruxelles.
           A la sortie d'Enghein, notre camion tombe en panne. On nous fait descendre et à pied nous regagnons Bruxelles.
          A une dizaine de kilomètres, après les vains essais pour arrêter des voitures, les chefs du convoi réussissent à nous faire monter dans un camion et nous arrivons à Bruxelles au début de l'après-midi.
          A la Prison ST Gilles, ou un Feldwebel devait prendre les instructions, il n'y a plus personne. Il faut prendre de nouveaux ordres à « l'Oberfeldkommandantur ».  Là, en désespoir de cause on nous invite à monter dans un train de détenus politiques Belges, qui en gare depuis le matin, et qui n'est pas encore parti, les sabotages ayant commencé à jouer, sabotages qui nous suivrons jusqu'à Malines. Nous sommes 86 dans notre wagon, avec un seau d’eau pour tout le monde. Nous arrivons à Malines (environ 20kms) au petit jour. De là, nous sommes dirigés vers Lezennes. 
           Nous n’irons pas plus loin. Les voies sont coupées par l’armée Blanche belge….»
 
           Les voies, sabotées, ne permettent pas au convoi de poursuivre. Retour le 6 septembre à Bruxelles où, finalement, sur intervention du président de la Croix-Rouge du pays (Monsieur Vandoren), les Allemands accepteront de libérer les prisonniers en échange du rapatriement de mille des leurs, blessés, et placés sous contrôle des Alliés.
           Le commandant Herry rentre à Lille le mardi 6 septembre, après avoir été hébergé pendant deux jours par monsieur Oussart, un camarade de wagon, qui était prisonnier des allemands depuis 1 an et avait été torturé 17 fois. Il apprend avec joie que son groupement s’est distingué de façon particulière dans les combats de la libération de Lille et des environs. Cela fut pour lui la meilleure des récompenses.
 
           Au lendemain de la Libération, le commandant Adolphe Herry sera intégré sans la moindre difficulté dans les C.R.S. et nommé commandant de groupement du Nord et du Pas-de-Calais.
           Adolphe Herry a été nommé chevalier de la légion d'honneur par décret du 25 septembre 1946, parution au journal officiel du 03 novembre 1946, sur proposition du ministère de la Défense, armée de terre active, en tant que lieutenant-colonel.
            Il reçoit la légion d'honneur, par anticipation, le 21 septembre 1946 devant la préfecture de Lille (voir photo ci-dessous) , à sa droite le colonel Gentien (directeur des CRS) et derrière lui se tient le commandant de la 11ème CRS qui a mission de le soutenir  en cas de malaise, il a tenu à rester debout durant le défilé de ses hommes. Il décédera le 25 septembre 1946 des séquelles des tortures qui lui ont été infligées et desquelles il ne s'était jamais rétabli. Il avait trente-neuf ans.
 
Il fut titulaire de La Croix de guerre avec palme et de la médaille de la Résistance.     
Il a été fait officier de l'Ordre de l'Empire britannique.
 
Le premier film  réalisé par les CRS en 1953 : "Les Soldats de l'ordre" - lui a été dédié.
 
legion honneur Herry
Photo tirée du livre "Les oubliés de la resistance" de Danielle Lheureux
Panégyrique
Chevalier de la légion d'honneur Ordre de l'Empire britannique Croix de guerre avec palme   Médaille de la résistance
 
 
S.O.E  =  (Special Operations Executive) : Direction des Opérations Spéciales Britanniques).
O.F.A.C.M. = Organisation Franco Anglaise du Capitaine Michel
W.O.    =  War Office (département de la guerre anglais)
N.A.P.  =  Noyautage des Administrations Publiques
FeldWebel     =  équivalent à un adjudant dans l’armée française.
Obergefreiter =  équivalent de 1ère classe
Oberfeldkommandantur =  Poste de commandement.
 
                        
 
Carte du garde d'un GMR du groupe "Artois" (Collection Bernard Pacherie)