Historique du château de Méhoncourt.
(Par Christian Aubriot)
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Grâce à des actes notariaux et différents témoignages on sait
qu'il fut bâti vers 1847 et d'après les honoraires versés à M.
Delarue, architecte de notoriété de l'époque, on peut dater avec
précision la fin de sa construction à décembre 1848. Le premier
propriétaire connu (famille du Puy du Parnay) originaire de
Souligné-sous-ballon lui donnait le nom de "Douce-Amie" du nom du
domaine sur lequel fut construit le château. C'est en 1897 que
Charles-Henri Belleville emprunta à sa région natale le patronyme
de "Méhoncourt" (Meurthe et Moselle) pour rebaptiser le
Château.
Alexandre GROSS achète le château en 1929, notable juif de la
ville, officier de réserve, titulaire de la
Légion d'honneur,
marié à une catholique, fondateur et propriétaire du café "Au
planteur de Caïffa", et de surcroît président de l'UGIF (Union
générale des israélites de France) du Mans.
Pendant l'exode, le château a été occupé par les Allemands.
Nota :
L'amende du milliard
: Le 14 décembre 1941, en représailles d’attentats commis contre
des membres de l'armée allemande, une amende d'un milliard de
francs est imposée aux juifs des territoires occupés avec menace
de déportations si de nouveaux attentats venaient à être commis.
Elle paraitra dans la presse et des avis sont placardés sur les
murs. L'ordonnance du 17 décembre 1941 charge l'UGIF, organisme
créé trois mois plus tôt, de collecter les fonds.
En Sarthe le président était Alexandre Gross, président de la
communauté juive et la secrétaire Odette Bloch. Concernant les
juifs arrêtés leur mobilier sera expédié en Allemagne pour les
victimes de bombardement dans le cadre de l'action meuble
(MAktion). Les maisons seront récupérées pour les services
allemands ou pro-allemands. L'armée allemande s'installe au
château de Méhoncourt, coexistant avec la famille d'Alexandre
Gross confinée dans une seule pièce. À court d'argent, le
propriétaire doit vendre le château à une collaboratrice, personne
compromise pendant l’Occupation, qui, selon certains dires, le
transforma en bordel.
A la Libération, en 1945, comme c'est souvent le cas des maisons
spoliées par les Allemands, elles sont réquisitionnées par les
préfets ou louées directement à d'anciens collaborateurs qui
cherchent à se faire oublier.
C'est un aumônier juif de l'armée américaine qui se démène pour
loger au château de Méhoncourt, dans la Sarthe, une trentaine
d'enfants juifs abandonnés.
L'OSE (Œuvre de Secours aux Enfants) prend le relais et y
rassemble 72 enfants dispersés dans le département par les
différents réseaux. Un des enfants interrogés raconte que le
château portait beaucoup de traces du passage des Allemands,
graffitis et dessins sur les murs et surtout une multitude de
douilles et d'armes disséminées dans le parc. La maison, dirigée
par M. Trachtenberg (surnommé "Crache-en-l'air"), puis par Lotte
Schwarz, est transformée en colonie sanitaire pour enfants pendant
l’été et un centre d’accueil pour personnes âgées. Elle ferme
définitivement en 1954. La maison exploitait un potager et des
élevages de volailles et moutons.
Le château sera racheté à une Dame Jory par le ministère de
l'intérieur en 1958 avant d'être reconditionné pour recevoir la
CRS n°10 en 1960.
Sources
:
http://www.ajpn.org/sauvetage-Chateau-de-Mehoncourt-253.html
https://lesdeportesdesarthe.wordpress.com/gross-alexandre/
Méhoncourt,
l'arche des enfants juifs cachés
Magnifique image d'une enfance pleine de vie que la haine
n'est pas parvenue à éteindre.
A Méhoncourt, les
enfants juifs vont réapprendre à vivre
Quelques jours après la libération de la Sarthe, un aumônier juif
de l'armée américaine puis l'OSE (l'œuvre de secours aux enfants)
réunissent au château de Méhoncourt, rue de l'Éventail, au Mans,
les enfants juifs cachés dans la Sarthe.
La maison, dirigée par M. Trachtenberg, accueille très vite de
nombreux enfants. Joseph Weismann, arrêté le 16 juillet 1942, à
Paris, évadé du camp de Beaune-la-Rolande (Loiret) et caché dans
la Sarthe, fait partie de cette marmaille pleine de vie qui attend
de retrouver les siens.
« Jo » a
13 ans et il revit. «
Pour moi,
Méhoncourt, ça a été la fin de l'humiliation, se
souvient-il. Là-bas, j'ai
compris que je n'étais plus cet être inférieur sur lequel on
pouvait cracher! Le calvaire était terminé. Je ne sais pas comment
l'ont vécu les autres enfants mais, pour moi, c'était ça.»
Au château, la vie n'est pas facile tous les jours, mais les
enfants réapprennent à vivre plus conformément à leur confession.
Les menus respectent les interdits alimentaires de la religion
juive et une petite synagogue (où
viennent aussi prier les militaires américains juifs)
est aménagée.
Au petit déjeuner
"Nous pensions tous revoir nos parents"
Comme les autres enfants,
« Farfadet
» (c'est le
surnom de Joseph, à Méhoncourt) - qui avait déjà son
certificat d'études - reprend aussi sa scolarité.
«
Nous allions dans
différentes écoles du Mans. Pour moi, ça a été le centre
d'apprentissage de l'école Cavaignac, une annexe de l'école
Marceau, rue de la Paix et
«
la Prat», l'École
pratique, près des quais.
Dans ces établissements, j'ai fait différents stages de
menuiserie, d'électricité, de peinture et d'ajustage dont je
m'étais fait une petite spécialité.»
Le ciel s'éclaircit pour les enfants de Méhoncourt. Mais dans
leurs petits cœurs, ils attendent impatiemment le retour de leurs
parents. «
Nous pensions tous les
revoir, se souvient Joseph.
Moi, j'avais une
confiance absolue dans mon père qui était l'homme le plus
formidable de la terre ! Il parlait français, russe, polonais,
allemand, anglais, yiddish... Et c'était le meilleur tailleur du
monde Non, vraiment, s'il ne devait en revenir qu'un, c'était
forcément lui.
J'en étais certain.
La terrible cloche qui sonne les visites
«
Farfadet » - tout
comme la grande majorité de ses amis - ne sait pas encore qu'il
est orphelin. «
Je n'ai vraiment
réalisé que je ne reverrais plus mes parents et mes sœurs qu'au
retour de mon service militaire.
»
Les enfants dans le grand escalier du château de Méhoncourt
Parfois sonne la cloche de Méhoncourt. (Nota
: Cette cloche est installée à la conciergerie du Château
(logement de fonction du Commandant). Elle annonce la
visite ou te retour d'un parent.
«
Ça, c'était très dur...
»
Se
rappelle Jo.
Une année a passé quand une dame se présente à l'accueil. C'est
Odette Margel qui tient, avec son mari, le magasin "Au
meuble chic", 2, rue du Père-Mersenne, au Mans.
«
C'était un couple
juif qui voulait offrir des moments de détente à une petite fille
: l'emmener manger des glaces, faire des promenades, raconte
Joseph Weissmann. Le directeur m'a appelé et m'a demandé d'aller
chercher une des enfants du château. Quand je suis revenu, la dame
m'avait finalement choisi... À quoi tient le destin ? Elle m'a
donné un amour immense ! M. et Mme Margel ont souhaité m'adopter
mais je n'ai pas voulu. Je ne voulais pas perdre mon nom.
Comment mes parents pourraient-ils me retrouver si je ne
m'appelais plus Weismann
»
Dans cette famille d'accueil, le petit Jo va vivre
«
le bonheur à l'état pur
». Après une période de convalescence en Haute-Savoie, où il
rencontre Robert Jarry, futur maire du Mans, et le photographe
Jean-Claude Vaillant, Joseph revient au Mans. Il suit une
formation chez Pigier et entre
Au meuble parfait
- «car, entre-temps,
Le Meuble chic
était monté en grade ! »
sourit-il - avenue du Général-Leclerc. Joseph en prendra la
direction plus tard et le fera prospérer.
Câlin et bisou, image de tendresse à Méhoncourt
Câlin et bisou, image de tendresse à Méhoncourt
Extrait du journal Ouest France «Guerre et libération dans la
Sarthe» 27
mai 2014 Photos du net.
Reproduction d'un article paru dans le bulletin de liaison annuel
n° 38 2014 de l'Amicale des Anciens de la CRS 102/10.
Un
grand merci à l'ami Michel COUTARD qui a recueilli cet article !